‹ freezing soul ›

OROSZLÀN.


Il est parti un peu trop loin du Nord, sans doute. À l'autre extrémité de Galop Sauvage, il a pourtant trouvé des montagnes. Un environnement familier, qui le dénaturalise moins, sans doute. Pourtant, celles-ci sont couvertes d'herbe, d'arbres ; une nature florissante qui se développe à ses flancs. Choses qu'il ne connait habituellement pas, lui habitué à ses pics enneigés, aux plaques glacées, où rien ne pousse, où ne vit que ce qui survit à l'absence de tout. Pourtant, chose étrange, ça ne lui déplait pas tant que ça.

Il ne l'a pas senti. Ne l'a pas vu. Comme s'il était privé de ses sens, le Lion erre, ne se fiant qu'à ce que lui offre son champ de vision. Des arbres, des branches, de la verdure. Tout ce qu'il ne connait plus, au Nord. Il hume discrètement l'air, perds quelques crins argentés qui restent suspendus aux branches crochues mais rendues douces par les feuilles qu'elles comportent.
Et puis il l'entend. Comme une illusion, comme une voix sortie tout droit de son imagination. Il ne l'espérait plus. Il se retourne d'un bond et c'est là qu'il voit son fils caracoler vers lui à toute allure. Il n'en croit (réellement) pas ses yeux et reste donc un peu hébété, trébuchant à son tour de quelques pas hésitants. Est-il face à une hallucination de son subconscient détraqué ? Il secoue la tête. Non. Red est là. Vraiment là. Il trottine vers lui, fébrile lui aussi. « Red ... R-Red ... RED ! » finit-il par crier.

Son fils lui rentre dedans comme un boulot de canon.
Red n'a toujours su faire que ça. Il est entré dans sa vie comme une bombe à laquelle Oroszlàn ne s'attendait pas. Un changement qu'il ne regrettera jamais. Si certains (lui-même compris) considèrent sa faute avec Rowena comme étant la pire chose qu'il ait pu faire ; le Lion ne pourra jamais nier qu'elle ait donné naissance au plus beau fils qu'il puisse avoir. Il serre son fils fort contre lui, heureux de pouvoir le toucher, le sentir. « Ne pars plus jamais.. Plus jamais.. »

Le Lion aimerait bien lui en vouloir, il aimerait lui hurler dessus qu'il n'avait été qu'un imbécile, qu'il avait sûrement failli mourir plus d'une fois. Mais avec Red, il en a toujours été incapable. Peut-être parce qu'il se reconnait trop en son fils. « Chut, chut, c'est fini... » fait-il pour le consoler, l'attirant toujours plus contre lui, les larmes aux yeux d'émotion. Il se décale, suffisamment pour pouvoir croiser le regard de son fils ainé. « L'important, c'est que tu sois revenu. » déclare-t-il d'un ton assuré.

oui on peut dire qu'il a maigri

Le regard que son fils porte soudainement sur son corps couvre de honte le Lion, qui détourne les yeux d'un air gêné. Il se mord la lèvre. Peut-il vraiment avouer à son fils de quel obscurité est fait le trou dans lequel il est tombé ces derniers mois ? Ses démons n'ont jamais été si forts ; il n'a jamais été si faible. Passant parfois des jours et des nuits entiers sans boire ni manger ni dormir, juste à attendre (attendre quoi, mon grand ?), son corps est toujours musclé et imposant, mais ses cotes sont devenues plus visibles. Et les blessures qu'il s'inflige pour se punir d'une fardeau mystère plus apparentes, elles aussi. « Oui ? » demande-t-il d'une voix presque éteinte.

Oroszlàn n'a pas d'excuse à servir à son fils. Alors, il garde le silence. Un silence coupable. Il n'ose même pas regarder son fils dans les yeux. N'ose pas lui raconter les ténèbres dans lesquels il a plongé depuis leur départ des anciennes terres, l'absence de Red, la disparition d'Elune et de Maddie. Il lui offre un sourire triste lorsqu'il parle d'elle, justement. « Ta soeur a un peu changé, tu sais.. Enfin, peut-être est-ce moi qui aies changé, ou qui deviens trop vieux. » souffle-t-il péniblement. Il ne sait même plus quel âge il a exactement. Il s'attarde sur le corps de son fils, n'aime pas ce qu'il y voit, redoute ce qu'il pourrait imaginer. « Que t'ont-ils fait..? » demande-t-il doucement, effleurant son poitrail des naseaux.

Oroszlàn ne répond pas à la question de son fils sur Maddie. Oui, une certaine envie de pouvoir a toujours fait partie d'elle. Pas au moins de la transformer en un être qui veut tuer pour posséder. C'est là-dedans, qu'il ne la reconnait pas. Et malgré tout ce qu'elle peut dire et haïr d'elle, elle tient bien ça de Septenrê. En tout cas, pas de sa mère, hein ! « L'important, c'est que tu t'en sois sorti. » termine-t-il simplement. Ça lui fait mal d'imaginer ce qu'ils ont pu faire vivre à son fils, et Oroszlàn ne veut plus imaginer. Il aimerait ne plus penser, même. « Je n'ai jamais douté que tu t'en sortes. Mais comme on avait migré, j'avais peur que tu ne retrouves pas notre trace.. » confie le Lion avec un regard intense, ému.