rock

Immobile, l'étalon admirait la masse rocheuse se tenant devant lui. Couché au milieu des fleurs, la fraîcheur du sol lui donnait des frissons mais il tentait de se réchauffer en arrachant goulûment quelques touffes de végétaux. Le regard posé sur l'horizon, ses oreilles en revanche bougeaient dans tous les sens, comme si quelque chose l'empêcher d'être totalement détendu et serein.  

(L.)


Elle ne l'a pas vu, sûrement camouflé par les fleurs tachetées de mille couleurs. Un spectacle qui n'émerveille pas la lionne, sûrement lassée d'avoir enduré tant d'enfers pour saisir encore les quelques bribes de paradis qu'il peut y avoir sur son chemin. Son allure est assurée, elle se déplace avec lourdeur et pourtant, cette prestance ne l'a jamais quittée. Comme fille de ses gênes. Comme une malédiction que ses ancêtres auraient accrochées à ses chevilles. Une ancre, peut-être, pour mieux la voir couler un jour.

Tiré de ses songes par une effluve inconnue, pas une once de surprise ne se pointa dans son esprit. Il tourna la tête de tous les côtés, scrutant le paysage dans le but de trouver une quelconque silhouette nouvelle. Frustré, il se releva légèrement afin d'étendre son champs de vision et finit par apercevoir un autre être vivant parmi ce paysage fleuris. Il se laissa brutalement retomber à terre et rattacha son regard au volcan. M'avez-vous remarqué ?

Elle avance au milieu des fleurs. Elle ne voit que la brume. Épaisse, traîtresse. Elle se souvient, lorsque son père est revenu, qu'elle l'a enfin rencontré. Il lui parlait de cette brume. De ce brouillard psychologique, qui s'était tant épaissi qu'il ne discernait plus rien. Ni le bien ni le mal. Ni ses amis de ses ennemis.
Est-ce qu'elle deviendra folle, elle aussi un jour, comme lui ? Comme son grand-père avant lui ? Si ce sombre destin devrait l'effrayer, Lövojka l'envisage avec une lassitude implacable. C'est une voix sortie des fleurs qui la fait sursauter brusquement, son corps lourd se soulevant pour retomber à quelques centimètres seulement de l'inconnu, étendu au sol. Non, elle ne l'a pas remarqué et l'agacement que cela fait naître en elle est facilement lisible dans son regard sombre. Je t'aurais remarqué si je t'avais marché dessus, lâche-t-elle en ronflant, pincée.

Ça fais toujours plaisir, dit-il en se raclant la gorge. Il se décala légèrement histoire de laisser un minimum de place à la jument. Elle semblait froissée et nonchalante de pars son attitude. L'étalon l'observa quelques secondes puis redirigea son regard vers le paysage, les yeux mis-clos.

Disons... qu'elle est peut-être juste dans un mauvais jour. Elle le dévisage longuement. Il ressemble énormément à Asmund. Beaucoup trop, en fait. C'est peut-être à cause de ça, finalement, qu'elle a été un peu agressive avec lui. Parce qu'immédiatement, elle est sur les nerfs. Sur un fil tendu entre deux enfers. Et c'est quoi, ton nom ? demande-t-elle, essayant de s'adoucir malgré son côté ours.

Ça t’intéresse vraiment ? balança-t-il sans réfléchir. Vu comment c'était partit, on allait pas s'en sortir, quand l'un fait un pas l'autre recule. Il laissa quelques secondes de silence s'écouler puis il regretta. Kjell.

Elle ne répond même pas à sa question, se contentant d'un regard sans âme, noir comme la nuit la plus sombre. Et d'où viens-tu, Kjell ? fait-elle en appuyant sur son nom de sa voix grave et vibrante, sans le quitter des yeux. Elle se rapproche d'un pas, insistante. Curieusement, sa mauvaise humeur a déjà cédé la place à d'autres émotions plus taquines.

L'étalon plongea son regard dans celui de la jument lorsqu'elle l'interrogea. D'ici et d'ailleurs, je vagabonde. Je ne suis que de passage ici, dit-il d'une voix rauque. Le vent s'était levé et ébouriffait la volumineuse crinière blanche de la jument. Il assistait à un réel spectacle, elle avait un certain charme. A vrai dire, il en trouvait un à n'importe qui.

Elle surprend le regard insistant de l'étalon sur elle. Sans rechigner ni même en montrer une quelconque réaction, elle esquisse simplement un sourire rectiligne et fin, à peine visible. Tu pars déjà ? souffle-t-elle, ses grands yeux d'abime plongés dans ceux de l'appaloosa.

L'étalon plonge également ses yeux dans les siens. Je n'en sais rien, à voir si une quelconque attache me fais revenir sur ma décision. Mais il n'y croyait pas plus que ça, jamais il n'avait éprouvé quelque chose pour quelqu'un. Sauf pour Brie, et son absence se faisait remarquer. Cela faisait plusieurs mois qu'il n'avait plus de nouvelles et parfois, il se demandait s'il n'avait pas quelque chose à avoir avec ça.

Elle le contourne, frôlant ses hanches, avant de l'inviter à marcher. Son pas est lourd, sa tête aussi. Pourtant, elle la tient toujours haute. Ses yeux noirs cherchent ceux de l'étalon. Quelque chose l'intrigue chez lui. Quelque chose la pousse à vouloir savoir. Kjell, le sans-attaches, siffle-t-elle dans un sourire légèrement provocateur.

Le contact de leurs peau lui procura un frisson qu'il tenta de réprimander. Kjell émit un léger pouffement à sa remarque et tourna la tête vers elle. Et toi, la jument dont je ne connais le nom, tu en possède des attaches pas vrai ? dit-il finement. Ses yeux la survolèrent, très légèrement, gardant un petit mystère au-dessus de sa tête. Les yeux en disaient trop et l'étalon ne voulait pas qu'elle devine ses pensées.

Elle ne prend pas la peine de lire dans ses yeux, sans doute qu'elle ne remarque pas qu'il y a des choses à déceler. Ses iris noirs sont déjà revenus affronter l'horizon. Elle hausse les épaules. Pas vraiment. Des enfants. Mais nulle autre réelle attache, au fond. Sa fratrie a entièrement disparu à ce jour, il ne reste qu'elle. Des parents, il n'y en a plus non plus. Et des amants... Lov ne peut pas réellement confier qu'il s'agit là d'attaches réelles. Lövojka, récite-t-elle comme une incantation malsaine, un nom trop arbupte et trop dur à retenir, qu'elle s'entend peu prononcer tant elle fait peu de nouvelles rencontres.