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Ce n'est pas qu'elle est lente, ni maladroite ou sans aucune force; c'est Hekâ qui contrôle tout, et Nyveèn mord de plus en plus la poussière. En elle, cela ne la touche pas. Mais voir la dorée s'agacer de plus en plus commence à l'irriter. Non pas qu'elle se sente blessée moralement, mais simplement parce qu'elle n'est actuellement pas en mesure de la satisfaire, elle et sa vivacité. Alors le coup au visage qu'elle n'a pu esquiver la cloue au sol. Nyveèn aime son visage, la rigueur de ses courbes, l'absolue noirceur d'un gouffre infini qui dessine en quelques traits fins soignés un visage épuré. Dans l'immédiat, elle a peur d'être défigurée. Mais Hekâ ne relève rien de ce point là, alors toute son inquiétude s'envole. Elle prend quelques secondes pour elle et tente d'analyser ce qu'il se passe au sol, au même temps que les paroles du coyote s'élèvent. Contiens toi alors, je tiens à mon visage. Puis la seconde d'après, la voilà qui taille une balayette bien placée. Sûrement son dernier coup pour ce combat, vu la fatigue qui s'emparait d'elle.

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À la remarque de la chauve-souris, Hekâ serre les dents. Si seulement elle parvenait à se contrôler. Elle doit apprendre. Pour Nyveèn. Mais bien vite, elle riposte, car elle ne semble jamais à court de secrets et de ressources. La jeune égyptienne reçoit la balayette de plein fouet et rejoint l'akhal au sol. Elle s'échoue sur le sable frais. C'est doux, agréable, mais Hekâ ne s'y attarde pas. Ses prunelles pâles inspectent le visage parfait de Nyveèn, très légèrement boursouflé là où son sabot a frappé. Il est encore superbe, répond-elle avec une voix beaucoup plus basse et douce qu'à l'instant. Hekâ se jette encore une fois sur elle pour mordre son épaule, et elles roulent toutes les deux au sol.

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Cette dernière roulade sonne comme le gong, et ça tambourine dans la tête de la belle akhal. Stop Hekâ, j'en peux plus. On reprend une autre fois. Elle s'en voulait d'avoir laissé Hekâ prendre autant d'avance, ou plutôt elle s'en voulait totalement à elle même d'avoir pris tout ce retard. J'ai pensé à quelque chose. Je vais devenir guérisseuse. Je pourrais te soigner comme ça. Mais elles deviendront sûrement encore plus dépendante l'une de l'autre. Nyveèn y a déjà réfléchit, et même si elle constate où cela pourrait les mener, il lui plaît d'imaginer le futur aux côtés de la dorée. Elle ne le voit pas autrement à vrai dire.

C'est obligé. Elle ne peuvent se séparer maintenant. Hekâ est l'extension logique de Nyveèn, et Nyveèn est l'extension logique d'Hekâ. Rien ne peut être plus évident. Nyveèn est épuisée, alors la jeune guerrière s'arrête. Elles sont toutes deux couchées au sol, et elle finit par poser sa tête sur la cuisse de l'akhal, la toisant de ses yeux d'or. Comment vas-tu apprendre ? demande-t-elle d'abord. Et moi je te protégerai.

Je ne sais pas, il va falloir que je leur parle. Que je fasse des rencontres. Son poil se hérisse sous le coup de multiples frissons. En fait, je n'ai rencontré personne depuis que je suis en vie. Voilà la traduction de ses spasmes divergents. Elle tourne l'oeil vers le coyote. Elle espérait qu'elle puisse dire qu'elle connaissait quelqu'un qui. Mais Nyveèn avait peu d'espoir en toute circonstance.

La jeune guerrière soupire. Il faut que Nyveèn fasse quelque chose, qu'elle se prenne en main. Ce serait catastrophique si elle devenait un fardeau à protéger pour Hekâ. Il faut qu'elles soient deux fauves dans leur ascension, chacune assurant les arrières de l'autre. Complémentaires. Il me semble que je connais quelqu'un qui apprend à guérir par les plantes. Enja, répond Hekâ, fixant profondément les yeux de Nyv. Tu devrais te renseigner auprès d'elle. Former un réseau. Elle finit par se détacher de la chauve-souris et se relever. Écoute, j'ai des choses à te dire. Moi, j'ai rencontré des personnes. Premièrement, j'ai rencontré les parias. Ils sont très intelligents et puissants, et surtout unis. Je me suis donc faite accepter parmi eux. Je leur ai donné des renseignements sur les plans de la Résistance. Et puis j'ai rencontré Asmund. Écoute-moi bien, Nyv. Asmund est le fils d'une ancienne dominante. Il a une grande famille. Nous avons les mêmes objectifs. Nous avons établi des plans ensemble, et tu fais partie de ce plan, tu m'entends ? Elle fait une pause, assemblant les pièces du puzzle dans sa tête. Asmund et toi, vous allez, comme moi, intégrer la bande des parias. Vous devez gagner leur confiance, leur prouver que vous leur êtes utile. Il ne faut pas que vous soyez rangés dans la case des oppressés mais des alliés. Pour l'instant, obéissez à leurs ordres. Ensuite, il faudra renseigner les Gsiens sur leurs intentions, pour qu'ils aient assez de matière pour avoir une chance de les détruire. Et nous, Nyv, nous, Asmund, toi, moi et les autres, ceux qui intégreront notre organisation, nous serons là, à l'ultime guerre, pour asséner le coup final. Nous détruirons les plus puissants, puis nous deviendrons les plus puissants. Sa voix est calme et assurée, n'acceptant aucune hésitation. Ça se passera comme ça. Ses yeux dorés luisent.

Nyveèn entend les mots d'Hekâ, avec sa voix posée, qui se veut convaincante. Nul besoin de l'être avec Nyv, elle fera ce qu'il lui est demandé, même si au fond cela ne lui plaît pas. Comme se battre par exemple, quoiqu'elle apprécie la confrontation. Alors Asmund, elle retient. Les Parias aussi. Et Enja, surtout Enja. C'est noté, et catégorisé. Maintenant qu'Hekâ a terminé, elle se relève, moins fatiguée. Peux-tu seulement être sûre qu'Asmund ne nuira pas aux plans ? Qu'a un moment donné, il nous nuise ? Ne vaudrait-il mieux pas de le détruire en même temps que les autres ? Une autre personne, c'est partager le butin, et prendre des risques. J'espère que tu en as conscience, et que tu lui fais confiance. Non pas pour la valeur de sa famille, mais la sienne. Nyveèn ne le sent pas trop, cet Asmund à vrai dire. Il faudra qu'elle le rencontre. Je veux bien prendre des risques Hekâ. Mais il faut qu'ils soient mesurés, qu'on soit quasiment sûres de l'issue. En fait, je peux prendre tous les risques, sauf celui de te perdre.

Un faible sourire éclaire le visage noble et sauvage d'Hekâ. Nyveèn a si peur de se lancer, elle est toujours restée dans l'ombre, invisible. Toujours à survoler les choses de ses grandes ailes noires. Mais elle doit toucher le sol et voir. Une faible brise se glisse dans les couloirs, soulevant doucement sa crinière noire. Je connais Asmund depuis que nous sommes petits. Nous nous sommes rencontrés quand nous étions morts. Je ne veux pas dire que je lui fais confiance car ce n'est pas vrai, tu es la seule à qui je fais confiance Nyv, mais nous savons des choses de chacun, et nos volontés convergent. Nos destinées s'entrecoupent. Je ne sais pas ce qui adviendra dans le futur mais aujourd'hui, il est le plan, comme toi et moi. Fais-moi confiance Nyv, jamais je ne te mènerai vers la mort, tu es tout pour moi, tu le sais. Elle s'approche d'elle doucement, sans jamais cesser de la contempler.

A vrai dire, ce n'était pas la mort qui faisait peur à Nyveèn. Plutôt la défaite, la déception de Hekâ face à celle-ci. Ça, c'était sa peur. Je le sais. Je te fais confiance, j'essaierai de trouver Asmund. Son ego, bien qu'un peu touché de sa précédente mise à terre, regonfle à nouveau lorsque les yeux ambrés du coyote rejoignent les siens.

Voilà. Ce qu'il faut, c'est que Nyveèn rencontre Asmund. Que le triangle se forme. Un triangle intense qui deviendra quadrilatère, pentagone, hexagone, puis jusqu'à un nombre immense de sommets. Voilà leur destinée. Le regard abyssal de Nyveèn balaye tout. En une seconde, il lui fait oublier les plans pour l'avenir, et la ramène dans le présent. Là, juste devant elle. Juste devant la plus belle araignée que la terre ait porté. Des pensées nouvelles s'insinuent dans son esprit. Des pensées qui vibrent doucement au fur et à mesure que les phares ambrés de son regard détaillent le corps oblongue et noueux où s'étend une robe d'onyx qui laisse louvoyer dans de sublimes ondulations l'ombre et la lumière. Embrasse-moi. Je veux savoir ce que ça fait.

Nyveèn n'était pas prête à entendre ce qu'elle a entendu. Pas prête, mais pas paniquée pour autant. Elle regarde Hekâ, et l'embrasse sur la joue. Elle n'avait pas envie de lui refuser les choses, mais l'embrasser - d'un puissant baiser - elle ne le sentait pas. Pas aujourd'hui. Ou alors il faudrait la contraindre. Et puis, si elle lui donnait la moitié de ce qu'elle prétendait vouloir, elle attisait le feu. C'était une manière de ne pas la repousser et de l'attirer encore plus. Après avoir déposé de ses lèvres soyeuses mais aussi rouges un baiser de quelques cendres, elle s'écarte. Tu penses qu'on devra avoir des enfants plus tard ?

Ce n'est pas du tout ce qu'elle voulait. Elle sait ce que c'est, un bisou, Rowena leur en a déjà fait un sur le front, avant de disparaître. Ses yeux s'enflamment et se vissent dans ceux de Nyveèn, mais elle ne dit rien. Hekâ est contrariée, elle voulait plus. Elle voulait toucher ses lèvres, en sentir la douceur, la chaleur et le parfum. Elle a très envie, furieusement envie, elle, de l'embrasser elle-même, mais elle se retient. A cet instant, elle déteste Nyveèn. Elle ne l'a jamais autant détestée, mais elle n'a jamais eu aussi envie de la toucher, de l'apprivoiser. De la posséder. Mais elle voudrait aussi la repousser, la faire partir d'ici. Elle ne laisse rien paraître. Elle ne fait rien. La regarde à peine quand elle lui pose cette étrange question. Je n'en sais rien. Pourquoi ? Tu voudrais avoir des enfants, toi ?