Un jour - j'ignore quand - j'ai perdu mes rêves, on me disait que c'était mal d'en avoir. Et puis y a eu cette souffrance ; cette épreuve à traverser, on la hait, mais on la méprise à tort. Elle va nous faire grandir et nous emmener ailleurs. Sauf qu'on ne veut pas le savoir - la douleur est trop forte pour qu'on lui reconnaisse une vertu. Mais ce sont les épreuves qui nous permettent de croire en nos rêves. On se moque des gens qui rêvent, on les gronde, on les fustige, on leur remet le nez dans la réalité, on leur dit que la vie est moche, qu'elle est triste, qu'il n'y a pas d'avenir, pas de place pour l'espérance. Et pourtant... Si on n'a pas de rêves, on n'est rien que de pauvres êtres avec des muscles sans force, des membres qui galopent sans but, une bouche qui avale de l'air, des yeux vides. C'est si petit, quelqu'un sans rêves. Si petit, si inutile... Un équidé qui n'a que le quotidien, que la réalité du quotidien. Il me fallait de l'aventure, de l'évasion, il me fallait autre chose. Un nouveau rôle.
Sans savoir qu'un équidé rôdait dans les parages et m'observait, je saisis subitement une pomme entre les dents, la posai en équilibre sur un rameau. Mon regard sombre mais éclatant la tint en otage "Et toi ma belle, si je te croquais, tu me donnerais une vie pleine d'aventures ?"