origins

B A I L EY

Il faut croire que la nuit avait été courte pour une autre personne. Ses yeux étaient quelques peu cernés par la fatigue et sa démarche dévoilait sa fatigue. Pourtant, il lui était impossible de dormir alors qu'elle en mourrait d'envie. Mais chaque fois qu'elle fermait les yeux, une scène repassait en boucle, inlassablement, et cela la paralysait et la glaçait toujours autant d'effroi. Toujours ce même cauchemar. Et elle craignait de prendre conscience que la jument qu'elle voyait sur ces images terrifiantes n'était pas si inconnue que ça, et c'était ses propres flancs légèrement rebondis qui la mettaient sur cette piste. Elle qui pensait avoir vécu le pire, elle se rendait compte qu'on pouvait encore dégringoler, que le gouffre semblait sans fond. Perdue face à cette terrible réalité, elle ne remarqua pas quelqu'un et manqua de peu de lui rentrer dedans. Au dernier moment, elle s'esquissa maladroitement de côté mais son épaule heurta tout de même légèrement la sienne. Oh pardon je ... je... La fatigue l'empêchait de trouver correctement ses mots. Relevant son regard du sol, elle se heurta à un visage qui lui semblait familier, bien qu'en même temps, elle ne le reconnaisse pas complètement. Ce fut cette couleur si particulière qui lui rappelait son père qui lui permis de mettre un nom sur ce visage masculin et changé. Un sourire glisse sur ses lèvres. Mahem ? Elle se rappelait de ce poulain au bord de la plage, seul, à faire des constructions de bois, et qui avait tenté de lui apprendre à en faire aussi.

Elle hausse les épaules avec un petit sourire, tout en secouant légèrement la tête de manière négative. Je n'ai malheureusement pas pris le temps de peaufiner la technique. répond t-elle avec un léger rire, doux mais éphémère. Elle prend le temps de le regarder, comme si sans le savoir ni le comprendre, elle avait attendu de le revoir. Son corps s'est transformé et sculpté. Elle est contrainte de lever légèrement les yeux vers lui, maintenant qu'il la dépassait. Elle se concentre un peu sur les traits de son visage. Son coeur se met soudainement à tambouriner dans sa poitrine, presque violemment. Elle entrouvre la bouche, stupéfaite. C'était troublant comme il lui rappelait son père, et pas simplement par la couleur de sa robe. Mais c'était impossible. Impossible. Quoi que ... Mahem, je, hm, tu vas trouver la question étrange mais .. Qui est ta mère ?

Anka. Elle a la sensation étrange qu'on vient de lui aspirer toute l'air de ses poumons. Elle tente de le masquer, de tenir sur ses jambes mais elle vacille un instant. Oh mon dieu. C'était ... Elle n'avait pas les mots, ne savait pas exprimer ce qu'elle ressentait en cet instant précis. Je l'ai rencontré... Une fois. Elle semble soudain essoufflée comme si elle venait de détaler sur un sprint. Et elle m'a parlé de ton père aussi.. Maddox. Elle avait évité son regard jusque là, sans savoir pourquoi, comme si ce moment n'était pas réel, comme si Mahem pouvait s'évaporer brusquement. Mais elle vient s'accrocher à son regard inquisiteur, avide de réponses. Je ... Je suis ta soeur Mahem. Maddox, c'était aussi mon père.

Les récentes épreuves qu'elle avait vécu l'aident à ne pas trembler, à ne pas se laisser submerger par une émotion beaucoup trop forte pour elle. Ses yeux la picotent mais elle tient bon, elle ravale ses larmes, elle empêche ses jambes d'osciller. Son frère. Elle avait cru tous les perdre. Mais il était là, non loin d'elle, depuis tout ce temps.
Un instant elle cherche les mots, ce qui lui serre un peu le cœur. A t-elle oublié comment était Maddox ? Ou bien avait-elle trop de chose à dire qu'elle ne savait pas par où commencer ? Il était digne, fier. Un combattant et guerrier redoutable. Un petit sourire naît à la commissure de ses lèvres en pensant à ce qu'elle allait confier ensuite. Il était charismatique, envoutant, certains le détestait autant qu'ils l'aimaient.

Bailey hoche la tête pour confirmer. Autrefois un mercenaire, puis devenu bras droit de l'ancienne reine des Sables, l'un de ses meilleurs guerriers. Puis il est tombé amoureux de ma mère, et il s'est battu avec elle pour lui obtenir le Nord sur lequel ils ont gouverné ensuite. C'était un résumé rapide, mais Mahem pourrait l'interroger sur certains points s'il le souhaiterait, autrement, il avait les grandes lignes de la vie de leur père. Tout du moins de sa vie ici, il ne s'était jamais étalé quant à son passé, celui antérieur à son arrivée sur Galop Sauvage.
La question la choque d'abord, si bien qu'elle ouvre des yeux ronds. Puis elle se rend compte que non, ce n'est pas quelque chose d'évident d'aimer ses parents. Pour bien des raisons. Et Mahem pouvait être un exemple ; comment aimé un père dont on ignorait tout et qu'on avait pas connu ? Tout compte fait, la question finit par lui sembler légitime. Oui, vraiment. Il a toujours été mon repère, mon guide. Lorsque ma sœur jumelle et ma mère ont disparu je me suis sentie triste, mais lorsque mon père, notre père, est mort, je me suis sentie anéantie, je pensais que je ne m'en sortirai jamais sans lui. Cela, elle ne l'avait confié qu'à Njord, qui avait toujours été présent pour elle du vivant de Maddox mais encore plus lors de sa disparition.

Elle aurait du se douter que cette fameuse question débarquerait sur la table. Forcément. Et pourtant, aussi logique et imparable soit elle, se remémorer ce douloureux passé est compliqué pour Bee, malgré les années passées. La jument baie se doit néanmoins de prendre sur elle, et après avoir pris une profonde inspiration, elle répond d'une voix légèrement rauque. Comme je te l'ai dis, ma mère et ma sœur avaient disparu, il ne restait plus que mon père et moi. Un groupe d'anarchiste a commencé à démanteler chaque royaume, faire chuter chacun de ceux qui les gouvernait, qu'ils soient bons ou mauvais. Elle marque une légère pause, et ne peut s'empêcher de baisser le regard. Malheureusement, notre père est mort pendant cette révolte, d'une infection étrange. Et je me suis retrouvée à la tête de ce royaume, certainement trop jeune, pas prête non plus. Orpheline aussi. Je n'ai pas voulu contraindre notre peuple à se battre, à risquer leur vie, alors que je savais que je ne serais pas assez forte pour les sauver. J'ai .. Abdiqué. Elle avale difficilement sa salive, et s'efforce de contrôler ses larmes bien que sa vision se soit troublée, ces dernières ne dépassent pas la barrière invisible de ses yeux. Et je m'en voudrais certainement toujours pour ça. avoue t-elle en relevant le visage, un sourire furtif et gêné se glissant sur ses lèvres, comme si cela pourrait apaiser son mal être. Mais ceux sont les mots suivants de Mahem qui lui remettent du baume au cœur, soufflent un vent d'espoir. Et cette fois, elle ne retient pas quelques larmes. Mais des larmes de joies, des larmes d'amour. J'aimerai beaucoup que tu sois ma famille Mahem.