apocalyptic ride - sueño

« Ah mais je m'en fiche que tu vomisses. Et tu n'as pas le droit de fermer les yeux. Fais gaffe à ton adorable petit cul d'espagnol ! » râle-t-elle en continuant de le secouer. Non et puis quoi encore. Règle n°1 ; ne JAMAIS laisser quelqu'un s'endormir après qu'il ait traversé un événement de ce genre. Sauf si tu veux sa mort, et là, faut l'inciter à dormir.

Elle se fige. Lui parler de sa vie ? Elle déglutit. Qui veut connaître le récit d'une miséreuse ? Elle n'est pas sûre d'être prête à voir son regard pour elle changer. Mais puisqu'elle veut le tenir éveillé... « D'accord. » finit-elle par céder, à contre-cœur. « J'espère que ça n'altérera pas ton jugement me concernant. » soupire ensuite la dorée avant de se lancer pour de bon ; « Tu sais déjà que je suis née chez les Hommes, dans un Haras. Il s'appelait le Haras des Landes. Chez nous, on appelait ces terres les Horselands. Ma mère s'appelait Keeva. Elle était aussi jolie que courageuse. Et elle était si douce... » Elle s'interrompt, sa voix se brise. « Elle a essayé de me protéger. J'ai été heureuse malgré les mauvais traitements des Hommes. Ils nous battaient, pour qu'on leur obéissent. Ils nous brisaient, le plus jeune possible. Alors ma mère m'a demandé de m'enfuir. Ce que j'ai fais. » Elle marque une courte pause. Elle veut le laisser interagir avec elle, de manière à ce qu'il reste réellement éveillé. Peut-être sera-t-il curieux de connaitre la suite.

Lorsqu'il lui demande de ne pas pleurer, un petit rire lui échappe. Bien-sûr que si qu'elle va pleurer. Son cœur n'est pas en pierre. Plutôt en sucre... « Je l'ai laissée derrière moi. J'ai galopé des jours et des jours. Et j'ai croisé la route d'un étalon, chef de harde, qui portait le nom de Kieser. » Une pointe de colère, mêlée à de la tristesse naît dans sa voix. Elle serre les dents, ses muscles se bandent. « Il m'a prit sous son aile. J'étais seule, perdue et triste à en mourir. Et j'étais toute jeune... A peine deux ans. Il m'a promit sécurité, j'étais heureuse de ne plus être seule. » Cette fois-ci, un léger sourire étire ses lèvres. Avant de disparaître aussitôt. « Dès que j'eu l'âge d'enfanter, il me courtisa, comme chacune de ses juments. Je n'en avait pas envie, j'étais jeune, je n'étais pas prête à assumer le rôle de mère. Je lui ai proposé de partir. Mais il a refusé. » sa voix se brise à nouveau, mais par colère. « Il m'a forcée. » peste-t-elle, en couchant ses oreilles contre sa nuque. Puis elle les redresse aussitôt et s'adoucie. « J'ai donné naissance à mon premier enfant à ses côtés. Un petit mec. Invictus. Invaincu. » Un sourire illumine son visage. Et elle reprend son récit. « Je voulais partir lorsqu'il serait assez grand pour voyager. Je n'avais pas prévu que les chaleurs reviendraient si vite. Kieser m'a prise de court, il m'a menacée de me tuer si je ne cédais pas. Pour mon fils, j'ai accepté. Je ne voulais pas qu'il devienne orphelin, lui aussi. Et cette fois-ci, je suis partie immédiatement. En pleine nuit. J'ai donné naissance à ma fille seule. Sans troupeau. En plein hiver. Mon choix l'a tuée. L'hiver, trop froid, a eu raison d'elle. » Les larmes s'échappent enfin de ses prunelles bleues. « L'hiver suivant, c'est Invictus qui a disparu. J'ai voulu mourir au moins cent fois après ça. Mais je n'en ai jamais eu le courage... » termine la dorée en baissant la tête.

( Pas de soucis. )


Il se redresse, c'est bon signe. Elle est rassurée. Pourtant, son cœur est toujours serré. Elle n'avait pas su protéger ceux qu'elle avait aimé. Comment pouvait-elle songer à secourir d'autres personnes ? Lorsqu'il tente de glisser son regard dans le sien, elle détourne les yeux. Il lui souffle que ce n'est pas de sa faute mais ses paroles ne lui font rien. Elles glissent simplement sur sa peau. Bien évidemment que si, c'était de sa faute. Elle avait causé la mort de ses enfants. Des amours de sa vie. Si les blessures de cœur étaient visibles... Le sien serait certainement très laid à regarder. Il serait sans doute noir, abîmé par la nécrose. Il serait tailladé, en lambeaux. Lorsqu'elle glisse enfin de nouveau son regard sur lui, c'est pour entrapercevoir ses cicatrices. Oui, c'est sûr, tout le monde connait la peine. Peut-être était-elle épargnée, comparée à certains. « Je suis désolée pour ton meilleur ami... » souffle-t-elle d'une petite voix, les prunelles encore humides.

« On est pas dans un conte de fée. » se contente de répondre Myosotis avec un petit soupir. Elle n'a plus confiance. Elle ne croit plus au grand amour et tout le reste. On lui a piétiné son innocence, ses rêves de petite fille. « On devrait se remettre en route. » lâche-t-elle ensuite en reprenant le pas.

Elle marche sans trop savoir où elle va. Elle laisse ses sabots la guider. A vrai dire, elle a la tête ailleurs. Elle n'arrive plus à se défaire des souvenirs de son passé. Son cœur est serré, douloureux. Il continue de tomber en lambeaux...
Myosotis s'arrête devant une flaque. Elle est sale et possède une curieuse odeur. Elle est croupie. Dommage. Elle l'aurait bien goûtée, mais rien que l'odeur suffit à lui retourner l'estomac.

Perdue dans ses pensées obscures, elle le laisse s'éloigner. Elle n'a rien de plus à lui dire, de toutes manières.


( Out )