◈ sometime i feel cold, even paralyzed.

Froid. Wuuthrad marche. L'eau glacée enlace ses tendons ou la glace crisse sous ses sabots. Ses iris dilatés, provoqués par la luminosité forte, renvoient des images du monde vivant à son esprit. Le soleil, à son zénith, ne peut réchauffer ce désert blanc.

Un écho lointain, d'un vrombissement méconnu, se jette contre son ouïe affûtée. D'un geste, il chasse ses pensées. Une silhouette équine se distingue parmi le paysage neigeux. Wuuthrad marche vers elle.

■ Il faisait jour, le soleil ne parvenait définitivement pas à réchauffer le désert froid et la jument quant à elle avait choisi cet endroit pour avoir la paix. Il était rare ici qu'elle avait rencontré des gens et donc, la femelle jugeait bon de se promener calmement ici. Le vent se leva et fit valser ses crins tel une mélodie magnifique. Irisviel s'arrêta au bout d'un moment, sentant la glace sous ses sabots et respirant avec apaisement l'air frais de ce lieu, la dame se sentait revigorée.

Après quelques minutes à s'être arrêtée, la bicolore posa ses prunelles sur une silhouette noire au loin qui semblait avancer vers elle et celle-ci fit de même jusqu'à être à bonne distance de cet inconnu. Cet étalon était le tout premier qu'elle rencontrait qui avait une aura si mystérieuse et incompréhensive. Iris l'observa un moment, ne décryptant absolument rien et au final, elle lui offrit bien aimablement un doux sourire de bienvenu. « Bonjour! » souffla-t-elle, doucement en ayant une voix chaleureuse.

Cette bonté offerte ne déstabilise pas Wuuthrad. Impassible face à elle, les paupières qui clignent alors que son regard se jette sur sa silhouette. Il la dévore des yeux. Une nouvelle proie ou simple connaissance qu'il n'en fera rien à part se déporter loin d'elle pour éviter tout contact.

Néanmoins l'étalon est attiré par cette inconnue. Est-ce sa bienveillance qu'il ressent grâce aux ondes qu'elle dégage ? À vrai dire, il n'est pas le genre à se poser des questions mais agir en circonstances. Il s'est arrêté, le regard pris dans les mailles des prunelles de cette douce jument.

Un « bonjour » qui claque en harmonie avec le vent qui siffle. Que fait-il ? Fuir ou bien rester planté là ? Peut-être est-il finalement déstabilisé ? Wuuthrad a connu tellement de choses dans sa vie, que peu sont ceux qui le rendent vulnérable. « Est-il dans vos habitudes de saluer n'importe qui ? » Il n'a rien contrôlé. Spontanément cette question rugit entre sa mâchoire serrée.

■ La jument le vit approcher et il semblait très distant, très froid. Ses yeux remarquèrent rapidement que le mâle était particulièrement impassible et elle ne savait pas vraiment qui il était. La jument fut surprise par la question de l'inconnu, mais elle demeurait douce et bienveillante, malgré le froid qu'il laissait paraître. « Oui, c'est une habitude que j'ai. Je ne vous mentirais pas. » avoua-t-elle, avec le regard brillant.

Les yeux dans les yeux. C'est vrai qu'il est froid, mais il ne changera pas. Son regard, accompagnant de cette carapace abîmée par les multiples combats de mercenaire, prévoit de ne pas lâcher cette jument. Bizarre, comme aimanté par elle, Wuuthrad semble de ne pas faire de pas en plus.

À l'arrêt, l'étalon garde une certaine distance de sécurité. Cette distance, qui l'empêche de sentir le souffle et les battements de cœur de sa congénère, lui permet de maintenir un calme olympien.

Sa question balancée, il a une réponse escomptée. Ses lèvres auraient pu se marquer d'un sourire victorieux, mais son visage préfère être teint de ce maquillage neutre.

« Pensez-vous qu'il n'y ait que des gentils, dans ce monde ? » Une question, une autre. Bête, courte et simple, il attend avec les oreilles dressées. Se moque-t-il d'elle ou simplement se soucie-t-il ? Avec ce regard et cette froideur qui éclatent en ondes, personne ne peut savoir ce que Wuuthrad veut en venir.

■ La jument laissa ses yeux valser sur la robe noire corbeau de l'étalon et demeura muette un moment, il avait la peau parsemée de cicatrices... avait-il fait la guerre? Quel genre d'individu était-il? La bicolore ne lâchait pas sa garde et demeura humble à ce qu'elle était, une survivante. Elle demeura toujours polie et respectueuse, malgré la froideur ou l'air bête du mastodonte. « Et vous, pensez-vous qu'il n'y ait que des méchants, dans ce monde? » relança-t-elle, avec un doux sourire pour lui faire comprendre qu'elle n'était pas si idiote.

Elle fit quelques pas, un ou deux, mais pas plus avant d'être encore à une bonne distance de l'étalon noir et demeura immobile par la suite, le regard chaleureux. « Moi, c'est Irisviel. » murmura-t-elle, d'une voix angélique et mélodieuse. « Vous me semblez quelqu'un de très spécial et unique. J'ai rarement rencontré des gens comme vous. » ajouta-t-elle, les yeux brillants. Ce mâle était impressionnant et beaucoup trop mystérieux, mais cela ne changeait rien au fait qu'elle était ravie de faire sa connaissance.

L'ancien mercenaire qu'il était aurait déjà condamné cette jument à l'abandon. Il serait parti comme protagoniste désagréable. Néanmoins il demeure immobile, le regard fauché par le sien.

Des ondes qui se dégagent de l'aura de la jument intriguent Wuuthrad. Il s'attarde sur elle, comme si elle est sa nouvelle proie. Cependant, il n'en chérit pas moins d'en connaître davantage à son sujet avant d'expertiser un départ immédiat.

Wuuthrad se laisse mener par les paroles de cette dénommée Irisviel. Ce nom. Peu commun, qui sonne bon au creux des oreilles de l'étalon ébène. La dernière parole dite arrache un sourire en coin à l'étalon. « Et cela ne vous fait pas peur ? », lâche l'étalon en réponse à la dernière phrase dite.

L'inconnu, le fait qu'il soit spécial, pourrait amener Irisviel à fuir loin. Cependant elle le regarde, les yeux pétillants posés dans le noir intense du regard indifférent de Wuuthrad. Deux billes vides, qui ne montrent rien. Son passé, ses cicatrices, le suivront jusqu'au bout. Au fond, il est brisé, mort. Une étincelle pourrait renaître grâce aux éclats du quotidien. Pour l'instant, rien ne se passe mais cette jument est aussi unique en son genre.

■ La demoiselle avait toujours son regard rivé vers l'étalon, comme si son âme entrait en fusion avec le sien et elle se sentait envoûtée par cet ébène. C'était tout simplement inexplicable et pourtant, il n'avait pas l'air de quelqu'un digne de confiance, elle continuait malgré tout de se méfier de cet être, mais quelque part, quelque chose la ' retenait '. Qu'était-ce? Irisviel demeura elle-même, ne jouant pas la comédie et ne faisant pas semblant d'être quelqu'un d'autres, elle ne fit que lui offrir un sourire sincère, légèrement craintive, mais sans plus. Sa question l'interloqua et doucement, comme si elle était attirée comme un aimant, elle s'en approcha, juste de quelques pas encore, mais s'arrêta bien nette.

Elle ne désirait pas franchir la limite, enfin cette limite invisible qu'elle connaissait et demeura stoique, sans plus. Son regard fondant dans le sien, le dévorant et sondant son âme qui pour elle ne semblait plus de ce monde. Une larme glissa lentement le long de sa joue, la bicolore parut soudainement surprise et ne comprenait pas ce qui n'allait pas chez elle. Elle secoua la tête avant de rire un peu, nerveusement, mais elle détourna la tête afin de reprendre un peu sur elle-même et de ne pas flancher le genou. Qui était-il? Elle allait lui répondre avec son coeur. « Si cela me fait peur? » répéta-t-elle, complètement désemparée et avec une toute petite voix. Iris releva les yeux brusquement et lui donna son plus merveilleux sourire. « Non, je n'ai pas peur. Mais, ce que vous dégagez est tout simplement indescriptible. Voilà pourquoi vous me paraissez unique et spécial. » expliqua-t-elle, le regard luisant et si pétillant de diamants. Wuuthrad était le premier étalon qu'elle rencontrait qui lui faisait vivre une telle tornade intérieure.

L'ancien mercenaire ne bouge pas son regard. Ancré dans le sien. La gentillesse, la bonté qu'elle dégage à travers son aura qui l'entoure. Ses yeux bleus, intenses, contrastent avec le noir, néant, des yeux de l'étalon. Elle sourit, elle pleure et elle rit. Des émotions dont l'étalon en est privé depuis la mort de cet être.

Une jument qu'il n'oubliera jamais. Une entité qui gardera à jamais en lui. Des larmes pourraient couler de son regard, mais rien ne se passe. Elle a fait un pas vers lui. Elle veut quoi ? Lui prouver qu'elle n'a pas peur de lui. Wuuthrad fait de même.

Il entend les battements du cœur de la jument à travers son ouïe fine représentée par ses oreilles dressées. Le voilà crispé, nerveux à son tour. Il n'a pas l'habitude d'être décontenancé. Qu'a-t-elle de plus que les autres ?

Silencieux, il encaisse les mots prononcés par la jument. Tu es spécial, Wuuthrad. Même elle le dit. Spécial dans quel sens ? Il souffle, essayant de chasser ses pensées vers autre chose. Son regard reste accroché à elle.

« Vous ne devriez pas rester avec moi. », souffle-t-il. Est-ce un avertissement. Il ne veut plus s'attacher à quelqu'un. Il ne peut plus. Depuis ce drame qui l'a accablé, il y a quelques années. Marquant ainsi à jamais son cœur meurtri.

■ Elle le regarda droit dans les yeux, il avait quelque chose que tous les autres qu'elle avait rencontré n'avait pas et c'était dur à mettre le doigt dessus avec exactitude. Tout autour semblait prendre moins de valeurs et la jument ne ressentait plus le froid du désert comme s'il y avait quelque chose qui les engloutissaient, la demoiselle ne comprenait pas tout à fait ce qui se produisait. Iris était maintenant plus proche du noir et lorsque celui-ci fit un pas aussi, elle sentit son corps frissonner, c'était indescriptible. La dame ne put s'empêcher de lui envoyer un sourire délicat et angélique, elle avait toujours les yeux incrustés dans les siens, si envoûtante. « Votre âme semble... » commença-t-elle, à dire à voix basse et baissa calmement les yeux vers le sol, attristée. La bicolore prit sur elle, cette fois-ci et lorsqu'elle releva la tête, elle fut surprise de voir à quel point elle était rendue très proche du noiraud, le coeur battant à tout rompre. Le dernier mot de sa phrase s'échappa comme la brise du vent et elle se sentait hypnotisée par le regard sans vie de l'étalon inconnu. « ... meurtrie. » fut le dernier mot qu'elle prononça avant de reculer brusquement, le visage rouge de timidité.

Elle reprit son souffle doucement et inspira par la suite, ne tenant pas compte de la phrase du mâle. À ses yeux, ce mâle n'était pas un psychopathe et quelque chose l'encourageait à demeurer auprès de lui, il était unique, mais surtout très mystérieux. Irisviel se sentait attirée, c'était inexplicable comme situation et elle voulait comprendre. « Vous portez une aura si intrigante et fascinante. C'est pour cela que je vous ai dis vous étiez mystérieux et spécial. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme vous d'aussi... unique. » avoua-t-elle, en souriant.

Des battements en écho au creux de ses oreilles dressées. Le regard perçant. Il ne la lâche pas. Il se laisse emporter par ces yeux de velours. Cette jument a réussi à captiver son esprit. Néanmoins, elle ne l'a pas tout à fait dompté, il reste son côté mystérieux.

Il l'écoute. Sa voix qui est accompagnée par la brise glaciale. Lui non plus ne ressent plus le froid mordant du désert enneigé. Comme si les deux protagonistes étaient connectés dans un cocon qui efface les alentours pour qu'il n'y ait qu'eux.

Quand son dernier mot se perd dans l'atmosphère, Wuuthrad l'assimile. Meurtri est-il. Son âme fatiguée, épuisée de vivre. Depuis cette tragédie dramatique, l'étalon ne s'est plus ouvert aux autres. Il est le mercenaire indifférent, sans état d'âme. Cependant là, une part d'humanité le foudroie et ce ressenti le perturbe.


« Vous ne devriez pas rester là. Vous devez partir. », souffle-t-il. Sa phrase, à contrecœur, éclate au grand jour. C'est cette sensation d'être aimanté à elle qui lui fait dire cela. Il ne veut pas se retrouver faible. Cette faiblesse engendrée par elle. Il ne veut plus s'attacher. Un attachement qui conduit à la tristesse. Rien ne cesse pourtant. Il ne bouge pas, il a les sabots collés au sol. Wuuthrad peut remettre la faute à la gravité, mais ce serait stupide car c'est cette jument qui la fabrique.

Fuis tant qu'il est encore temps. Cette pensée incrustée dans son esprit ne lui permet pas à s'exécuter et partir de son côté, si la jument ne le fait pas. Il n'y parvient pas. Sa respiration se fait plus fort et son rythme cardiaque manque parfois un battement en étant irrégulier.

« Nous devrions en rester là, Irisviel. Me connaître peut vous être mortel et je ne veux pas vous massacrer. » Un terme douloureux, lui rappelant son ancienne dulcinée, morte à cause de lui. Il ne sait pas comment interpréter ses sentiments, mais il ne souhaite pas que cette jument si douce connaisse un passé macabre et un futur sombre.

■ La jument se sentait paralysée comme si ses sabots s'enfonçaient de plus en plus dans le sol et ce, sans pouvoir bouger. Son regard électrique d'un bleu éclatant était toujours rivé dans celui de l'inconnu et tout autour d'eux semblait disparaître. La demoiselle sentit sa poitrine se serrer et elle baissa doucement la tête, soufflant sur le sable du désert qui pourtant était si froid. Pourquoi? Irisviel l'entendit soudainement parler de nouveau et un sentiment de tristesse se mit à l'envahir subitement, elle frissonnait étrangement. Partir? Non, elle ne pouvait pas. Elle ne voulait ni savoir son nom ni savoir quoi que se soit, cette sensation d'être mystérieusement rattaché à lui et cet aimant qui n'avait de cesse à vouloir l'attraper, elle n'y arrivait pas. Puis, son passé si lourd et si douloureux revenait comme des éclairs dans son esprit.

Elle avait les yeux dans ceux du mâle, les larmes glissant le long de ses joues et sentant son coeur sortir de sa poitrine, la dame recula d'un pas, puis un deuxième. Ensuite, ce fut la venue des sanglots, que se passait-il? Irisviel pleurait à chaude larme ne comprenant pas ce qui lui arrivait et aux paroles qui suivirent les premiers, elle craqua. La bicolore s'approcha et vint se poster devant le grand noir, un sourire apparaissant sur son visage malgré les larmes qui coulaient. « Accordez-moi une chance, je vous en supplie! » lança-t-elle, sentant le besoin de rester auprès de lui et ne sachant pas du tout pourquoi. Wuuthrad était bien trop différent et indescriptible. Ce qu'il dégageait était tout bonnement indéchiffrable et pour être honnête, la jument se sentait pas en danger contrairement à d'autres rencontres qu'elle aurait été méfiante du début à la fin.

Elle cessa de pleurer, son côté sensible et émotif avait prit le dessus ce qui l'avait rendu fragile face à cet étranger, elle avait légèrement honte de son comportement. À vrai dire, la pie ne se reconnaissait plus et ne savait plus trop comment réagir, mais une chose était certaine, c'était que l'étalon avait un don. Celui de la décontenancée et de la déconcertée. La pie n'avait jamais supplié personne et cela la rendait mal à l'aise devant le noir, elle n'osait plus le regarder dans les yeux tellement elle se sentait gênée. Elle fouetta doucement sa queue, cherchant un moyen de ne pas paraître idiote aux yeux du mastodonte et elle gratta le sol, nerveusement non pas, car elle avait peur du mâle, mais parce qu'elle ne savait pas trop quoi faire.

Il respirait très fort, elle avait l'impression de fondre et de disparaître, mais subitement elle reprit sur elle-même faisant quelques pas pour lever les yeux. Irisviel se rendit bien assez vite compte qu'elle était maintenant beaucoup trop proche du mâle, presque nez à nez et elle sursauta tout en reculant manquant de tomber sur les fesses. Là, son visage vira au rouge entièrement et elle détourna le regard. « Oh! Je suis sincèrement désolé. » souffla-t-elle, si timide.

En plus d'être une jument si douce et angélique, le mâle venait de voir son côté gaffeuse qu'elle n'avait jamais vraiment montré à personne puisqu'il n'avait jamais eu d'occasions pour qu'elle soit maladroite. Wuu' était le premier et sûrement le dernier, car Irisviel ne s'autoriserait plus à faire cette erreur.

Nous pouvons dire que la paralysie atteint également Wuuthrad. Déterminé, si versatile, il pourrait partir si elle n'y arrive pas. Néanmoins ses sabots sont comme rattachés au sol par des liens invisibles et une corde entoure les deux chevaux pour chacun ne puisse fuir.

Le temps est clément, bénéficiant les deux protagonistes d'une brise fraîche mais supportable. Cependant, le climat n'est pas ce qui intéresse Wuuthrad. Stoïque, le regard perdu sur les formes de cette belle silhouette qui appartient à Irisviel. Il ne connait que son prénom, pourtant il a cette impression de l'avoir toujours côtoyée, de savoir des choses sur elle. Ces choses doivent être sûrement dû à son esprit créatif.

Wuuthrad a beau parlé, aucun des deux semble vouloir se quitter. Il l'aurait fait si l'aimant n'était pas aussi fort. Impossible de bouger, sauf d'aller vers elle. Pourquoi ne pas en faire ta propre victime ? La tuer lui-même pour ne pas permettre à son cœur de flancher. Irisviel est en train de le supplier de lui laisser une chance de rester.

Ces pleurs pourraient le prendre par la pitié. Son côté qu'il garde de mercenaire le maintient dans une indifférence face aux larmes qui souillent la poudreuse. Les yeux dans les yeux, le souffle fort et le cœur emballé. « Cessez donc de pleurer, cela n'arrangera rien. Vous devez partir, pour votre survie. », claque sa voix avec une once d'autorité.

Ses paroles semblent affecter aucun des deux. Là voilà qu'elle s'approche. Ses naseaux viennent fleurer ceux du noir. Un mouvement de recul pour les deux se fait voir. L'étalon est surpris, surtout par ses sentiments qui l'ont poignardé quand Irisviel était proche de lui. Crispé, tendu, l'étalon ne sait guère s'armer d'une protection. Il ne veut rien montrer, pourtant à elle, une part de lui se dégage.

Reprends-toi Wuuthrad. Elle deviendra ta faiblesse si tu continues dans cette voie. Sa tête a raison de clamer ses paroles. S'il se laisse guider par ses sentiments, ses émotions finiront par avoir le dessus. Il profite de son mouvement de recul pour se retourner et se retrouver dos à la jument. « Je vais partir. Oubliez-moi, il vaut mieux pour vous. »

Il dit ses mots mais ils créent des maux dans sa tête. Son corps tout entier semble ne pas être en accord avec sa décision de partir puisqu'il ne peut plus faire un seul pas en avant.

■ L'ange se tenait toujours là, debout face au grand mastodonte et elle n'avait pas du tout l'intention de quitter, quelque chose en elle la retenait. C'était plus fort que tout et la jument ne comprenait pas trop ce qui se produisait comme si rien autour n'avait plus d'importance. Il n'y avait que lui et elle, c'était tout ce qu'il y avait présentement. Ses yeux se posèrent dans les siens, ils avaient une chimie indestructible et incompréhensible qui les unissaient coûte que coûte. La brise était bonne, le vent la décoiffait légèrement et pourtant, cela ne changeait absolument rien au fait qu'elle ressemblait vraisemblablement à un ange face à l'immense masse noir qu'était l'étalon.

La brillance de ses pupilles s'empara de celles du noiraud, un bref instant et la déesse se sentait petit à petit perdre raison, qu'était-ce? Même si elle ne le connaissait pas du tout, quelque chose en elle justement démontrait un autre envers de la médaille comme si elle l'avait toujours connu et c'était un peu cela qui devenait incroyable. Ce ne devait pas être si facile, car d'une manière ou d'une autre, c'était un peu effrayant de regarder quelqu'un droit dans les yeux et sentir que l'on faisait partie depuis toujours de cet être inconnu. Irisviel se sentait comme sur un nuage, une ambiance inexplicable et unique. Cet étalon était tout bonnement impossible à décrire et cette carapace était tout de même épaisse, elle ne pouvait s'aventurer plus loin, c'était malheureux. La jument avait envie d'en savoir plus encore et encore sur ce mâle, oui, celle-ci avait l'impression de le connaître de A à Z, mais il manquait un petit quelque chose.

Elle avait des larmes, certes, mais cela cessa bien rapidement aux premières paroles du noiraud qui semblait froides et frissonnantes. La femelle l'observait d'un air timide et elle se sentait tout aussi perdue que lui-même, c'était une situation si mystérieuse. Elle souffla doucement l'air de ses naseaux, ne pouvant s'avancer plus sur le sujet, car évidemment la demoiselle sentait l'impossibilité de dire quoi que se soit, à cet instant. L'autorité et la froideur dans ses paroles la frappa en pleine face, elle ne voulait toujours pas partir ni même reculer. Son regard attentionné se posa malgré tout dans celui de l'étalon qui d'ailleurs était d'une dureté incroyable. Irisviel n'y croyait décidément pas à cette brutalité dans ses expressions et demeura bien immobile. Son coeur lui disait de pas partir, même qu'elle fit un pas de plus vers l'étranger et resta à une bonne distance malgré elle.

Puis, après un certain moment, le frison recula et pivota entièrement faisant dos à la bicolore qui parut surprise sur le moment, ne s'y attendant pas du tout. C'était tout un revirement de situation et elle n'osait pas trop s'avancer, ne voulant pas brusquer les choses. Soudainement, de touts petits flocons se mirent à glisser lentement du ciel, pourtant nous étions dans le désert froid, était-ce normal qu'un tel phénomène se produise? Iris leva lentement les yeux vers le ciel, c'était vraiment surprenant et lentement, la jument parut si brisée. « Impossible. » murmura-t-elle, la voix tremblante et douce malgré les émotions qui l'habitaient. Ses yeux se posèrent sur le mâle, brillant et luisant, la pie ne pouvait partir, elle n'était pas capable de quitter et ses membres ne voulaient même pas décoller du sol. On aurait pu penser que c'était une forte adhérence au sol, mais c'était simplement le fil du destin probablement qui les unissaient ou une bien étrange rencontre. Mais, le destin devait jouer un rôle là-dedans et sinon, pourquoi les deux êtres qui ne se connaissent même pas seraient ainsi?

Le noiraud semblait incapable lui aussi de quitter et la jument ne comprenait rien du tout, son coeur battait à tout rompre, il était le premier à qui cela lui arrivait, c'était un véritable mystère. « Donnez-moi un nom, s'il vous plait! » lâcha-t-elle, avec la crainte dans les yeux que d'une minute à l'autre, il se volatiliserait.

Improbable. Décontenancé par cette jument. Un lien invisible qui les unit, un lien qui se montre incassable et dur à contourner pour ne pas être affligé par ses effets actifs. Wuuthrad se raisonne pour partir ; ses sabots semblent ne faire qu'un avec la terre et l'empêche de se déplacer.

Ses yeux aux pupilles dilatées et brillantes d'un éclat qui demeure indéchiffrable, Wuuthrad ne cesse point de la fixer. Le vent vient soulever sa masse de crins sur son encolure. Son toupet vient voiler ses yeux. Il se secoue pour remettre de l'ordre dans sa crinière et surtout voir toujours la jument.

L'étalon semble aimanté. Mais il ne pourrait pas expliquer comment et par quoi. Juste la présence de la jument est-elle la raison de son immobilité ? À croire qu'elle a pour effet de le retenir, de le contenir pour qu'il reste près d'elle. Elle l'a comme ensorcelé. Cela fait des mois, des années qu'il n'a plus goûté à cette effet de contenu.

La mort de sa bien-aimée l'a touché amèrement. Il ne pensait pas retrouver ces sensations qui, jadis, ont martelé le cœur de Wuuthrad. Oui, son coeur meurtri commence à se détacher de sa prison de glace et battre de plus en plus fort.

L'incapacité de bouger le met dans un état inconfortable. Il ne veut pas se rendre prisonnier de ses sentiments, pourtant c'est ce qu'il fait. Allez, Wuuthrad. Tu ne devrais pas partir. Reste.

L'étalon ne comprend plus son subconscient qui lui dicte depuis le début de leur relation le mal de cette dernière. Et là, il lui dit de rester. Incompréhensible.

Saisi par un élan de courage pour se défaire des liens invisibles, Wuuthrad tourne le dos à la jument. Il demeure silencieux, sans faire un pas vers la sortie de ce tourment. Elle lui crie de lui donner un nom. Reste. Pour la tuer et en finir avec ta faiblesse.

Il se crispe. Alors voilà où il veut en venir. Ses muscles tendus, il est stoïque, sans mouvement en avant ou en arrière. Il reste, mâchonnant ses joues aveec ses dents. Un tic nerveux que le mercenaire a quand il est dans une situation embarassante.

Cela ne déplaît pas à Wuuthrad - ou du moins si. Ressentir son cœur battre au fond de lui est douloureux. Chaque battement lui arrache une émotion soudaine. Il n'est pas encore parti. L'étalon se demande s'il lui lâche son nom, s'il reste ou s'il part.

Wuuthrad sait que s'il part, il ne la reverra certainement jamais. Le désert froid répond à leur lien en déclenchant la neige. Les flocons viennent se nicher dans ses crins, sur sa robe ébène. Il soupire et ses naseaux dégagent un nuage blanc. Cette décision est dure à prendre.

« Je m'appelle... », commence-t-il quand un bruit sourd vient éclater au creux de ses oreilles. Des panthères des neiges apparaissent en groupe de trois et les yeux braqués sur les deux chevaux. À en oublier l'environnement à cause de leur lien, elles ont pu approcher sans crainte.

« Fuyez ! », ordonne-t-il à la jument alors que ses yeux ne lâchent pas les félins pour assimiler leur réaction. Elles sont trois êtres affamés, qui ont déniché le festin royal.