\ my head is a jungle.

\ ORION

Tout n'est que sons et odeurs.
L'enfant ne bouge plus, il est près d'une petite cavité. À sa gauche, un sentier sinueux à travers la brousse ; à sa droite, un fossé incongru. Pourtant, il ne bouge plus. L'enfant a fermé ses yeux de cristal pour se concentrer, se laisser envahir par tout ce que ce lieu renferme de sensoriel. Les couinements des animaux, leurs pas dans les feuillages, le vent qui siffle entre les branches. Sans oublier les odeurs. Celle d'une peau de serpent qui a mué. Celle d'un charognard venu déguster une musaraigne morte. Celle de l'humidité enfermée sous ces feuilles. Il se délecte de tout ce qu'il apprend et enferme dans son crâne comme des souvenirs.

Et parmi l'immense peinture sensorielle dont l'enfant se délecte, un bruissement de feuilles plus important que celui des rongeurs ou des batraciens l'entourant vient exciter son système nerveux. Peut-être s'agit-il d'un prédateur, allez savoir. Il ne bouge pas, se fondant parfaitement dans le décor avec son costume uni et doré. Seuls ses yeux d'un bleu clair troublant vient le laisser à découvert, comme un indice volontaire.

Il est repéré, mais à voir l'intérêt du poulain inconnu, l'enfant comprend vite qu'il ne l'est pas tout à fait. Comme s'il ne savait pas ce qu'il était. Comme pour renforcer ce doute, par amusement seulement, l'enfant ferme alors ses yeux clairs.

En entendant les mots, l'enfant laisse un fin sourire s'étirer de ses lèvres. Lui qui parle si peu, il ne va pas s'embêter de répondre à une question aussi stupide. Une nuée d'oiseaux verts s'envolent, affolés par la voix, sûrement. Il en profite pour sortir de sa cachette, sans un bruit, camouflé par les ailes des oiseaux qui s'entrechoquent avec l'air. Il les observe un instant, avant de baisser les yeux, fixant la silhouette du poulain un peu plus loin. Il a toujours son fin sourire sur le bord des lèvres, puis redevient entièrement neutre après. Ça faisait partie de son apprentissage. Ne jamais montrer ce que l'on ressent. Et malgré son jeune âge, Orion l'a retenu. Trop bien, peut-être. Sans un mot, il braque ses yeux clairs sur l'inconnu, attendant que ce dernier le remarque, comme sorti de nulle part.

Orion affiche un léger sourire, pâle et translucide. Il fait alors lentement demi-tour pour disparaître entre les feuilles imposantes de fougères, pour voir si l'inconnu va le suivre ou non.

Orion entend les feuilles s'écarter après son passage ; l'inconnu le suit. Il sourit pour lui-même, mais ça n'est pas un sourire de satisfaction ou de supériorité. Juste pour témoigner, au vide, qu'il apprécie ça. Finalement, il s'arrête un peu plus loin, observant un serpent fin dont la couleur se camoufle parfaitement bien. Le reptile est en train d'engloutir une grosse souris, visiblement, du moins c'est ce qu'Orion devine en observant la bête qui se fait avaler. Il se redresse, tourne la tête vers l'autre pour lui montrer le repas divin du prédateur.