warm

Il ne forme qu'une masse compacte et délicate sur le sol caillouteux. En quête de chaleur, Horus attend que les rayons du soleil viennent chauffer son poil, sa peau, ses muscles.

Le mâle gris suivait les effluves qu'il reconnaissait facilement. Il ne l'avait pas encore rencontré officiellement, puisqu'il n'avait pas assisté à la naissance, mais savait qu'il s'agissait de lui. Parce qu'il avait un parfum particulier, celui de Nyveèn. Draggan découvrit un jeune mâle brun, et un fin sourire s'accrocha à ses lèvres tandis qu'il s'approchait. « Salut, fils. » Peut-être que la noiraude ne lui avait pas parlé de lui, mais peu importait.

En effet. Le jour de la naissance, il y avait un autre étalon. Bienveillant et, pourtant, Horus n'avait pas pu expliquer ce qu'il avait vu sur lui, en lui. Des ombres difformes, agressives. Quelque chose qui venait du fond de cet inconnu, qui ne semblait effrayer ni sa mère ni les autres. Alors, il avait choisi de ne pas en avoir peur non plus, mais de ne pas oublier. Il ignorait s'il devait le considérer comme son père. Ni même s'il en avait réellement un, à ce jour. Pourtant, lorsque l'inconnu gris s'approche de lui, il sent une aura particulière l'entourer. Comme pour en être sûr, Horus décide alors de se servir de ce filtre qu'il découvre jour après jour. Son oeil-lune. Il ouvre son oeil gauche, laissant apparaître une prunelle bleutée comme l'autre mais voilée, comme abîmée. Dansent alors ombres et lumières sur l'imposant étalon gris.
Fils. Un sentiment de fierté envahit le petit prince. Parce qu'il se sent comme tel. Fils d'un tel étalon, il ne peut être que prince ! Il renvoie au gris un sourire discret en se rapprochant de lui d'un pas déterminé. Je m'appelle Horus. Maman m'appelle aussi Faucon.

L'enfant ne lui ressemblait pas, mais il n'en tint pas compte, peu importait. Il ne pouvait être que le fils de Nyveèn, et par extension, son fils. Il s'était approché du jeune mâle, sondant ces iris bleutés. Un fin sourire s'accrocha à ses lèvres tandis qu'il se présentait. Beaucoup de choses dans ce qu'il voyait lui évoquait à la fois Nyveèn - du moins du peu qu'il en connaissait - et lui. Ce qui le conforta dans ses convictions. « Ta mère t'a bien nommé. Rien n'aurait pu mieux t'aller. » souffla-t-il, rompant la distance qui les séparait. Il posait ses naseaux sur le fin toupet du poulain, s'imprégnant de son odeur, bien que ce fusse déjà le cas. Comme une sorte de sacre, de reconnaissance. Il était son enfant, et maintenant qu'il l'avait sous les yeux, il avait abandonné toute idée de le renier. « Ta mère t'a-t-elle parlé de moi ? »

Il ne cesse d'étudier son père, ne cesse d'éprouver cette fierté à voir comme il est. Il trouve sa mère très belle et imposante par son aspect sinueux, pourtant, il aimerait bien lui ressembler un peu aussi. Prendre de l'un et de l'autre. Il sourit un peu face au compliment sur son nom, ferme les yeux à son souffle. À cet instant, il se sent être son fils. Ses yeux se rouvrent. C'est à cause de mes yeux. Horus avait un oeil blessé. Je ne vois pas vraiment de l'oeil gauche. Je vois d'autres choses. Il lui en parle ouvertement pour être direct, pour créer subitement ce lien spécial qui, il l'espère, les unira. Il veut que son père le connaisse mieux que tout le monde, comme sa mère. Il ne veut avoir aucun secret pour eux. Il ne répond pas vraiment, hausse les épaules. Je préfère te rencontrer de moi-même. Nouveau sourire, discret mais vif.

Il n'en attendait pas moins de son fils. Et il fut d'ailleurs tout de suite à l'aise avec lui, à l'image d'Azel. Il se sentait lié à ses enfants comme il ne sera probablement jamais lié avec qui que ce soit d'autre. « Que vois-tu ? » s'enquit-il, tout de même intrigué par cette phrase, par ce concept laissé en suspend dans la bouche de l'enfant. Et au-delà de cette intrigue, il se sentit satisfait de constater que son fils n'émettait aucune réserve à se livrer à lui, comme s'il lui exposait tout ce qu'il avait pu rater depuis sa naissance, à laquelle il n'avait pas été présent. « Mon nom est Draggan, mais tu peux m'appeler papa bien sûr. »

Je vois ce qui est caché, souffle-t-il, comme un secret, comme une confession. Ce n'est pas encore assez précis pour lui, à vrai dire. Il écoute son père et affiche un sourire discret. Il aurait pensé qu'il y aurait un malaise lors de leur première rencontre ; il est satisfait de voir que cela n'est pas le cas. Je suis heureux de te rencontrer enfin. Comme s'il s'était écoulé des années depuis sa naissance, toute récente. Il lui offre un sourire fier, espérant être à la hauteur de ses espérances.

Et il l'était, tout du moins pour l'instant. Depuis qu'ils s'étaient accouplés, lui et Nyveèn, ils ne s'étaient plus revus. Ce n'était qu'aujourd'hui qu'il rencontrait le fruit de leurs entrailles, bien qu'ils ait compté les mois tout du long. Draggan n'était cela dit pas du genre à se confondre en paroles tendres, ni en gestes d'ailleurs. Il observait toujours ce regard, qui lui rappelait un peu celui d'Azel. Mais ils n'étaient pas du tout de la même mère, et seront peut-être complètement différents l'un de l'autre. Et il appréciait même cette différence. « Il y a des choses que tu dois savoir. » fit-il simplement, soutenant le regard azuré de son jeune fils. « Tu as une sœur. De la même génération que toi. Elle s'appelle Azel, et sa mère se nomme Absinthe. »

Et Horus semble ne pas demander cette affection. Ne pas la chercher, même. Il se contente de ce qu'on lui offre. Le reste, il le prendra de force. L'annonce de son père le fait sourire. Loin de lui déplaire, il est heureux d'apprendre qu'il a une soeur de son âge. Il s'imaginait une fratrie bien plus âgée qui le prendrait de haut. Azel. Absinthe. Beaucoup d'informations, il espère ne pas oublier un des deux noms. L'enfant hoche lentement la tête. D'accord. Tu me la présenteras, fait-t-il en fixant son géniteur sans ciller, formulant ainsi un fait plutôt qu'une demande. Il se rapproche un instant du gris mais pas forcément pour chercher une certaine affection. Il pose juste ses naseaux vibrants sur son poitrail pour s'enivrer de son odeur, s'en souvenir pour toujours, la reconnaître quoi qu'il puisse arriver. Il y avait un autre étalon, quand je suis né. Il penche la tête sur le côté, cherche du regard celui de son père. La question est formelle. Il lui ressemblait un peu, en plus. Mais pourtant, il me semblait pas être le compagnon de sa mère. Se pourrait-il qu'ils ne sachent pas vraiment qui est son géniteur ?

« Elle saura certainement venir à toi, un de ces jours. Tu verras qu'elle a un caractère bien trempé. » fit-il, un brin amusé. Azel promettait d'être haute en couleurs, à ce niveau là. Un parfait mélange explosif de ses deux parents réunis. Mais elle semblait bien moins calme que son frère, Horus. De ce qu'il en voyait, ce dernier semblait plutôt avoir hérité du calme froid de ses parents. Un calme puissant. « Tu connais son prénom ? » Draggan n'avait pas connaissance d'une seconde saillie, ni de la nature de cette dernière. Il était vrai que Horus ne lui ressemblait pas, en dehors de certains traits de caractère plus ou moins apparents. Peut-être qu'il n'était pas son fils. « Ça t'inquiète ? » souffla-t-il finalement, observant le visage du jeune mâle qui était proche de son poitrail.

Il hoche la tête. Il sent bien que son père a déjà une relation bien solide avec cette soeur qu'il ne connait pas. Loin d'en ressentir de la jalousie, Horus se sent juste un peu dépassé, comme si on le mettait déjà un peu sur la touche. Il a hâte de la rencontrer, pourtant. Il ne dit rien, restant dans cette distance froide et féroce, un calme énergie, une contradiction née. Il secoue la tête. Son nom ne m'apprendrait rien sur lui. Face à la question de son père, il relève la tête pour capter son regard. Il lui offre un sourire mi-amusé mi-provocateur. Pourquoi, ça devrait ? Il a une façon bien à lui de détourner les questions, de répondre par une répartie déjà bien pesée. Il hume une dernière fois l'air puis se place à côté du gris, comme un soldat, bien droit et fier. Il observe l'horizon, pensif.

C'en était presque devenu un jeu, de s'amuser à déceler de qui il tient tel comportement. Bien entendu, Horis saura développer sa propre personnalité, et Draggan n'en sera que plus satisfait. Être une pâle copie devrait être bien ennuyeux. « Mais moi oui. » rétorqua-t-il face à la première réponse de son fils. En fait, il ne le connaissait peut-être même pas, ce nom. Peu importait, au fond. Draggan, lui, n'avait jamais eu de père, et n'avait jamais connu de figure paternelle. Mais les rumeurs couraient que sa mère avait une liaison, et pire, un enfant. De quoi lui hérisser le poil. « Certainement pas. J'voudrais juste savoir ce que tu ressens. » Difficile de demander ça quand on est soi-même imperméable aux émotions.

Il fait mine de ne pas avoir saisi la question lancée de nouveau sur le nom de l'individu. De toute façon, en effet, Horus ne le connait pas. Il est tacheté, grand et musclé. Voilà tout ce qu'il peut lui dire. Face à la requête de son paternel, Faucon lui offre un sourire étincelant, ses petites dents blanches luisantes comme des lucioles. De l'excitation, je crois. Le monde est vaste, les sensations doivent l'être tout autant. Et, actuellement, je suis plutôt content d'être avec toi et de t'avoir trouvé. La franchise dans ses mots est presque troublante, mature et posée. Et toi, que ressens-tu ? lui retourne-t-il tout naturellement, espérant que son paternel aura la même transparence avec lui. Aucun secret, rien qu'un lien fort et indéfectible. Si le monde entier se retourne contre eux, au moins, ils seront ensemble. N'est-ce pas ?

Draggan n'en demanda pas davantage, mais n'en pensait pas moins. Il retint avec précautions les informations que venaient de lui fournir son fils. Des étalons qui répondaient à cette description, il ne devait pas y en avoir des tonnes vu la variété de profils sur Luanera. Lorsque Horus lui confia son ressentit, cela arracha un faible sourire à son père. « De l'excitation aussi, je suppose. Je compte quitter mon clan natal, les Wiha, pour fonder le mien. » Aucun secret.

Il ne savait pas de quel clan fait partie son père, seulement qu'il n'était pas des Shaan. Curieux et intéressé, il relève ses yeux clairs vers lui. Posé mais assuré, il décide de creuser. Qu'est-ce qu'il aura de particulier, ton clan ? Son père va être un chef, c'est quand même classe, non ? Les Shaan sont bien, mais Horus trouve comme quelque chose qui cloche chez eux parfois. Comme s'il ne pouvait pas être qui il voulait être.