Songes Ϟ lùna

Le crépuscule. C'était sans doute l'étape de la journée qu'elle préférait. Le Soleil s'effaçait progressivement dans le ciel jusqu'à disparaître entièrement et la Lune montait à son tour dans le ciel sombre pour prendre le relais. Les effets de la datura ont fini par s'effacer, eux aussi, et Lùna a reprit ses esprits. Un peu honteusement d'ailleurs, lorsque quelques bribes de souvenirs sont remontées à la surface. C'est aussi pour cette raison qu'elle a préféré attendre la nuit pour se dégourdir les jambes. Elle a prit la direction du lagon parce qu'elle désirait faire passer cette horrible sensation de bouche pâteuse qu'elle avait depuis son réveil. Elle s'approcha de la surface de l'eau, prenant son temps pour observer la beauté de l'instant. Les dernières lueurs du jour se reflétaient à la surface du lagon, donnant une couleur rosée à ce dernier.
L'alezane remarque au passage la présence d'un étalon à la robe baie. Elle plonge alors ses lèvres dans l'eau, avale quelques gorgées puis se rapproche de l'inconnu.
- Salut.

L'inconnu semble perdu dans ses pensées, au point où Lùna se demande s'il va remarquer sa présence ou non. Elle reste pourtant patiente, son regard aux chaudes nuances de bruns encré sur lui. Elle ne s'attendait plus à entendre le son de sa voix lorsque ses lèvres s'entrouvrirent enfin. Une voix douce et chaude, débordante de virilité. Un frisson naît dans sa nuque et glisse le long de sa colonne vertébrale pour finalement mourir dans ses dernières vertèbres lombaires. Il faut croire qu'il en faut peu pour la séduire, la jolie alezane. Du moins en cette soirée de pleine Lune.
- Je m'appelle Lùna, se présente-t-elle en lui offrant un petit sourire. Et toi ?
Elle ne prend pas la peine de le vouvoyer. Elle n'aime pas ça. C'est trop froid à son goût.

Zurik. Il lui plaît bien ce nom. Il est original et porte en lui une pointe de mystère. Et le mystère, Lùna aime ça. Elle aime jouer au détective. Chercher des pistes, des indices, terrasser les mystères qui l'entourent. Elle aime les décharges d'adrénaline qui lui piquent la peau et lui réchauffe le corps. Ses prunelles brunes ne quittent pas celle du mâle, bien au contraire. Elles naviguent dans l'immensité des siennes. Il a un regard très doux qui l'appelle. Elle y lit mille et unes choses, toutes plus intéressantes les unes que les autres. Il lui raconte à quel point la nuit est belle, ainsi parée de ses rayons lunaires. Et elle ne peut qu'être d'accord avec ce point ; la Lune est magnifique ce soir. Peut-être même plus qu'à l'accoutumée. Peut-être parce qu'il y a ce regard brun pour la sublimer.
- Tout le plaisir est pour moi, souffle-t-elle finalement et son sourire s'agrandit.
La douce lumière argentée de la Lune illumine la robe baie de l'étalon et, lentement, le regard de Lùna suit les lignes de son corps. Elle admire la précision du dessin de ses muscles et la finesse des détails de sa robe sombre. Il est magnifique, ainsi nimbé d'argent.

Lùna n'a pas besoin de lever les yeux vers le ciel pour deviner que le soleil n'est plus là. Il a emporté avec lui les dernières lueurs rosées et orangées, pour laisser place au bleu profond de la nuit. Une par une, les étoiles se sont allumées dans l'immensité noire, l'étoile du Nord en premier. La Lune aussi s'est dévoilée, toute en rondeurs. Sa lumière argentée éclaire la terre avec une tendresse bienveillante. Elle caresse la robe des deux équidés avec volupté.
- Une vagabonde, elle répond avec un petit sourire en coin.
Un terme qui laisse planer le mystère et en dit tellement sur elle à la fois. L'alezane cherche à éveiller sa curiosité, à lui donner envie d'en savoir plus. Elle mène la danse subtilement, désireuse de le guider dans ces chemins escarpés à travers la nuit noire.

Elle n'est visiblement pas la seule à aimer le mystère. L'ibérique bai semble jouer au même jeu qu'elle ; il adopte un air mystérieux lui aussi, laissant son joli regard brun disparaître derrière ses crins noirs de jais.
- J'étais orpheline, j'ai grandis aux côtés d'un vieux chamane qui se nommait Sol. J'ai appris à connaître et manipuler les plantes grâce à lui. On peut dire que je suis une guérisseuse, du coup, confie Lùna au beau brun.
Son histoire était plutôt banale au final. Rien de sensationnel, si ce n'est qu'elle n'a pas grandit selon le schéma familial classique. Elle n'en avait pourtant pas souffert. Ses parents ne lui avait jamais manqué puisqu'elle ne les avait pas connus.
- Et toi, que peux-tu me raconter ? Demande-t-elle curieuse.

Un nouveau sourire vient illuminer son visage aux traits délicats. Elle appréciait de le voir aussi curieux quant à sa vie passée. Elle n'aurait pas su dire pourquoi en revanche.
- Je connais quelques petites choses, oui, répond Lùna sans défaire son regard brun du sien. Assez pour aider un minimum les autres je dirais.
Et parfois assez pour les sauver. Et, à contrario, elle savait également très bien se servir des plantes pour se débarrasser de potentiels ennemis. Mais cette petite anecdote, elle la garde pour elle. Qu'il n'aille pas la prendre pour une sociopathe folle dangereuse.
Lorsqu'il se met à parler de lui, elle sent cette gêne et souffrance en lui. Visiblement, il n'a pas eu un passé facile. Du moins, c'est ce que s'imagine l'alezane.
- Alors tu aimes voyager ? Demande-t-elle, faisant abstraction du reste.

Avec la question de Zurik, Lùna réalise qu'elle a pour ainsi dire passé sa vie à voyager. Elle s'est sédentarisé il y a peu, en arrivant sur ces terres. Elle ne sait pas vraiment si cette situation lui plaira sur le long terme, elle qui a toujours été habituée à parcourir de nombreuses terres. L'alezane adorait voyager. Pour elle, voyager était synonyme de changement et de découverte. Elle ne s'était jamais ennuyé.
- J'ai voyagé de ma naissance jusqu'à mon arrivée ici. C'est inscrit dans mes veines... Réplique la guérisseuse.
Et puis, voyager, c'était aussi l'occasion d'apprendre davantage. De connaître de nouveaux endroits, de nouvelles têtes et de nouvelles façons de faire.