away

Au petit matin, comme à son habitude, la lionne a trouvé un refuge pour s'assoupir. Seule, tranquille, isolée. Indépendante, dirons certains. Solitaire, dirons d'autres. Elle a beau être la conseillère de son clan et maman d'une pouliche encore très jeune, elle a de la peine à se défaire de cette vie de solitude.

Noomi était venu rendre visite à Joli-Coeur, un papillon qu'elle avait apporté à Téhya quelques jours plus tôt. La pouliche pénètre dans la grotte avec assurance mais il n'y a personne. Déçu, elle se prépare à rebrousser chemin mais une odeur titille ses naseaux. Elle lève le nez, ça sent comme Edelweiss. Ca sent le Nilaak. La pouliche plisse les yeux et aperçoit une silhouette dans l'ombre. Intrépide, la pouliche s'approche à pas lent et touche la chose du bout du sabot pour vérifier qu'elle est vivante. Merde elle respire, Noomi aurait bien aimé découvrir un cadavre.

Comme un prédateur, Lov ne dort toujours que d'un oeil. Si elle n'a pas entendu entrer la petite, elle ouvre les yeux d'un seul coup lorsqu'elle la touche. Ses grands yeux sombres, comme deux trous noirs, se vrillent sur l'inconnue. Elle ne prend pas la peine de se relever, c'est une simple pouliche. Qu'est-ce que tu veux ? grogne-t-elle, frustrée d'avoir été dérangée.

Noomi ne sursaute pas lorsqu'une vieille voix grinçante émane de la chose dorée qui gît au sol. La pouliche pointe les oreilles vers l'avant, intriguée. " Pourquoi tu fais la morte ? " demande t elle du tac au tac sans prendre la peine de répondre à sa question. Pour la politesse on repassera. Noomi s'en fiche un peu des bonnes manières, elle n'aime pas passer par quatre chemins. La noiraude tend ses naseaux duveteux et respire le parfum défraîchit de la jument, elle sent la mousse moisie. Elle devait être allongée ici depuis longtemps, peut-être même qu'elle était entrain de se décomposer. Etait-elle sur le point de découvrir le tout premier zombi de Luanera ? Ses naseaux inspectent la peau imparfaite de la jument, ses vibrisses chatouillent inconsciemment la peau de Lovojka.

Si elle se prête au jeu au début, elle en a rapidement marre. Elle s'ébroue brusquement pour dégager la petite et se relève alors, la toisant de toute sa hauteur. Ses yeux noirs dévisagent l'enfant sans aucune compatissance. Pour que les moustiques comme toi me fichent la paix, lui répond-elle sèchement.

La pouliche est loin d'être intimidée malgré la grande masse qui s'élève devant elle et la surplombe largement. Son ombre la recouvre intégralement, elle recule d'un pas pour percevoir le regard de son interlocutrice. " Binh qu'est ce que tu fais là si t'es pas malade ? " répondit elle avec espièglerie en relevant les épaules. Son petit air arrogant reste greffé à ses lèvres.  

Une arrogance que Lov aimerait bien lui faire ravaler. Le regard sombre, elle s'approche d'un pas de la pouliche. Qu'est-ce que ça peut te faire ? Tu vas me foutre dehors, peut-être ? lui demande-t-elle avec un sourire féroce.

Noomi fait un pas en avant aussi, dardant son regard électrique dans celui de la jument. " Tu n'as rien à faire ici si tu n'es ni malade, ni guérisseuse ! " s'exclame t elle d'une voix désinvolte, bien décidée à faire la police. Noomi elle c'est différent, elle est là pour rendre visite à Joli-coeur. La pouliche toise encore quelques instant la jument dorée puis se détourne simplement à la recherche du papillon blessé. 

Bon, cette gamine commence sérieusement à l'énerver. Malgré son côté ours frigide, Lov est rarement violente. Mais aujourd'hui, elle n'est pas d'humeur. Qu'est-ce qui te dit que je ne suis pas guérisseuse ? demande-t-elle froidement avant de se décaler pour se mettre en travers du chemin de la petite. Elel lui donne un coup de tête pour la détourner facilement de sa route. Tu cherches quelqu'un ? Si tu veux vraiment respecter ta règle, il te faut être blessée pour être ici... souffle-t-elle, le regard d'un noir sans fond, le sourire menaçant.
Il est si facile de leur laisser la porte entrouverte. Ils s'infiltrent comme une nuée de moucherons attirés par la lumière d'un intérieur. Elle les retient depuis si longtemps. Leur a-t-elle déjà réellement laissé les rênes ?

Noomi se stoppe net lorsque la jument revient se placer devant elle pour lui barrer le passage. Elle pince ses naseaux et plaque ses oreilles de mécontentement. " Bah vasy, blesses moi alors ! " réplique t elle d'une voix provocante. Elle ne baisse pas les yeux et continue de la fixer jusqu'à ce que Lov lui donne un coup de tête pour la dévier de sa route. Elle dérape et se cogne le nez. Son regard devint plus furibond encore. " T'es pas guérisseuse ! Tu sens pas les herbes et puis visiblement tu es loin d'être douce et attentionnée. " piaille t elle sans se démonter. Cette jument était tout le contraire de Fiona, Téhya et Phoenix.

Lov a rarement été violente. De toute son histoire chaotique, rarement elle s'est laissée aller à cette colère qui l'habite pourtant depuis qu'elle est enfant. Elle aurait pu, à tant de reprises d'ailleurs. Elle aurait dû, parfois. Elle avait toujours attendu, retenu les chevaux enragés, gardé les bêtes sauvages enfermées dans une cage qui, peu à peu, se révèle être trop étroite pour eux toute. Parce qu'à les garder si confinées, elle se reproduisent bien trop vite. Aujourd'hui, elle n'a ni la force ni l'énergie de les retenir, de les museler, comme elle le fait pourtant tout le temps. Se voir provoquée par une gamine capricieuse les réveille, les excite. Et elle choisit, peut-être par faiblesse, de s'effacer. Elle en a marre, de se battre. Elle couche son unique oreille valide et attrape la gamine par sa courte crinière. Elle la soulève du sol sans difficulté et la balance contre la paroi de la grotte. T'as raison, alors du coup, barre-toi vite. Sinon, un guérisseur n'aura plus rien à guérir sur toi, moucheron. Sa voix est devenue caverneuse, chaude, vibrante. Son regard, d'origine d'un noir saillant, un puits sans aucun fond. Un gouffre sans sortie.

(j'ai pas lancé le dé parce que ça me semble pas crédible mais si tu préfères, je peux le lancer )

Noomi continue de défier la jument jusqu'à ce que celle-ci perdre patience et l'attrape par la crinière. La pouliche s'attendait un peu à ce qu'elle sorte de ses gonds, c'était ce qu'elle attendait finalement. Ce qu'elle n'avait par contre pas prémédité c'était la violence avec laquelle Lov' répliquerait. La pouliche se fait soulever du sol comme un poids plume et projeté avec férocité contre l'une des parois. Noomi heurte avec violence la pierre et s'effondre comme une poupée de chiffon, complètement sonnée. Elle prend plusieurs secondes avant de reprendre connaissance, son souffle est coupée et une douleur inimaginable irradie son dos. Elle pousse un léger couinement, incapable de bouger.  

hâte de voir ça lov pète un câble

Pleine de fureur, elle fixe toujours le rejeton avec une haine sans fin. Prisonnière d'une telle colère depuis trop longtemps, celle-ci explose, donnant libre cours à ses sujets : des démons aux crocs acérés, qui ont été affamés depuis tant d'années. Peu importe qu'il s'agisse d'une enfant : Lov n'est plus là, ils l'ont remplacée, elle ne discerne plus rien. Aveuglée, elle ne voit plus que rouge. Elle ne voit plus que sang. Elle n'est plus que violence. Elle tente de se reprendre mais ne parvient à manifester sa volonté de cesser qu'avec quelques tremblements désordonnés. Quelques convulsions de lucidité. Encore un fil, aussi maigre soit-il, qui la retient à la réalité et à la raison. L'air est frais dans la grotte ; celui qui s'échappe de ses naseaux s'envole en nuages épais et brûlants. Dégage, siffle-t-elle, amère.
Si elle ne s'en va pas maintenant, elle ne pourra pas s'arrêter.
Elle ne pourra pas les arrêter.

Noomi reprends ses esprits au bout de quelques secondes. Elle tente de se lever mais s'effondre au sol dans un couinement douloureux. Incapable de bouger davantage, son corps entier tremble de douleur. L'espace d'un instant, elle croit avoir tous les membres brisés, mais ce ne sont que des contusions. Comme elle ne peut fuir, elle relève son regard vers la jument sombre. " Tu n'es pas guérisseuse, tu es une sorcière. " assène t elle d'une voix grondante. Le regard de la jument est impitoyable, comme celui d'un prédateur qui s'apprête à achever sa proie. Noomi n'a aucune chance de s'en sortir seule. Mais après tout, la pouliche s'en fiche de mourir, de toute façon plus personne ne tient à elle. Elle espère juste que ça soit rapide, car la douleur qu'elle éprouve est déjà insupportable. " Tu es un monstre. C'est toi qui mérite de mourir. " lâche t elle en dardant son regard clair une dernière fois avant de détourner le regard, elle ne veut pas voir la mort en face.