Salmon or Chicken ? //S//

J'ai aimé Hérézy. Et il ne ment pas. Il a aimé Hérézy comme il a aimé Elune avant elle. D'un amour simple et fusionnel. Trop simple. Il soupire, observant simplement Sydän. J'aimais Aslaug différemment. Depuis que je suis enfant, quasiment. J'ai toujours eu cet amour indicible pour elle, malgré nos désaccords, malgré que ça ne soit pas réciproque. Elle, elle aimait mon père défunt au travers moi. Elle le voyait en moi, elle ne m'aimait pas moi réellement, mais je sais que son affection à mon égard était grande. L'écart d'âge fait qu'elle aurait pu être ma mère. Je n'ai jamais cessé de l'aimer, malgré que j'en ai aimé d'autres, avec qui j'ai pu avoir des enfants. Mon amour pour Hérézy ou pour Aslaug était vrai et sincère. Sinon, je n'aurais pas eu d'enfant avec elle, comme tu le dis. Il n'est pas sûr que Sydän pourra comprendre mais peu importe, au fond. Il lui pose des questions alors il lui répond. S'il ne comprend pas, il n'y peut pas grand chose.
Il comprend que le pie ne lui a pas pardonné, alors que cela fait des années. Il le pensait devenu plus sage encore qu'autrefois mais visiblement, la rancoeur a été plus forte que la sagesse. Oroszlàn hausse les épaules. Il ne va pas s'éterniser, il n'a pas envie de voir de nouveau le pie s'énerver violemment contre lui alors que lui reste calme. Son exil et son âge ont fait qu'il est devenu ce qu'il est aujourd'hui. Il n'a plus la même force ni la même vigueur mais son esprit s'est apaisé par rapport à certaines choses. Il pourrait pardonner beaucoup, aujourd'hui. Peut-être parce qu'il se sait condamné.

Sydän regarde le ciel, pensivement. Il cherche ses mots et se mord une lèvre, luttant pour que ses propres sentiments ne l'emportent pas. Cet amour que lui décrit Oroszlàn est impossible à comprendre pour Sydän. La fidélité fait parti des piliers de vie de l'étalon pie. Il ne comprenait pas comment on pouvait aimer plusieurs personnes à la fois. Lui n'avait eu d'yeux que pour sa belle Anastasia, mère de son unique fils. Ce qui ne lui avait pas empêché d'aimer Hérézy après le départ d'Ana. Mais bon c'était différent. Il n'avait trompé ni l'une ni l'autre, il avait simplement vécu deux histoires. Et puis... à quoi bon se justifier. Chacun fait sa vie comme il l'entend. L'étalon baisse l'encolure et ferme les yeux. A quoi bon se disputer. Avaient-ils vraiment l'âge pour ce genre de jeu ? " Je comprends... " soupire t il allègrement. Lorsqu'il ouvre les yeux à nouveau, ses pupilles se sont rétractés, sa posture semble beaucoup plus calme, plus apaisée. " Je te remercie pour tes explications. " Il fait un pas vers lui, le regard lourd. " Je voulais aussi te dire que... je suis désolé. Désolé de t'avoir tenu responsable de mes échecs. J'aurais pu me relevé, essayé d'arranger les choses, mais je me suis enfermé dans ma rancœur, dans mon cafard. Mon échec je ne le dois qu'à moi-même. Excuses moi. "  

Alors qu'Oroszlàn n'attend plus rien de leurs "retrouvailles", qu'il s'est résigné à ce que Sydän lui en veuille pour le restant de leurs jours, il est surpris de voir le pie changer d'avis. Il observe son vieil ami, soupirant discrètement de soulagement. Oui, il est soulagé. Il n'est plus nécessaire de se disputer des actes vieux d'il y a des années. Le Lion n'est pas rancunier et même s'il se sait coupable à une certaine mesure, il aimerait partir en paix. Pourtant, il contredit alors le pie en s'avançant vers lui. Ne raconte pas n'importe quoi. Nous savons tous deux que tu es un battant. Tu ne dois pas t'en vouloir, il y a des moments où l'on ne trouve pas la force de se relever et il ne faut pas se blâmer pour autant. Pour Oros, ses histoires n'ont rien à voir avec la fidélité. Il n'a jamais trahi Hérézy ni même Elune ni aucune autre. Quoique... peut-être, à un moment où la folie l'a emporté et lui a donné Redjim, conçu avec Rowena. Mais en étant lui-même, il ne l'a jamais trompée. Il pense sincèrement que l'on peut aimer deux personnes à la fois et son amour pour Aslaug a toujours été une illusion, une chimère, quelque chose d'idéal et d'impossible à la fois. Et sinon que tout est au clair maintenant... qu'est-ce que tu racontes d'autre ? Qu'est-ce que tu es devenu, après ? Après que je sois parti, comme un lâche.

Sydän vient toucher l'épaule de son vieil ami en signe d'amitié. Lorsque Oros lui demande ce qu'il est devenu, il ne peut s'empêcher de lever les yeux au ciel. " Bien des choses. " Par ou commencer... " Lorsque j'ai été destitué, nous avons essayé de nous reconstruire avec Anastasia, je suis devenu père d'un merveilleux poulain que nous avons appelé Teal. Nous vivions sur les terres libres, en attendant de trouver des terres qui veulent bien nous accepter. C'est alors que nous avons appris le décès de Naska, Isildure l'a salement executé. Nous avons promis de nous venger. Nous avons décidé d'intégrer les sables afin de provoquer la reine en duel. Mais malheureusement tout ne s'est pas passé comme prévu. Anastasia a été emporté par sa soif de vengeance, je ne la reconnaissais plus, impossible de la raisonner. Nous n'étions plus aussi fusionnels qu'avant, j'ai éprouvé le besoin de me confier à Hérézy, ma meilleure amie. Cependant ce soir là, Hawk nous a surpris, il a crût que nous étions amant et il a tout raconté à Anastasia. Suite à ça, elle a disparût, emmenant avec elle notre enfant. Je ne l'ai plus jamais revu. " L'étalon soupire, les yeux rivés vers le sol. " Suite à ça, ma vie s'est écroulée. J'ai broyé du noir pendant longtemps. Je me suis enfermé dans ma solitude. Quelques temps plus tard, un groupe de rebelles a été créer pour détrôner les dominants. J'étais tellement aveuglé par ma rage que j'y ai participer. Je voulais combattre Isildure, et j'ai eu ma revanche. Cependant elle me l'a bien fait payé. Elle m'a coincé dans un souterrain et m'a mis une misère. J'ai vu ma vie défiler devant mes yeux, heureusement que Céleste était pas loin ce jour là. Ensuite est venu le combat contre Aslaug et Maddox, bien que ma rancoeur était immense, j'ai décidé de ne pas y participer. Trop de sang avait coulé. J'avais perdu, il fallait que je l'accepte. Quelques temps sont passés, j'ai essayé de me reconstruire. J'ai revu de vieux amis, dont Njörd. Je me suis pris d'affection pour une jeune pouliche Lovokdja. Que j'ai essayé d'élever du mieux que j'ai pu. Elle était sauvage et difficile à apprivoiser. Ce n'est pas ta fille pour rien.. Mais bon. J'espère l'avoir bien guidé. Il y en a eu une autre du nom de Sana'a, assez fragile aussi mais ça fait longtemps que je l'ai pas vu. J'espère qu'elle va bien. La paix régnait sur Galop Sauvage à cette période, mais elle fût de courte durée. Un groupe de 4 équidés est venu semé le trouble sur les terres. Ils se sont accaparés les terres, ont tués et fait prisonniers bon nombre de Gsiens. Demain nous allons les combattre. " Il remonte son regard vers Oros, une nouvelle étincelle brillait, pleine de fougue et de détermination. " ça sera mon dernier combat. "

L'étalon l'écoute avec une attention sage et respectueuse, intéressée aussi. Il hoche la tête parfois, grimace à d'autres. Sydän en a vu de toutes les couleurs pendant son absence. C'est qu'il est parti longtemps... Trop, sûrement. Peut-être n'aurait-il même jamais dû revenir ? Qui sait, gamin. T'as manqué à personne, ici. Red m'a raconté les derniers évènements, oui... La chute des dominants, chose si invraisemblable pour moi... puis maintenant, la venue de ces parias. Et je.. je suis désolé que tu aies eu à vivre tout ça. Et Dieu sait quelle serait sa réaction en apprenant que sa propre fille a participé aux côtés du meneur cette révolution pour faire disparaître les dominances... Mais il ne le sait pas, tant mieux peut-être ? Encore ce nom, comme un fantôme. Lövojka. Il ne doit qu'être un fantôme pour elle aussi et il n'ose même pas imaginer la colère qu'elle doit avoir à son égard. Au moins, elle a survécu. Il n'en espérait pas tant, à vrai dire, sachant très bien qu'en partant, il l'abandonnait car Hel ne s'occuperait pas d'elle. Et alors, c'est Sydän qui s'est occupé d'elle ? Drôle de surprise. Je.. je ne l'ai pas revue, euh... Lövojka. Peut-être qu'il faudrait même que je ne cherche pas à la voir, même si j'en brûle d'envie. Tu dis qu'elle était sauvage... aujourd'hui, elle doit avoir bien grandi, comment est-elle ? Prendre des nouvelles par intermédiaire, être père par procuration. Il n'a aucun moyen de rattraper l'irrattrapable. Il aurait dû être là, toutes ces années. Mais qu'aurait-il fait, s'il était resté ? Qui aurait-il blessé ou pire, tué ? Ce que beaucoup ignorent, c'est qu'il est parti pour leur sécurité à eux, à ses proches. Il se souvient de ces vagues de folie, de colère destructrice, qui lui disaient même de tuer Hérézy, avec qui il était. C'est pour ça qu'il avait fui.
Je ne pourrai pas combattre, de toute façon ce n'est pas mon combat. Ça ne l'est plus depuis le jour où je me suis retirée de la dominance. Et avec le peu qu'il me reste à vivre, ça ne me servirait à rien de m'épuiser plus encore... Il soupire. Il est malade et il le sait. Chaque jour est un combat de plus, chaque semaine une victoire. Mais jusqu'à quand ?

Sydän met les oreilles en avant, il est content qu'il s’intéresse un temps soit peur à sa fille. " Lovojka est une jument grande à la musculature titanesque, ses crins sont clairs et sa robe dorée, un peu plus foncée que la tienne. Elle est d'un caractère hostile et volcanique. Très instable mais à la fois si fragile. Elle s'est crée une carapace qui lui permet de se protéger, des autres ou bien d'elle même, je ne saurais dire. Mais quoi qu'on dise d'elle, quoi qu'on pense d'elle, et quoi qu'elle ai pu faire. Je reste persuadé qu'elle à un bon fond. Je pense que ce n'est qu'une petite qui n'a jamais eu de repères et qui tente tant bien que mal à survivre. Autant à la nature, qu'à ses propres démons. Et oui... malheureusement ce petit héritage familier, lui a été confié à elle aussi... " L'étalon gratte le sol avec son antérieur pour s'étirer un peu le dos puis regarde tristement Orosozlan. Mêmes s'ils avaient eu des différents par le passé, Sydän ne lui voulait rien de mal. " Quel mal te ronge ? " questionne t il, oreilles basses.

Il boit les paroles de l'étalon, ravi qu'on lui parle un peu de sa fille. Aaren n'a presque rien dit sur elle mais le peu était négatif. Red ne lui en a pas trop parlé, seulement vaguement, alors il doit y avoir quelque chose. Il écoute la description et soupire, nostalgique. Mon... mon père, Murphy, était comme ça. Une robe très sombre, des crins très clairs. Il frémit en repensant à son père. Son père, qu'il a tué, pour le sauver, pour les sauver tous, en fait. Il soupire de nouveau tristement en écoutant la fin sur sa fille. Décidément, ça ne le quittera jamais. Il n'aurait jamais dû faire d'enfant, jamais perpétuer cette descendance maudite ! Car ils ont tous un problème ! Dans la tête de chacun, les démons sont là, même s'ils les gèrent tous différemment. Ils n'ont épargné personne. Ni Red, ni Maddison, ni Aaren, ni Ghanan, ni Lövojka, visiblement. Tu es maudit, gamin. Mais elle est.. en bonne santé ? Je veux dire, elle est.. normale ? Il s'en veut de parler ainsi, et sa grimace en témoigne, mais il doit savoir et sa demande est justifiée. Après tout, cette petite est fille d'un inceste, il y a de fortes chances pour qu'elle ait eu une malformation ou un handicap quelconque. À sa question, Oros ne comprend pas tout de suite et l'observe avec interrogations. Comment ça ? Je vais mieux, le mal qui me rongeait autrefois s'est... un peu estompé, à défaut de l'avoir complètement éradiqué.

Sydän dresse l'oreille et se permet de le couper, juste pour le rassurer. " Ne t'inquiètes pas. Elle est tout à fait normale. Aucun vice caché, aucun handicap. " Il se demande malgré tout pourquoi il lui demande ça. La plupart des poulains naissent normaux de nos jours. Il est vrai qu'il n'avait jamais voulu connaitre l'identité de la génitrice de Lovojka, peut-être avait elle un problème ? Ou bien avait il quelque chose de gênant à cacher ? Sydän décide de ne pas se poser plus de questions, ce sont les problèmes d'Oros, pas les siens. Et puis à vrai dire, il n'a pas vraiment envie de connaitre cette étrange vérité... Aussi suspecte soit-elle.

Lorsque Oroszlàn évoque la question du mal qui le ronge, Sydän est un peu plus rassuré. Il s'attendait à entendre une maladie incurable ou une blessure infectée mais il n'en était rien. Le vieux mâle parlait sans doute de ses démons enfouis. Il soupire de soulagement et continue de regarder son ancien dominant, les yeux brillants. " Pourquoi dis-tu que tu n'en as plus pour longtemps ? " questionne t il alors, surpris.

Même si Oroszlàn a longtemps été le dominant de Sydän, jamais il ne l'a considéré de haut. Pour lui, ils ont toujours été égaux, il a toujours été son ami. À bien y réfléchir, jamais le Lion n'a pris qui que ce soit pour faible juste parce que lui était dominant. Il était humble et modeste. Il soupire de soulagement quand Sydän lui parle de sa fille. Au moins, elle ne souffre pas d'un mal quelconque, même si elle semble bien caractérielle.
Oros baisse ensuite la tête, soupirant de nouveau, plus las. La vie m'a essoufflé, je sens que mes forces diminuent de jours en jours. Je ne sais pas comment expliquer, je me sens malade. Je sais que je vais mourir dans peu de temps. Combien, il ignore. Des mois ? Des semaines ? Demain ? Il est le premier à qui il l'avoue, depuis qu'il est revenu.

" Comme je te comprends... " dit il en levant un sourcil, il se met à regarder sa propre robe, constellée de cicatrices, ses genoux qui craquent et son regard flou. Il était bien plus proche de la fin que du début. " Mais je ne veux pas mourir tout de suite. J'ai un dernier combat à mener. " Même si sa voix reste fébrile malgré l'enthousiasme, ses iris brillent vaillamment, une multitude d'étincelles fougueuses qui s'immisce dans ses yeux clairs. Un océan en bataille. Comme toujours.

Il ne peut que lui reconnaître son courage et sa détermination. Choses, peut-être, qui ont quitté le Lion depuis longtemps. Lui ne prendra pas part à cette guerre. Elle n'est pas la sienne et il sait qu'il ne serait qu'un fardeau pour les autres. Même s'il saurait encore se battre, il ne serait plus assez fort ni endurant. Il faudrait finir par le protéger ou choisir de le laisser mourir.
Ce n'est pas ainsi qu'il veut mourir.
Oroszlàn ne répond rien, finissant par détourner le regard, observant le petit cours d'eau.

Sydän se laisse absorber aussi par ce moment de plénitude. Il regarde la rivière couler, inlassablement. Quelques rares saumons tentent de remonter la rivière à contre-courant, péniblement. Il reste stupéfait par la détermination dont ils font preuve, ils s'accrochent à leur objectif coûte que coûte. Certains reculent plus qu'ils n'avancent, mais jamais aucun n'abandonne. Une volonté inébranlable. Une ténacité à toute épreuve. " Ils ont bien des choses à nous apprendre pour ce qui est de la persévérance " fit il remarqué en montrant les poissons du bout du nez. Pourquoi les deux vieux équidés ne s'accrochaient ils pas à la vie, autant que ces saumons ?

Peut-être parce que la vie les a trop usés, déjà ? Oroszlàn se sent si vieux, comme s'il avait vécu des siècles. Des siècles de trop, peut-être. C'est vrai... ils n'abandonnent jamais, eux. Le vieux Lion soupire et secoue sa crinière argentée, fine et éméchée, abîmée par le temps et les intempéries. Sont corps est toujours musclé de part sa carrure, pourtant son poil est devenu terne, il manque à certains endroits et son chanfrein grisonne. Mais nous avons bien vécu.

Sydän laisse échapper un rire léger devant la remarque de son vieil ami. " C'est bien vrai. " dit il en regardant sa propre robe poussiéreuse. Ses tâches autrefois dorées comme le soleil semblaient avoir ternis, et que dire de sa belle crinière d'antan ? Il ne restait que de maigre touffes de crins clairsemé. Son museau aussi grisait un peu sans qu'il s'en rende compte, le vieux pie ne regardait jamais son reflet dans l'eau. Il prenait de l'âge et la vie n'avait pas été clémente avec lui. " Qui as-tu revu depuis ton arrivée ? " demande t il, histoire de faire la conversation.

Les deux semblent avoir trop vécu, bien vécu ou mal vécu, peu importe. Le temps a laissé son empreinte éternelle sur leurs corps, vieillis. J'ai revu deux de mes enfants, Redjim et Aaren. J'ai rencontré la fille d'Aslaug, aussi, Bailey... et j'ai revu Anka. Chaque rencontre lui offre une claque de souvenirs qu'il endure, comme un supplice aux saveurs sucrées.