dont smile at me #p

Enja émit un long soupir, lasse de cette vie mais aussi soulagée par les caresses de sa mère. Ses paroles lui arrachèrent un sourire triste. Parce qu'elle ne savait pas si elle pourra rester aussi proche d'elle bien longtemps. L'Erg lui avait volé son énergie, et le soleil du désert dont elle rêvait tant enfant avait brûlé les dernières effluves de ses espoirs. « Je ne sais pas si je vais rester à l'Erg, maman. Je pense que Thyl ne se sent pas bien non plus. On va peut-être partir. » Ses épaules s'affaissèrent, si attristée de dire de telles choses à sa mère. Et en même temps, elle lui devait bien la réalité des faits, au moins à elle.

Son sourire s'effaça lentement, alors que son visage se décomposait en remarquant que l'étincelle dans le regard de sa fille avait soudainement changé. Ses mots lui parurent comme un véritable coup de poignard en plein coeur, si bien qu'elle en eut le souffle coupé. Elle cacha ses yeux à l'aide de son toupet, pour ne pas qu'elle voit toute l'étendue de sa peine. Était-elle condamnée à voir tous ses enfants s'éloigner d'elle ? Gryffon qui menaçait de partir aussi, Enja aussi... Et Aulia qui était captive. Mais les choses vont changer, je vais tout faire pour ça... dit-elle d'une petite voix, incapable d'en dire plus. Elle savait que sa réaction était égoïste, mais c'était tellement dur. Elle ne voulait pas voir sa famille éclater comme ça.

Enja ne doutait pas un seul instant de sa sincérité. Ce dont elle doutait, c'était de la capacité de l'Erg à abandonner tout esprit de vengeance. Ce dernier était si fort et insidieux qu'il avait petit à petit contaminé l'esprit des jeunes de ce clan. Et la brune, elle, ne voulait pas de ça pour son enfant à naître. Certes, Thylacine n'était pas dans cet état d'esprit, mais elle ne souhaitait pas qu'il soit encore plus fragilisé par la détresse du clan. Ils avaient tous les deux besoin de prendre de la distance. Parce qu'au fond d'elle-même, Enja savait qu'elle n'était plus tout à fait la même non plus. Elle qui n'était autrefois que prévoyance et bienveillance, elle sentait des relents de rancœur s'insinuer dans la pureté de ses intentions. Ce n'était pas que de la faute de l'Erg, certes, mais cela avait été l'élément déclencheur, et cela suffisait amplement. « Tu sais qu'on se verra toujours, maman. Je ne t'abandonne pas. » souffla la femelle contre les naseaux de l'alezane. « Et je te souhaite d'y parvenir... vraiment. »

Enja aura beau dire tout ce qu'elle voudra, ça le l'empêchera jamais de se sentir aussi peinée qu'elle l'était. Elle avait l'impression que les derniers piliers qui la tenaient debout s'effondraient un à un, sans qu'elle en puisse faire quoique ce soit. Ses naseaux se pincèrent alors que la brune les effleurait et elle dut se faire violence pour ne pas se reculer. Elle savait qu'elle pouvait être impulsive une fois que ses sentiments étaient en jeu et elle n'avait pas envie de la faire souffrir encore plus. Je sais. Sa voix tremblait un peu. J'ai juste l'impression que j'suis en train de vivre l'un de mes pires cauchemars et que j'arrive pas à me réveiller. dit-elle, sa voix se brisant. Parce que oui, voir tous ceux à qui elle tenait s'éloigner d'elle était l'une de ses plus grandes peurs, qui, visiblement, était en train de devenir réalité.

Les rôles ne s'inversaient pas. Phoenix avait tout autant besoin qu'elle d'être réconfortée. Même si Enja avait rarement vu sa mère en détresse, dans un état de faiblesse ou de doute. Alors ça lui fait mal au cœur. La brune colla son chanfrein contre le sien. Ses joues étaient encore humides mais ses larmes ne coulaient plus. Un peu de répit. « Cet éloignement là n'est qu'une question de distance... ça compte peu vu ce qui nous lie. » essayait-elle de la rassurer. Elle savait que rien ne changera jamais entre sa mère et elle, peu importait l'appartenance des clans. Et dans le cas de la brune, la vie sans clans.

Il était vrai qu'elle avait une personnalité forte, elle était capable d'en prendre, d'encaisser. Elle avait toujours sur se relever avec plus de force encore. Mais, comme elle l'avait toujours dit, ses enfants pouvaient être sa plus grande faiblesse. Les seuls capables de l'anéantir en faisant si peu. Le coeur lourd, Phoenix accepta la présence de sa fille, s'y accrochant désespérément presque. D'accord... souffla-t-elle. Elle essayait d'y croire. Mais t'es obligée de venir nous voir souvent. Et de faire extrêmement attention à toi. C'étaient ses conditions. Parce qu'elle savait qu'elle ne pouvait rien faire à part accepter et digérer la nouvelle. Va falloir que tu en parles à ton... à Hooker. Il t'aime comme si tu étais sa fille et je pense que ça lui fera de la peine de l'apprendre. Il vaut peut-être mieux qu'il l'apprenne de ta bouche.

Ses paroles la firent tristement sourire. « Bien sûr que je viendrai souvent. Il faudra bien que il ou elle rencontre sa famille. » fit-elle en esquissant un mouvement vers son ventre arrondi. Mais je ne veux pas qu'il ou elle prenne la même direction que les jeunes de l'Erg. Elle se garda bien de le dire. Que ce soit pour finir aussi blessé.e que Thyl ou autant en colère qu'Aszio, dans tous les cas il n'en était pas question. Tout ce à quoi elle aspirait, c'était pouvoir offrir une enfance aussi paisible qu'elle l'avait eue à son deuxième enfant. En espérant que tout ne dérape pas à l'adolescence. Enja ferma les yeux quelques instants, déjà anxieuse à l'idée d'en parler à Hooker. Finalement, elle acquiesça. « Je sais... Je le ferai. Promis. » Elle réprima un soupir. Son départ s'annonçait difficile, même si elle avait assez de raisons pour ne pas douter de son choix. La brune se doutait que Hooker essaiera de la retenir avec peut-être un peu plus de virulence que Phoenix. Ou peut-être pas ? Elle en était arrivée à remettre bien des choses en question. « J'aimerais quand même que les autres sachent que je ne pars pas parce que je ne les aime pas. Je les aime tous. C'est juste que... je ne peux plus continuer ainsi. Je ne peux même plus regarder Fiona dans les yeux. » Et ça la rendait malade.

Ça lui faisait particulièrement mal de savoir qu'elles seraient loin l'une de l'autre. Elles avaient toujours été si proches, ensemble, depuis sa naissance. Depuis le début, elles n'avaient été que toutes les deux, et lentement leur famille s'était construite. Mais à la base, c'était comme si elles n'avaient jamais coupé le cordon et ça lui faisait peur de le faire. Je sais. Je comprends tes raisons, c'est juste que... J'aurais préféré qu'on n'en vienne pas là. Enja était aimée par tous, c'était pas la distance qui allait changer ça. Et toi de ton côté assure toi que Thyl comprenne qu'on l'aime tous très fort.

Enja ferma les yeux quelques instants à sa première phrase, consciente que la situation était particulière et inédite. Jamais elles n'avaient été séparées, même durant leur enlèvement par les parias. Et jamais, jamais elle n'avait voulu être loin d'elle. Pourtant, aujourd'hui, prendre le large lui paraissait être une nécessité. « Je suis sûre qu'il le sait... Mais je ne manquerais pas de lui rappeler... » souffla la brune doucement. La fin de leur conversation approchait, et Enja allait bien s'en aller. Alors, elle vint enlacer sa mère, pour lui dire au revoir.

Phoenix la serra une fois de plus contre elle, s'accrochant à elle presque désespérément. Elle se demandait presque si elle ressentait cette tristesse de l'éloignement, elle aussi, ou si c'était juste elle qui était trop attachée à ses enfants. Peut-être n'était-elle que trop maman poule. Je t'aime. Prends soin de toi et Thyl... Et de cet enfant. souffla-t-elle, avant de se reculer. Elle la regarda partir, le regard embué.
On disait qu'il fallait que l'oisillon quitte le nid pour prendre son véritable envol. Mais qu'advenait de la mère qui observait la scène ?

OUT

» Dont Know what to Do
» Where are you from ? I dont know...
» ♣ dont need it.
» dont worry
» Cet amour dont on ne sait pas où il nous méne | A