► vestiges du passé

La jeune grise arpentait les couloirs pour la seconde fois, bien déterminée à trouver une touffe d'herbe qui aura décidée de pousser entre les pierres.

Ana errait dans les parages, le regard vide, le ventre rond. Elle n'osait même pas regarder ces ruines qui habitaient tristement le paysage ; pour elle, ce n'était que la manifestation physique de la mort de Sydän. Et elle ne voulait pas s'y résoudre, malgré tout. C'était bien trop dur. Alors elle errait là, sans grand but, tel le spectre de sa vie passée. L'esprit mort, mais le corps abritant la vie. Étrange dichotomie.

Lyra n'en revenait pas. C'était presque humoristique, de croiser au même endroit une futur maman. Peut être était ce l'endroit le plus sûr. Bonsoir. Vous allez bien ?

Trop belle la nouvelle photo de Lyra 

Ana leva soudainement la tête quand une voix résonna à ses oreilles. Elle était tellement absorbée par ses pensées qu'elle n'avait même pas réalisé qu'elle n'était plus seule. Elle salua l'arrivante d'un hochement de tête poli. Bonsoir. Soir. Tiens, c'est vrai qu'il commençait à se faire tard… n'était-ce pas encore le jour, quand elle avait fait irruption ici ? Oh, il faut bien, je ne suis plus seule, alors je vais bien pour lui. Dit-elle en baissant le regard vers son ventre veineux. Et vous ?

pareil pour ana

Son ventre oui, elle l'avait bien remarqué. C'est d'ailleurs sur celui-ci qu'elle attarda son regard, fixant ce ventre rond avec une petite pointe d'envie ; l'envie d'être maman, ça pouvait toucher s'importe quelle jument, même la plus froide. Oui, moi ça va. Mais pensez à vous ménager.

Elle hocha la tête, un petit sourire embarrassé naissant sur ses lèvres ouatées. Oh oui, c'est ce que tout le monde me dit. La jument semblait contempler avec intérêt son ventre rond. En savait-elle quelque chose sur la maternité ? Elle tenta sa chance. C'est juste que ça fait… tellement longtemps. Je ne suis plus sûre de savoir comment on fait. Vous savez, comment être mère, une bonne mère. J'ai peur d'échouer.

Sa réplique toucha Lyra en plein coeur. Non, malheureusement, elle ne savait pas. Sa propre mère lui mentait, constamment. Du moins, jusqu'à ce qu'elle pousse son dernier souffle, sous les violents coups de sa fille. Elle réprima un désagréable frisson. Vous savez.. je ne pense pas que ça s'apprend. Je ne suis pas experte, mais c'est l'instinct. Enfin.. je crois.

Sa question avait un goût mi-figue mi-raisin, du moins, elle se le représenta ainsi lorsqu'elle aperçut le léger trouble qui voilait les iris de la grise. Comme quoi, personne n'était infaillible. Ça eut le mérite de la rassurer. Vous avez sans doute raison. Je me pose toujours bien trop de questions. Ah, le problème du perfectionnisme ! On ne se fait jamais confiance.

C'est une bonne chose de ne pas se faire confiance. Au moins, parfois, ça nous pousse à aller plus loin ! elle pensa d'ailleurs à son grand voyage qui l'avait conduit jusqu'ici ; Lyra était persuadée de ne pas pouvoir y arriver, aussi loin. Et pourtant.

En effet. Elle hocha la tête d'un air songeur. Mine de rien, c'était bête, c'était une simple discussion de quelques minutes à peine, mais elle se sentait rudement mieux. Vous êtes de très bon conseil, en tout cas. Vous avez la fibre sociale. Si vous visiez la carrière de psychologue, n'hésitez plus, vous avez tout à y gagner. Un rire fluet et cristallin s'échappa de ses lèvres.

Un rire amusé et calme accompagna celui de la belle jument. Il est vrai qu'elle ne pouvait pas s'en empêcher d'aider les autres, d'offrir conseil ou une oreille attentive. Mais, ça l'avait quand même dirigé dans une mauvaise situation. J'ai toujours été comme ça ! Au moins, ça me permet de faire de belles rencontres, et ça m'a permis.. de me rapprocher de quelqu'un, en particulier.. avoua Lyra d'un air un peu rêveur, et légèrement amoureux.