▴ vouloir toucher les étoiles

H O O K E R

Hook était parvenu à se hisser jusqu'au sommet d'une falaise, surplombant les individus migrant vers une terre meilleure. On aurait pu croire qu'il veillait ainsi sur chacun d'eux, mais il ne pouvait voir aucuns des corps qui s'amassaient en contre bas. Il avait le visage levé vers le ciel étoilé, se doutant que la nuit était tombée, les rayons du soleil ne caressant pas son visage. Les sabots de ses antérieurs frôlent le vide, sans qu'il ne s'en inquiète.

Asmund voit son bien-aimé frère s'écarter du groupe.  Jetant un dernier regard derrière lui sur ceux à qui il tient, il se détache lui aussi du groupe pour le rejoindre. La nuit est fraîche et cela lui fait du bien. Pour la première fois de sa vie, le soleil ne lui manque pas. Il grimpe sur la montagne et glisse le long des flancs de son aîné, collant ses muscles aux siens, pouvant lui, admirer la multitude de chevaux avancer en contrebas. Où crois-tu que cela nous mènera? murmure t-il sans détacher son regard de la troupe exilée.

Il sent sa présence et lorsque ses muscles semblent épouser la forme des siens pour venir se poster à ses côtés, un frisson le parcourt face à leurs similarités quasi parfaites, un frisson doux et agréable, délicieux même. Il redescend son regard opaque sur l'horizon face à lui à la question d'Asmund. Un soupire lui échappe. Vers un endroit meilleur pour notre famille. Il ne dit pas nos car ils resteraient toujours une seule et même famille, unis. Il pense alors à leur mère. Crois tu qu'Elle nous retrouvera ? Un goût amer se répand dans sa bouche. Il avait honte, honte d'avoir perdu le Sud et de l'avoir abandonné.

La question tranche les pensées d'Asmund comme la lame d'une guillotine tranche la gorge d'un condamné. Il relève lentement son regard vers celui de son frère. Je ne sais pas. répond-il franchement, se doutant de qui il parle. Je pense qu'en temps et en heure, elle reviendra. Peut-être pas aujourd'hui, peut-être pas demain. Peut-être dans un mois, dans un an.. il soupire. Pourtant le fauve ne perd pas espoir. Il croit, il sait que ses promesses ne sont pas vaines. Elle le lui a dit avant qu'il ne la quitte pour revenir. Elle les retrouvera. Mais je suis persuadé que nous la reverrons. J'en suis convaincu.

La réponse tombe sans qu'il ne parvienne à la rattraper, lui brulant les oreilles et lui arrachant un frisson désagréable. Depuis que sa mère n'était plus là tout foutait le camp, peut être n'était il pas capable de réussir sans elle ? La perspective de ne jamais pouvoir la revoir, bien que techniquement oui, il ne la reverrait jamais, mais de ne plus la sentir, de blottir son corps contre le roc qu'était le sien, lui était plus que difficilement concevable. Il hoche la tête pour signifier qu'il a bien entendu, sans qu'il ne puisse trouver quoi répondre à cela. Hook devait continuer de garder espoir. Un jour seraient-ils peut être tous réuni, et le monde entier n'aurait plus qu'à trembler.
Comment se passe le voyage pour toi ? s'enquit-il, tentant de faire au mieux pour taire son inquiétude vis à vis de son frère, et pour changer de sujet aussi.

Hooker change vite de sujet, ce qui arrache un soupçon au jeune entier. Mais il ne souhaite pas l'enfoncer davantage. La conversation était déjà trop incertaine pour la continuer. Mon enfant va bientôt naître. murmure t-il en regardant les alentours afin de s'assurer que personne ne les écoutes. Et j'aurais besoin de toi.
Son regard se pose de nouveau sur son aîné. La voix d'Asmund est grave, Pour le protéger de quiconque, et particulièrement de Lövojka.

Il tourne une oreille curieuse vers lui lorsqu’il murmure, ne comprenant pas cette précaution. Lorsqu’il lui confie avoir besoin de lui, avant même qu’il n’ajoute quoi que ce soit, l’aveugle répond sans une once d’hésitations. Tu peux me demander n’importe quoi. Il serait toujours là pour son petit frère. Et quand la requête s’insinue dans ses oreilles, ce n’est pas de la surprise qui se dessine sur son visage, encore moins de l’incompréhension et du dégoût. Un sourire danse sur ses lèvres charbonneuses. Un sourire satisfait, un sourire carnassier. Il n’avait pas besoin de plus de détails, de plus d’explications, il savait ce que ces quelques mots impliquaient. C’était ton plan dès le départ n’est ce pas ?

Il savait que son frère comprendrait. Qui mieux que lui ? Le soutien que l'un et l'autre se procurent ne connait pas de fin. Il n'a cesse que d'être grand comme au commencement. Bien sûr. souffle t-il. Et probablement Hooker s'en était-il douté. Peut-être n'en avait-il pas eu la certitude de peur de froisser son propre frère, mais qui mieux que lui sait la loyauté et la haine qui habite la descendance d'Owberine et Isildure? Désormais ils ne sont plus que deux à avoir exactement la même génétique. Exactement le même mental, au fond. La chose qu'espère le plus Asmund maintenant, c'est que Bryséis réagira de même. Jamais je ne trahirai notre famille.

Son frère confirme, bien qu'en soit sa question était plutôt rhétorique et qu'elle n'attendait pas de réponse, découlant d'une évidence certaine. Pas aux yeux de tous, juste des leurs. Il s'était souvenu d'une phrase prononcée par Asmund lors de leur rencontre : N'oublie pas que je serais toujours moi et qu'aucune des choses que je te dirais ne sera véritable. Sauf si je dois te transmettre des choses importantes, je pense que tu les comprendras de toute façon. Ses mots n'avaient eut de cesse de se répéter en boucle dans sa tête lorsqu'il lui avait avoué avoir succombé à Lov. Son coeur, son corps et son cerveau avaient crié en coeur : impossible ! Et puis revinrent les souvenirs lucides. Et pourtant, Hooker avait senti cette petite chose, jamais ressenti auparavant : le pardon. Il aurait pardonné à son frère s'il avait réellement succombé à cette traitresse. Parce que c'était lui, parce que c'était eux. Je sais. glisse t-il en tournant son regard mort vers As'. Mais si tu avais décidé de faire d'elle ta famille, sache mon frère que je ne m'y serai pas opposé. Tu m'es plus précieux que ce qui a pu se passer. Il avait déjà perdu tellement de temps avec lui, que rien ne vaudrait la peine que cela se reproduise. Après un bref instant de silence, il reprend. Certains risquent de te haïr pour ça, ils ne comprendront pas, ils ne comprendront jamais. Le dégout pointe clairement le bout de son nez dans sa voix qui était presque devenue murmure.