Goner.

L'étreinte glacée du soir faisait frissonner son corps tout entier. Des pensées vénéneuses l'assaillaient, elles faisaient surgir dans l'espace cette sempiternelle nuance de bleu. Couleur de sa folie.
Le crépuscule préludait la nuit. La lumière se diffusait avec douceur dans le céleste, bientôt l'étoile solaire irait mourir derrière l'horizon.

(j'me souviens plus du tout de comment s'était passée leur rencontre autrefois )

/ LÖVOJKA

Féline, sa robe s'est assombrie encore avec la nuit. La lionne erre silencieusement dans l'épaisse couche de neige, insensible au froid, immunisée depuis toujours de ce climat hostile qui est, pour elle, réconfortant. Le paysage est immaculé, rien ne bouge, rien ne change jamais. Seule trace de sa présence, l'estafilade qu'elle laisse dans la poudreuse durcie par la tombée du jour. Ses yeux noirs, deux corbeaux au regard acéré, virevoltent sur les alentours, comme des radars.

( Il me semble que c'était au même endroit . Je me souviens juste que Lövojka était toute jeune et qu'elle lui expliquait que en gros elle pouvait très bien vivre seule malgré son très jeune âge. Il me semble )

Il avait attendu avec impatience le déclin du jour. Il savait qu'avec ce céleste si clair il pourrait s'émerveiller du ballet des astres la nuit entière. Ce spectacle avait le pouvoir d'apaiser son esprit et ce soir il était indispensable qu'il y assiste. Ses iris de cristal glissaient sur la neige, à la recherche d'un recoin à l'abri du vent, mais ils furent arrêter par la sombre silhouette féline d'une inconnue. Elle l'attira et doucement il délassa les mètres les séparant. 《 Bonsoir. Toi aussi tu es ici pour les étoiles ? 》

Une voix résonne soudainement. Elle ne l'a pas senti approcher et immédiatement, se le reproche. Elle fait volte-face, impressionnante par sa carrure et par la force de son regard. Elle croise celui du mâle inconnu, deux sphères bleutées comme l'océan. Quelque chose lui est familier mais elle ne sait pas quoi. Elle laisse le silence retomber, juste assez pour pouvoir le briser, de sa voix rauque et masculine. Tu veux parler des aurores boréales ?

Sa voix résonna jusqu'à ses tympans. Elle créa sur sa langue un délicat goût de miel dont il se délecta. L'inconnue dégageait une force incroyable, contrastant les notes sucrées de sa voix. Ses yeux, comme deux pierres d'onyx, semblaient de pas lui être inconnu. Pourtant, s'il l'avait rencontré, il se serait souvenu du goût de sa voix. 《 Il est possible de voir des aurores boréales ici ? 》 demanda-t-il surpris. 《 J'aime contempler la majestuosité de la nuit. Sa beauté est apaisante 》

Quelque chose la trouble dans ce regard, dans cette aura, peut-être quelque chose de suffisamment intriguant pour qu'elle se livre à cette conversation si futile qui ne lui ressemble pas. Aux paroles de l'étalon, elle lève les yeux vers la voûte noire qui les recouvre, comme un drap immense qui voudrait les étouffer. Oui. Certaines nuits, elles viennent offrir un spectacle incroyable à quelques chanceux qui ont osé s'aventurer au Nord, où les nuits sont meurtrières. Un froid implacable, une obscurité déconcertante, des prédateurs affamés tapis dans la neige. Pourtant, ici, c'est son Royaume, son foyer. Elle a grandi ici et plus rien de cette inhospitalité ne peut l'effrayer.

Elle ne semblait éprouver aucune peur en cette nuit qui, selon ses mots, était meurtrière. Dans sa prestance on pouvait deviner qu'elle ne semblait rien redouter. Ni l'étreinte glacée d'une nuit d'hiver, ni un prédateur pouvant rageusement sortir de l'ombre. 《 J'ai osé m'y aventurer. 》

Parce qu'elle ne redoute rien. Ou plutôt : presque rien. Elle ne redoute ni le froid ni la nuit, en effet, deux alliés dont elle s'est servie pour construire son royaume. Elle ne redoute pas la violence ni même la mort. La seule chose qu'elle redoute, c'est elle-même.
Elle lui offre un sourire de travers, à la fois féérique et carnassier. Toutes les contradictions qui l'habite et qu'elle manie avec aisance sont troublantes, pour certains intrigantes, pour d'autres carrément effrayantes. Alors peut-être auras-tu la chance de ceux qui se perdent ici en pleine nuit. Elle ne le connait pas et pourtant, elle le tutoie. Parce qu'elle ne respecte que ceux qu'elle connait assez pour leur reconnaître une forme de mérite. Pas qu'elle ne respecte pas l'étalon en face d'elle, juste parce qu'elle le place au même niveau qu'elle-même. Elle fixe toujours, sans se gêner, ses yeux d'un bleu clair et troublant.

Il possédait cette inconscience qui annihilait certaines peurs. Il pouvait parcourir sans crainte les terres les plus sinistres, les plus redoutables. Jamais il ne pensait aux prédateurs. Il préférait s'enivrer de la beauté saisissante d'un paysage ou de l'atmosphère dérangeante d'un lieu. Il appréciait ressentir les choses.
Cependant, le bleu qui rependait ses nuances sempiternelles à travers son esprit, était là pour lui remémorer qui il était. Cruellement il faisait naître des songes venimeux, créant une angoisse particulière. La peur de lui-même. Il avait la sensation de ne pas savoir qui il était, de ne pas savoir s'il était bon ou mauvais. Il ne souhaitait pas être mauvais, mais peut-être l'était-il ?

Le sourire de la lionne mobilisa ses sens tant il était troublant. De douces zébrures roses incarnat dansaient autour d'elle, se mêlant à quelques tâches oranges. 《 Tu es rose et orange. Un peu comme un coucher de soleil. 》

Elle semble de ne pas comprendre et plisse les yeux. Elle avance d'un pas, pourtant. Quelque chose l'intrigue chez lui, quelque chose de profond, quelque chose qu'elle n'arrive pas à saisir réellement. Et ça l'agace un peu, c'est vrai. Pourtant, elle reste de marbre, calme et déconcertante. Tu penses sincèrement que je suis comparable à un coucher de soleil ? murmure-t-elle, le ton plus bas mais leur proximité nouvelle ferait qu'il l'entendra.

Il est vrai qu'il était intriguant. Ses iris de glace, transperçant, pouvaient troubler tant ils étaient clairs. Son regard reflétait son âme coloré. Il était déroutant car on pouvait y déceler sa folie. 《 Pourquoi tu ne le serais pas ? 》

Et Lov la voit, cette folie. C'est justement ce qui l'attire et l'attise. Je ne sais pas, à toi de me le dire. Elle se rapproche, le fixant toujours. Elle pose ses yeux sombres, deux gouffres infinis, et tout au fond, on peut la voir aussi. Cette douce folie.

(Désolé du retard :/ )

Et c'etait sans doute ce qui l'attirait, lui aussi. 《 Je ne le sais pas moi-même. Ce sont tes couleurs. C'est comme ça. Elles ne te conviennent pas? 》

t'inquiètes

Elle incline ses oreilles vers lui. Et quelles sont les tiennes ?

《 Les miennes ? 》 une mine pensive tordit les traits de son visage. 《 Je ne me vois pas moi-même en couleur. Mais je pense que le bleu est la teinte qui me représente le mieux. Tu peux m'en choisir une autre si tu en as envie.