Un sabot à la fois

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zaël ft. snowflake

Aujourd'hui était un jour bien particulier. Aujourd'hui l'Hiver arrivait : on pouvait sentir les premiers flocons tombant au sol, on pouvait aussi distinguer les herbes devenant de plus en plus rêches. L'hiver envahissait tout, n'importe quoi, mais surtout n'importe quel territoire. Il laissait des traces : comme de la gelée, du verglas, mais surtout de la neige fondant petit à petit. Quelques animaux aimaient cela, mais d'autres disparaissaient pour mieux apparaitre durant le Printemps. Les prédateurs avaient revêtus leur apparat hivernal, tandis que les proies faisaient leur poil d'hiver. En parlant de poil, ne sens-tu pas, toi, ce poil qui pousse davantage ? Ce poil qui te gratte tandis qu'il te donnait chaud quand tu faisais n'importe quel petit effort. Tu avais quinze ans, alors oui, tu connaissais ce poil qui poussait sans même demander son reste. Tu connaissais cette chaleur peu commune, mais tu connaissais aussi l'effet de ces poils lorsque tu avais froid. L'hiver venait & toi, tu vieillissais avec lui.
Finalement, te voilà posant ton pied délicatement dans la poudreuse. Tu aimais cette sensation, tu aimais ce sentiment de puissance quand tu écrasais la neige. Mais ce que tu aimais le plus, c'était cette sensation de revenir à tes jeunes années, des années que tu avais véritablement aimé. Puis, une idée te vint : pourquoi ne pas découvrir d'autres horizons ? Pourquoi ne pas voyager un peu ?Bien sûr, tu avais accepté d'appartenir à un territoire, mais tu avais toujours ce sentiment de non accomplissement, cette envie de toujours découvrir plus. Tu n'aimerais pas mourir avec des regrets, soyons francs. Alors, tu secouas la tête & partis dans un galop ample, un galop que seuls les chevaux de ton espèce ont : les chevaux espagnols. Tu galopas deux heures, voire trois, tu n'en savais rien en réalité. Après ceci, tu te retrouvas dans un endroit qui t'étais totalement inconnu, mais un endroit qui t'intéressait tout de même. Alors, tu posas un regard sur ce dernier & soudain une odeur. Tu ouvris grand les naseaux & posa ton regard noisette sur une jolie jument grise qui venait de pénétrer dans ton champ de vision. Une espagnole ? Sans doute, vu sa carrure. D'une nature sociable, tu te mis au pas & pénétras alors dans son intimité, son cercle vital. Tu entendis sa dernière phrase & un ronflement sortis de tes naseaux, tandis que tu te trouvais à, à peine, quelques centimètres d'elle.
" Cet endroit est magnifique n'est-ce pas ? "

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zaël ft. snowflake

Cela faisait bien longtemps que tu n'avais pas rencontré de juments, mais surtout de juments jeunes. Cette rencontre te donnait l'impression de revivre tes jeunes années, de revivre des moments que tu avais presque oublié en réalité. Des moments qui avaient pourtant rythmés ta vie il y a bien longtemps, des moments que tu avais particulièrement apprécié. Des moments qui t'avaient permis de grandir autant que devenir quelqu'un. Tu t'en rappelais très peu, mais lorsque les flash arrivaient, ils faisaient en sorte de te faire sourire, de te faire revivre des lieux ainsi que des sensations qui te semblaient inconnu(e)s & pourtant si connu(e)s. Comme cette odeur de jument, cette odeur de jeunesse, qui te permettait de voir autre chose, mais surtout te faisait remonter des souvenirs de ta vie d'antan. Cette jolie jument grise te rappelait ta dernière fille : certes, cette dernière était beaucoup plus fine que la demoiselle devant toi, mais elles avaient le même regard. Le regard empli d'une jeunesse qui ne partirait pas de si tôt. Finalement, quand tu remarquas l'écart de la miss, tu eus un pincement au coeur : ta vieillesse faisait-elle si peur ? Mais à sa phrase, tu fus rassuré.

" Ne vous excusez pas, voyons, c'est à moi de le faire : j'aurais du vous prévenir plus tôt de ma présence. Pardonnez donc mon impolitesse ... "

Tu baissas alors la tête, en guise d'excuses pour finalement te reculer, lui faisant comprendre par ce geste que tu n'étais pas là pour l'ennuyer, bien au contraire évidemment. Elle était belle cette jument en fait : elle avait le corps trapu, les yeux en amande mais surtout une longue crinière comme sa race le lui permettait. Cette jument faisait vraiment partie des espagnols, ça se ressentait rien qu'à sa posture, mais aussi à son comportement aristocrate. Elle avait des manières que certains chevaux ne peuvent se permettent d'avoir. Tu avais rencontré tout plein de chevaux, tout pleins de races : ça passait du mustang, au lusitanien mais aussi à des chevaux sans race. Toi, qui était sauvage, comment pouvais-tu connaître toutes ces races ? Tout simplement car ta génétique te le permettait mais aussi toutes les années que tu avais devant toi. Tu avais voyagé, alors cela te permettait de subvenir à tous tes besoins de connaissance. Finalement, tu grattas un peu le sol, semblant chercher une touffe d'herbe quelconque mais tu ne trouvas rien. Alors déçu, tu secouas la tête & finis par poser ton regard bleuté sur la jument lorsqu'elle te répondit.

" Vous êtes ici depuis longtemps ou vous venez d'arriver ? "

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zaël ft. snowflake

Cette jument était complètement intrigante selon toi. A un moment, elle te paraissait totalement inconnue, comme sortie de nul part & au final, elle changeait du tout au tout : elle devenait bientôt une jument que tu connaissais par coeur sans même devoir lui parler. Elle devenait bientôt une jument que tu avais l'impression d'avoir rencontré auparavant, d'avoir connu dans une vie antérieure. Une jument qui venait d'un monde que tu avais complètement oublié. Une jument qui te rendait nerveux car elle ressemblait énormément à Lullady, ta dernière fille. Une fille qui, malgré son caractère téméraire, représentait énormément pour toi. Une fille à qui tu aurais réellement voulu offrir la couronne sans même qu'elle grandisse, une fille qui portait en elle les espoirs de parents fiers. & pourtant, tout avait changé. La crue avait emporté toute sa famille, seulement Eurydice avait survécu & il avait vu périr tous ses enfants à cause d'un événement naturel. Tu écoutas attentivement ses paroles, tout en hochant la tête. Elle était donc inconnue ici ? Elle voguait depuis une année ? Elle avait du mérite, selon toi. Elle devait réellement être courageuse.

" Oh je vois. Votre ancienne terre ne vous manque-t-elle pas ? Pensez-vous que votre famille va-t-elle vous rejoindre ici, selon vous ? "

Tu étais curieux : c'était rare mais ça te faisait vraiment du bien. Ca te faisait du bien de laisser ta curiosité dépasser ta sagesse. Tu avais beau avoir quinze ans, tu savais pertinemment qu'il fallait toujours être curieux dans la vie, quelque soit ton âge. Finalement, tu eus un rire sincère à sa dernière question. Toi ? Dominant ? Elle t'aurais demandé cela il y a quinze ans, tu aurais répondu courtoisement mais là, tu ne pouvais te le permettre. Tu n'étais qu'un invité sur ce territoire, qu'un pion sur le grand échiquier de la vie. Tu ne rêvais que d'une chose : retrouver une vie heureuse, pouvoir être calme dans un monde qui n'attendait que toi. Tu secouas la tête tout en laissant ton regard se poser dans les yeux, une énième fois, dans le regard de la jeune jument : une lueur malicieuse des tes yeux.

" Oh non. Je ne suis qu'un invité ici ! Donc je vous en prie, faites à votre aise. "

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zaël ft. snowflake

Elle paraissait mélancolique la petite espagnole, elle paraissait comme hantée par des secrets ou des souvenirs qu'elle préférait ignorer. Nous avons tous une vie antérieure, un passé bien à nous, c'était bien connu mais il fallait le dépasser. Il fallait traverser ses barrière & créer de nouvelles histoires, de nouveaux horizons. Je suis d'accord avec toi Zaël, mais toi ... En es-tu réellement capable ? As-tu déjà oublié ton passé ? Sais-tu comment ignorer des souvenirs qui sont tiens ? Penses-tu réellement avoir tourné la page ? Je n'en suis pas certaine. N'es-tu pas le premier à pleurer des êtres qui seraient partis trop tôt, à crier au désastre quand tu revois des souvenirs, à hurler ta rage lorsque tu revois des visages connus dans tes flashs ? Je te connais, tu sais, je sais qui tu es, mais je sais surtout comment tu peux agir. Je vois tes réactions, je ressens tes sentiments, je pleure tes morts ... Je suis toi en réalité, mais tu refuses encore de l'admettre.
Tu laissas la jument te répondre, sans en rajouter, sachant parfaitement que cela paraîtrait dans un premier temps impoli & ensuite bien trop curieux. Tu aurais le sentiment de pénétrer une certaine intimité, un jardin secret qu'elle s'était créée elle-même, un endroit où ses sentiments ainsi que ses souvenirs étaient encore pâle comme son chanfrein. Où ils seront tous purs comme l'air. Tu étais bien trop gentleman pour te le permettre en réalité. Finalement, à sa proposition, tu ne te fis pas prier, te mettant en marche & la suivant tranquillement. Tu avais l'habitude d'ignorer la faim, considérant cela comme complètement superflu, mais cette fois-ci c'était différent : cette fois-ci tu avais réellement faim, alors oui tu la suivrais. De plus, tu savais qu'en faisant cela, tu continuerais à la découvrir, à voir qui elle était réellement. Alors pourquoi ne pas allier le plaisir à l'utile ?

" Cela me plaît bien de vous suivre : du moment que vous m'en racontez davantage sur vous. "

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zaël ft. snowflake

Le temps était en votre faveur. Il laissait des flocons se déposer délicatement sur vos crins tandis que la fraîcheur se faisait de plus en plus présente. La délicatesse du climat, ainsi que la beauté des lieux rendaient votre rencontre d'autant plus belles. On pourrait presque croire à un retour dans le temps, la jeunesse rencontrant la vieillesse. Une jeune jument rencontrant son alter-ego plus âgé. Une scène toute à fait atypique & qui, pourtant, paraissait toujours aussi belle. Subtilement, tu détaillas la jument près de toi. Elle était jeune, cela se voyait sur son visage, mais aussi son regard ainsi que ses réactions physiques. Elle réagissait vite, elle vivait vite ...  Mais, elle n'avait pas encore rencontrer les éléments perturbateurs de la vie, selon toi. Oh bien sûr, le départ de son troupeau, le fait de quitter sa famille & de découvrir un autre monde suffisait à faire grandir quelqu'un, mais tu remarquais que chez elle ce n'était pas le cas. Ici, la fraîcheur de la jeunesse était encore présente.
Tu laissais tes sabots s'enfoncer petit à petit dans la cendre mêlée à la neige, tandis que ton regard se posait sur l'horizon. Tu étais heureux, ici, réellement : tout ce petit monde sentait la paix, la bienséance ainsi que la convivialité. Un monde que tu avais perdu en perdant les tiens, mais que tu retrouvais au fur & à mesure de tes pas sur cette île. Tu ne regrettais qu'une chose : qu'Eurydice ne soit pas là pour vivre tout ceci avec toi. Tu espérais réellement qu'un jour elle te rejoindrait, qu'un jour vous vous retrouverez & vous vivrez vos belles années ensemble. Finalement, tu secouas la tête pour faire en sorte de faire partir cette mélancolie qui t'imprégnais timidement. Tu reposas ton regard sur la jument & hochas la tête à ses paroles. Flakie ? Mignon comme prénom, mais enfantin selon toi. C'est sans doute pour cette raison qu'ils ne l'avaient pas nommé ainsi dés sa naissance : elle paraissait plus princesse qu'enfantine.

" Ils sont étranges, mais ils ont aussi leur raison. Tu as des frères & soeurs ? Des amis qui savent où tu es actuellement ? "

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zaël ft. snowflake

" J'avais un petit frère de deux ans de moins que moi. " Tu mémorisas tout ce qu'elle te dit, mais ces premiers mots furent ceux qui percutèrent bien rapidement ton crâne. Elle avait un frère cadet, donc ? Un frère plus jeune qu'elle ? Il devait être bien jeune, vu la corpulence de la jument espagnole. Mais tu n'en fis pas de commentaires. Tout ce que tu savais c'est qu'elle ressemblais de plus en plus à ta fille & que son frère ressemblait à ton premier fils. Tu te rappelais de Black One. Cet unique fils noir que tu eus dans ta vie. Tu te demandas d'ailleurs comment ce fut le cas, puisqu'Eurydice était palomino & toi crème ... Peut-être aviez-vous des ascendants noirs ... Tu ne le sauras sans doute jamais. Donc tout cela pour dire que ces deux chevaux ressemblaient énormément à tes enfants. Une fille aimant l'aventure mais aimant avant tout ses parents. & un fils, qui refusait les responsabilités ainsi que l'autorité parentale. C'est sans doute pour cette raison que tu avais souvent le regard triste durant la conversation : car cette dernière faisait remonter bien trop de souvenirs à ton goût. Tu espérais seulement qu'elle ne le remarquerait pas : tu n'aimais pas qu'on te prenne en pitié. Tu étais un vieillard mais tu n'étais pas pitoyable.
" & pour répondre à ta question. " Tu tiquas légèrement à la prononciation du " tu ". Tu n'avais pas l'habitude que les jeunes se permettent de telles familiarités avec toi. Mais tu ne dis rien, considérant que tu avais commencé en premier. Tu n'utilisais que rarement le "vous " avec les jeunes, pensant que cela pourrait les perturber, puisque ce surnom vieillissait souvent une personne. Tu l'écoutas donc attentivement, hochant la tête de temps en temps. Elle était donc partie seule, se moquant de ce qu'elle pourrait rencontrer, mais surtout affrontant ses peurs. Elle méritait le respect, sincèrement, selon toi. Peu de jeunes affrontaient leur destin, mais surtout très peu acceptait de laisser leur désir de liberté guider leur pas. Finalement, tu posas de nouveau ton regard bleuté dans celui de la jeune jument tout en continuant de marcher dans la poudreuse cendrée.

" C'est bien de suivre son destin, mais surtout son désir de liberté. Mais n'as-tu pas peur de regretter en quittant ainsi les tiens ? Que comptes-tu faire ici ? Tu voudrais être Reine un jour, ou bien même mère de famille ? "

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zaël ft. snowflake

Elle t'expliqua qu'elle n'avait pas réellement de but dans son périple, que sa quête n'avait pas réellement de nom. Ca te fit sourire silencieusement, pensant de nouveau à ta vie antérieure. Tu aimais réellement la vie que tu avais actuellement, mais même si je me répète, tu regrettais ta vie d'avant. Tu regrettais de ne plus pouvoir rire comme tu le voulais, tu regrettais tes poulains qui te faisaient tomber parfois, mais ce que tu regrettais le plus : c'était voir la joie dans les yeux de ton peuple, dans le coeur de ceux qui t'ont fait grandir délicatement. Ta jeunesse te manquait. Ce moment de ta vie où tu n'avais qu'une chose à penser : vivre. Maintenant, tu ne pensais qu'à survivre, tu ne faisais que survivre en réalité. En fait, tu ne te l'avouais pas, mais tu n'attendais que la Mort. Tu rêvais qu'elle vienne te chercher dans ton sommeil, subtilement & sans souffrance, pour que tu puisses rejoindre les tiens. Pour que tu puisses leur montrer à quel point ils te manquent chaque jour.
Un rire se fit entendre. Elle venait de rire. & ce rire te fit comme un coup de fouet, il te donna un regain d'énergie que tu n'avais pas soupçonné. Cette petite te rendait heureux, sans même qu'elle ne s'en rende compte en vérité. Cette rencontre prenait doucement une tournure dont tu avais hâte de connaître le but, mais surtout tu ne voulais en aucun cas qu'elle se finisse. Tu voulais profiter de chaque moment passé en compagnie de la grise, tu voulais laisser aller ton esprit, mais surtout laisser s'endormir tes regrets. Tu voulais redevenir le père que tu n'avais plus été. Tu voulais retrouver la joie de vivre qui t'avait quitté ces derniers jours. Alors selon elle, la royauté vient avec la naissance ? Une personne lambda ne pourrait prétendre au trône ? Elle n'a peut-être pas tord. C'est vrai que c'était plus difficile pour un membre du peuple d'accéder au trône. Elle ferait une sublime mère, tu en étais convaincu, mais ça tu préférais le garder pour toi.
Elle semblait peinée, ou plutôt troublée par ton regard lorsqu'elle utilisa le "tu". Tu lui adressas un hochement de tête, il ne fallait pas qu'elle s'inquiète : tu n'étais que guère rancunier sur les façons de faire de certains chevaux, dont leur impolitesse. Alors, délicatement, tu la poussas des naseaux au niveau de sa croupe, comme un père le ferait avec sa pouliche.

" Le tutoiement ne me dérange guère surtout venant de toi. Tu ressembles trop à ma fille pour que je t'en tienne rigueur. "

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