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L'entier évoluait lentement dans le paysage macabre du lagon. A cette saison, l'endroit n'était qu'un camaïeu de gris et de bruns, le sol était boueux s'il n'était pas gelé, et les arbres dénudés pointaient comme des griffes acérées. Même l'Arbre aux Âmes n'avait pas fière allure, ses branches tombantes lui donnant un air dramatique.
Si son allure était lente, quelque chose en lui palpitait, il avait du mal à contenir sa respiration saccadée, alors il se pose là, contre le tronc, essayant de reprendre ss esprits.

ASZIO

Il est venu visiter cet arbre dont Njörd lui a parlé. Parait qu'ici, il sent l'âme de sa mère. Sans être vraiment sûr de ces paroles, l'adolescent est pourtant venu vérifier par lui-même, comme pour tester. Il déambule sous les branches tombantes qui lui caressent l'échine et le font frissonner. Aujourd'hui, il ne trouve pas cet endroit réellement magnifique... Il remarque une silhouette posée contre le tronc épais et noueux, sûrement centenaire et s'avance sans gêne, gardant tout de même une distance respectable. Tout va bien ?

La voix doucereuse d'un adolescent le fait tiquer. Il tourne la tête, et le temps de réfléchir à la question, sa respiration s'était calmée. J'ai le coeur qui palpite, qu'il balance naturellement, un air interrogateur.

Le coeur qui palpite ? Bon dieu, il va crever alors ! Alerté, le yearling accourt vers l'étalon et sans gêne ni méfiance, pose sa tête tout contre son poitrail. C'est vrai qu'il bat vite... On dirait qu'il va sortir de votre corps ! gémit-il en se reculant, atterré. Pas franchement rassurant, le gamin.

Le mâle ne réagit pas au contact du jeunot. Il avait tendance à empiéter sur l'espace vital des autres aussi. Et après, tu penses qu'il se passerait quoi ? Mahem trouvait ça plutôt classe, lui, qu'un coeur puisse vive en-dehors de son corps.

La question décontenance l'adolescent qui met quelques secondes à réfléchir puis à répondre. Euh ben... toi, je crois que tu serai mort ! Mais ton coeur vivrait à l'extérieur et donc euh... ben je sais pas

Je compte sur toi pour lui courir après si jamais il se fait la malle alors... Il ferme les yeux, prend une petite inspiration. Mais je crois qu'il s'est calmé. L'entier se redresse en poussant doucement contre le tronc. Tu connais cet endroit ?

Le yearling soupire de soulagement, qui sait comme ça court vite un coeur en liberté ! Il sourit à son compagnon du jour en regardant autour de lui. Non, c'est la première fois que je viens. Njörd, le chef des Nilaaks, m'a dit que c'était un endroit spécial pour les morts et que peut-être ma mère était là, quelque part. Son ton démontre totalement qu'il ne croit pas à ces histoires, mais la curiosité l'a poussé à quand même venir voir.

On m'a aussi dit des choses sur cet arbre... Il s'approche du jeunot, et souffle : je l'ai même entendu murmurer un jour... Il se redresse un peu. Qui c'est ta mère ?

ça me va

aszio a un petit rire moqueur. murmurer, sérieusement ? il n'y croit pas du tout. il ne pense vraiment pas croiser sa mère ici, tranquillement, comme si c'était normal. cela lui semble insensé, voire complètement stupide. mais pourquoi est-il venu, alors ? il se redresse légèrement, démontrant ainsi sa fierté. elle s'appelait lövojka. tu es venu chercher quelqu'un, toi aussi ?

C'était plus une plainte qu'autre chose, quelque chose d'étrange... Mahem se perd un peu dans ses pensées, alors qu'il observe les branches sinistres de l'arbre. C'était drôle de constater à quel point il était différent en été, avec cet épais rideau végétal, qui en faisait un endroit agréable, presque comme un cocon. Son attention revient vers Aszio lorsqu'il prononce le nom de sa défunte mère. J'ai connu ta mère. Comme beaucoup de monde, à ce qu'il en avait vu à la cérémonie. J'étais venu cherché quelques plantes dans le coin. Et je me suis dit que ça valait le coup d'essayer de voir mon père ici. Mais Mahem ne l'avait jamais vu ici non plus... A croire qu'il resterait un fantasme, un personnage imaginaire.

aszio ne le contredit pas, bien que suspicieux quant à ses paroles. tu es guérisseur ? qu'il demande, par rapport aux plantes. il a bien entendu ce que lui a dit l'étalon, et soupire doucement. trop de monde l'a connu. c'est difficile de reconstituer ce qu'elle était. toi, t'étais qui pour elle ? il se rend compte qu'il ne connait même pas son nom, d'ailleurs.

Oui je suis guérisseur. Ca t'impressionne ? Mahem lui fait un sourire mutin. Je sais pas trop... juste quelqu'un qu'on a mis sur son chemin. Mais je sais qu'elle a connu ma mère aussi. Ma mère était du Nord. Mais tout comme toi, j'ai jamais vraiment su qui était mon père. J'en n'ai qu'une vague image, quelque chose de flou, un peu comme un spectre. Son père, Roi du Nord. Et comme l'avait été le grand-père d'Aszio, finalement.

pas spécialement répond avec franchise le jeune, bien plus impressionné par les guerriers il faut dire il espère que l'étalon ne se vexera pas. il essaie de faire le lien. l'étalon l'a connu mais visiblement pas beaucoup, et leurs mères mutuelles se connaissaient et vivaient au nord. bon, c'est déjà ça de pris. moi aussi, c'est un peu flou. des images vives, du sang, la peur partout, la tristesse immense. plus des sensations et des odeurs que de véritables souvenirs visuels, en fait. il parait que les souvenirs referont surface plus tard. il les craint, ces souvenirs. qui viennent parfois hanter ses cauchemars. ton père est mort comment ? aszio parle franchement, sans filtre, sans user de formules polies ou détournées. ce sujet fait partie de sa vie, depuis le jour de sa naissance.

Mahem aussi savait se battre. Un peu. T'as un talent particulier toi ? C'était pas vraiment pour le rabaisser, mais Mahem aimait bien quand les gens avaient un petit truc en particulier. Il aimait bien les marginaux, ça lui donnait l'impression d'être un peu plus normal quand il en côtoyait. Tu étais présent quand elle est morte ? Il était loin de se douter que ces mots pourraient éventuellement le blesser. Il manquait de tact. Toujours. Il fait non de la tête. Je... Je sais pas vraiment. Il a été malade. Le fameux virus qui transformait en zombie... Je l'ai jamais connu. Ma mère m'a élevée seule. Je sais juste qu'il a été Roi. Et guerrier. Peut-être que ça impressionnerait le jeune maintenant.