La lumière et l'ombre

Si ce lieu était sublime, les nouvelles terres laissaient Ruyn mal à l'aise. Elles n'étaient pas celles qui l'avait accueillie, n'étaient pas celles sur lesquelles elle avait grandi, et le contexte qui les avait fait fuir des terres GSiennes la laissait toujours pantoise. Tandis qu'elle marchait dans ce petit univers paradisiaque, alerte, ses yeux pâles se posèrent sur une apparition mystique. Un cheval extrêmement maigre, noir, dénué de crinière et immobile, se trouvait non loin d'elle. Saisie, Ruyn se rendit compte qu'elle se trouvait face à son reflet. A quelque détails près. La robe noir, scindée en deux par le soleil, donnait un aspect fascinant au cheval, et Ruyn ne put que rester ainsi à l'observer, songeuse.

Fascinant. Et puis son regard dériva un peu sur le corps de la demoiselle, dans un élan un brin narcissique qui lui dévoilait toutes les similitudes qu'elles avaient. Mais l'autre inconnue semblait plus musclée qu'elle. Lorsque ses yeux eurent fini de balayer vaguement le corps de la noire, elle revint à ses yeux, non pas ronds, mais brisés d'une ligne oblique qui lui donnait un air un peu blasé.

Songeant à la même chose, Ruyn ne souhaitait pas parler, de peur de briser ce jeu de miroir qui s'était subtilement instauré. En effet, sans même s'en rendre vraiment compte, la jeune akhal avait adopté une posture semblable à la vieille jument noire, sont corps légèrement voûté. Elle pencha donc la tête sur le côté, esquissa un sourire amusé.

Le sourire de Ruyn s'élargit, tandis qu'elle tendait son encolure vers Rowena, comme si, effectivement, les fils qui les reliaient était rattachés aux divers parties de leur corps. Ainsi, en se penchant en arrière, Rowena avait attiré Ruyn vers elle. Ce faisant, les naseaux de Ruyn se dilatèrent rapidement, captant l'odeur des chaleurs de la femelle, la troublant quelque peu. Elle tourna ses oreilles vers Rowena, lui jetant un regard qui la défiait d'agir de nouveau.

Immédiatement, attentive aux muscles de la noire qui se tendaient sous sa peau noire, Ruyn opéra les mêmes pas qu'elle, avec une demi-seconde de retard, ses yeux pâles ancrés dans les siens, abyssals. Et le même sourire aux lèvres.

Mais Ruyn ne recule pas, se trompant peut-être dans le jeu du miroir. Toujours est-il que ses naseaux effleurent ceux de Rowena tandis que son regard, proche du sien, se fait plus pénétrant.

Se tendant un peu lorsque les dents de la reine claquent, le coeur de Ruyn reprend ses battements à l'instar de son excitation qui hérissent un peu ses poils. L'akhal tout de noire vêtue se recule, entraînant Ruyn dans son sillage, qui la suit docilement, ses mouvements félins la portant à Rowena.