\ water-poule.

Et il la voit, cette lueur. Ça l'excite. Ça lui donne envie d'en savoir plus. D'en voir plus, tout simplement. Il hoche la tête simplement, parce qu'elle a raison. Il ne répond rien et se remet confortablement contre le bord du bassin, sans pourtant détacher son regard d'elle.

Mais Orion n'est pas du genre intrusif. Il ne la questionnera pas sans arrêt. Il n'est pas comme ça. Alors qu'elle détourne le regard, lui continue de l'observer en silence, toujours impassible au monde extérieur, d'une neutralité déconcertante. Il finit par se rapprocher d'elle, jusqu'à-ce que leurs flancs se frôlent à peine.

Un mur de glace qu'on lui a appris à construire. Déjà tout petit, il était comme ça. Formaté, enrobé de cette sphère impénétrable et inviolable. Et, surtout, où tous les sentiments des autres et les aléas de la vie semblaient glisser dessus comme de l'eau sur une surface lisse. Il la laisse venir tout près, ne bouge pas quand son visage se retrouve à quelques centimètres du sien. La proximité ne le gêne plus autant qu'avant. Au contraire, peut-être cela lui plait-il, maintenant. Comment pourrais-je le savoir ? répond-il avec un fin sourire, inquisiteur, ses yeux translucides toujours plongés sur elle, en elle.

L'adolescent hausse les épaules. Eh bien je n'ai pas la prétention de le savoir, dans ce cas. Il lui offre un sourire pâle, entièrement franc, parce qu'Orion ne connait que très peu le mensonge.

Il secoue lentement la tête. D'un geste à la fois tendre et ferme, il vient attraper une mèche de son toupet, l'écartant légèrement pour pouvoir toujours voir ses yeux noirs comme un ciel de nuit. Il penche la tête sur le côté, leurs visages se frôlent encore, il ne recule pas pourtant. Seulement ce que l'on m'a appris.

Elle se laisse faire, Orion ne s'écarte donc pas. Il garde ses yeux fichés dans les siens. Si. Il y a ce qu'on m'a appris et ce que j'ai appris et continue d'apprendre, toujours. Un apprentissage pour la vie. Même s'il avance vite. Même s'il est déjà capable, aujourd'hui, de prévoir beaucoup de réactions. Ses analyses, ses observations, il peut savoir si l'être en face de lui est contrarié, triste, en colère. Plus il apprend, plus les émotions les plus complexes se déverrouillent, comme s'il en trouvait les clés au fur et à mesure pour s'enfoncer plus profondément dans les chimères de l'esprit. Et toi, que sais-tu, Aulia ?

Bizarre ? Pour Orion, c'est presque un compliment. Spécial aussi, d'ailleurs. Pourtant, il ne montre aucune forme de supériorité, hochant juste la tête, comme s'il prenait simplement sa réponse comme telle. Il l'observe toujours, avec son fin sourire aux lèvres. Bien que rare, celui-ci semble bien accroché pour l'instant. Toi aussi, tu es spéciale. Pour Orion, chacun est différent.
Chacun est donc un peu « spécial », pour lui. Il finit par réimposer une distance correcte entre eux, reculant de quelques pas dans l'eau.

Et Orion la regarde s'éloigner.
Il en est assez pour aujourd'hui. Cette rencontre a été enrichissante, il grave son image de dos une dernière fois dans sa tête, dans le tiroir où il a mis l'empreinte sensitive de son odeur, de sa voix, de son nom. Il la laisse s'en aller, sans un au-revoir chaleureux, juste un silence satisfait et, dans un certain sens, un silence enjoué.

( on le finit là et on s'en refait un ? )