Ô ► band of travelers

\ ORION

L'enfant aussi suit sans vraiment suivre. Juste par curiosité. Ou parce qu'on le lui a ordonné, aussi. Pourtant, voilà des semaines qu'il est avec eux. Avec ces étrangers ; alors que c'est lui, l'étranger. Il s'écarte, revient, se fond dans la masse, s'éclipse. Il est une ombre dorée qu'on n'attrape pas. Personne n'a jamais essayé, de toute façon.
L'enfant ralentit, son corps fin et reptilien venant se tourner vers une silhouette un peu à l'écart, elle aussi. Ses yeux clairs se posent sur le corps bicolore de l'inconnue, qu'il fixe sans dire un mot.

Intrigué par la cascade peut-être plus que par l'inconnue équine, l'enfant s'approche, sortant de l'ombre. Il lui jette un regard, puis le bleu clair de ses yeux vient se fondre dans celui, translucide, de la chute d'eau. Sans dire un mot, il se place près de la bicolore, avant de se pencher lui aussi, étendant son encolure fine, pour boire l'eau fraiche sous l'assaut assourdissant des chutes.

L'enfant s'arrête et sans relever la tête, il observe le reflet de la jument dans l'eau en face de lui. Son reflet tremble à cause des remous, mais il parvient à l'étudier un peu ainsi, indirectement. Finalement, il relève la tête, le menton encore mouillé, pour river ses yeux aussi bleus que ceux de l'inconnue sur elle. Sans un mot, il la fixe.

En effet, Orion n'aime pas parler. Peut-être simplement parce qu'il n'en a pas l'habitude. Et par ce manque d'habitude, ça lui coûte un effort. Alors, il s'économise. La jument a relevé la tête, ils se regardent à présent. Il la trouve jolie, mais ne lui dira pas. Contrairement à elle, son ouïe et son odorat surtout, sont très développés. Peut-être grâce à un entraînement forcé. Peut-être juste par un don, qui sait. Il secoue son encolure encore fine et finalement, avance jusqu'à entrer dans l'eau, bandant ses muscles pour ne pas se laisser emporter par le courant, se dirigeant vers elle.

La traversée n'est pas facile sans être difficile pour autant. L'enfant s'extirpe même assez rapidement du lit de la rivière, ne s'ébrouant pas, laissant son poil mouillé le garder au frais. Il poste son corps doré et immaculé devant la jument, droit comme un I, sans dire un mot.

Et ça lui suffit, à Orion. Il n'a pas à s'embêter pour se concentrer comme quand ils parlent trop vite autour de lui, qu'ils prononcent des chaînes de mots à tout va. Orion. Sa voix est étonnamment claire et harmonieuse, bien qu'il ne la délivre pas souvent. Il lui retourne la question d'un regard interrogateur, s'armant d'un fin sourire droit. Elle lui plait.

Mais elle ne répond pas. Peut-être est-elle habituée à ce que l'on parle, à ce que l'on demande tout. Orion parle peu et rechigne à chaque mot. Le manque d'habitude, sûrement. S'économiser, c'est important. Elle de beaux yeux, mais quelque chose cloche sans qu'il ne parvienne à savoir quoi. Les mouvements de ses yeux, serait-elle aveugle ? Non, il voit bien qu'elle le voit précisément. Il se promet d'y réfléchir, d'essayer de trouver, mais en attendant, il demande à son tour : Toi ?