❖quand minuit sonne

Nuit. Le vent, dans les branches, soufflait, alors que les nuages épais cachaient jusqu'à la lumière argentée de la lune. Silhouette solitaire, comme fantôme, l'ancien vagabond errait, ombre parmi les ombres.

Comment décrire, et avec les mots justes, l'étrange instinct qui s'emparait de lui, quand plus aucune lumière ne veillait sur leur vie ? Il n'était pas seul, il en était à présent certains : c'était une certitude plus forte que lui. Alors, la statue se figea, et doucement, se retourna, comme sûre de découvrir quelqu'un, quelque chose ... Il ne distinguait personne dans l'obscurité de la nuit, mais il lança tout de même, plein d'assurance semblait-il, alors que sa voix suave comblait comme tous les espaces encore vides :

- Bonsoir ...

Ô temps, pourquoi suspends-tu ton cours ? L'ombre invisible n'ose plus un geste ni même un souffle, figée à son tour. Le pâle étranger semble être auréolé d'une lueur diaphane, tout comme sa sœur la lune dont le croissant s'étire en deux pointes acérées. On pourrait croire qu'elle se prépare à un attentat contre le monde, cette gardienne d'un blanc sombre, trouée de parts en parts, telle un guerrier blafard. « Bonsoir. » Répond alors l'ombre, dont la voix ne sonnant ni femme ni homme se perd au loin, comme l'ultime souffle d'un malade. 

Ici, tout semblait se mêler, comme si les différences n'existaient plus. Ils n'étaient plus que de la matière, malléable à l'infini, jouet d'une quelconque main qui, dans un coin du monde, les regardait en souriant. Cet inconnu, cette voix comme malade, et lui, cet animal fantôme, qu'étaient-ils sinon de simples poupées de chiffons ? Qu'étaient-ils sinon deux marionnettes aux mains du diable ? Le mot de l'étranger était tombé dans ses oreilles, tel un souffle froid s'exhalant d'un corps faible. Jument ou étalon, Ström n'en savait rien. Pourtant, sans crainte semblait-il, il s'était approché de cette voix, et il distinguait à présent une frêle silhouette dans l'obscurité. Le vent allait bientôt tourner, et il lui porterait son odeur. Un mystère serait levé tantôt.

- Maëlstrom ; et vous ?

Un s'avance, l'autre s'écarte. Ils ne sont, à cet instant, plus rien, sinon deux aimants qui se repoussent. Mais déjà, le vent frais de la nuit se heurte à l'animal de lune. Un mâle. Un mâle ? Alors, il se présente. Quelle importance ? Aucune, il n'a pas tort. Mais lui, que doit-il lui dire à présent ? Il recule en premier lieu, comme pour laisser à l'inconnu l'espace nécessaire à son existence.

- Aucune importance. Mais n'est-ce pas rassurant de se rattacher à des formules toutes faites ?

Rassurant peut-être, mais terriblement ennuyeux sans doute. Et lui, du haut de ses sept ans, il déteste l'ennui, le calme, l'habitude. Et lui, il veut vivre pleinement, découvrir de nouvelles choses, tenter de nouvelles expériences.

Mais qu'est-ce qu'un prénom ? « Peter » n'est aucunement le reflet de l'être qui le porte, de cette ombre informe ni poulain ni cheval, ni jument ni étalon. Ce dernier finit par sourire, amusé par la répartie du fantôme. « Je ne cherche pas à rassurer. » Rassurer l'autre, c'est se trahir, se dévoiler.

Un étrange sourire passa sur les lèvres de Maëlstrom, alors que l'inconnu poursuivait. La discussion prenait un tour intéressant. Mais déjà, Peter se dévoilait. Les formes étaient rassurantes pour ceux qui les utilisaient, en l'occurrence ici, pour Maëlstrom. Pourtant, le mâle d'âge mur ne releva rien, se contentant de laisser courir, et continua à son tour, habile des mots tout comme l'était Peter.



- Me feriez-vous, cette nuit, pâlir de craintes ?


L'animal avait arqué son col, alors que ses crins y dansaient. Quelque chose de suave s'émanait de lui, alors que quelque chose en son corps hurlait qu'il était danseur, qu'il était né pour le langage du corps.