félin

À vrai dire, il en était de même pour elle aussi. Si Absinthe avait réussi à la faire sentir plus vivante, depuis son retour, elle avait la sensation que tout lui échappait. Qu'elle courrait après sa vie sans parvenir à l'attraper. Elle était consciente que ce n'était que passager, le temps que tout ne redevienne à la normale, qu'elle s'adapte aux changements. Mais c'était quand même difficile de ne plus savoir qui on était.

Elle non plus, ne tarda pas à sentir le parfum de l'étalon s'immiscer dans ses naseaux. Et si son coeur s'affola dans un premier réflexe, il ne tarda pas à se comprimer douloureusement. Et alors que ses yeux noirs tombèrent sur la silhouette du bai, ses oreilles s'enfouirent dans sa crinière. Elle se rapprocha d'un pas rapide et furieux, la posture menaçante. Toi.. gronda-t-elle.

Elle n'aurait pas cru qu'il aurait le culot de revenir. Elle aurait plutôt pensé qu'il ferait comme Baïkan et qu'il ne reviendrait plus jamais. Ça aurait été plus simple comme ça, ça lui aurait évité une vague de colère aussi dévastatrice. DONNE-MOI UNE BONNE RAISON DE PAS TE BUTER. hurla-t-elle, déjà suffisamment fâchée pour être prête à lui sauter à la gorge.

Aulia laissait le torrent de sa douleur l'emporter. Elle avait trop vécu de drames pour être capable de rester calme face à celui qui lui avait brisé le coeur la fois de trop. Elle y avait cru tellement fort, elle s'était mise à penser qu'elle ferait peut-être sa vie avec lui. Mais une fois de plus, elle s'était rendue compte qu'elle s'était trompée à nouveau. Au moins tu le sais. claqua-t-elle. Elle ne tentait même plus de se contenir, mais, alors qu'elle aurait sans doute aimé déverser sa colère sur lui, elle n'était pas capable de le frapper. J'ai été bien naïve. Au fond, tu vaux pas mieux que les deux autres qui m'ont abandonnée avant toi. Elle leva les yeux au ciel, se détournant de lui avant que les larmes ne lui montent aux yeux. Je sais pas pourquoi je perds mon temps avec toi. grommela-t-elle.

Aulia l'écouta alors qu'elle commençait à s'éloigner, dos à lui. Elle avait du mal à contenir les larmes qui lui montaient sournoisement aux yeux. Elle ne s'était jamais imaginé que ce serait si difficile de l'affronter. Elle était parvenue à digérer le fait d'avoir été abandonnée à nouveau, mais ça ne faisait que remuer le couteau dans la plaie. Certaines étapes difficiles ? Elle se retourna d'un geste sec, furieuse. Ma vie a été carrément un bordel depuis que t'es parti ! T'imagines même pas tout ce que t'as raté. Elle ferma les yeux pour refouler ses larmes. Si j'avais été à ta place, je t'aurais au moins averti, c'était la moindre des choses. trancha-t-elle sèchement.

Mais malheureusement pour lui, Aulia était rancunière. Elle était encore frustrée par des trucs qui dataient de son enfance et de son adolescence. Alors digérer les excuses d'Aël allait prendre du temps. Et pourtant, entendre sa voix tremblante accentuait sa propre douleur. Mais t'aurais dû. À ce moment-là j'aurais pu comprendre, j'aurais pu pardonner. Et j'avais besoin de toi plus que jamais, après avoir perdu le bébé.

La tête haute et le regard qui lui lançait des couteaux, Aulia ne perdait pas la face malgré tout ce qui la déchirait intérieurement. Elle devait rester forte et ne laisser personne prendre les rênes de sa vie, comme son père lui avait toujours enseigné. Très bien. Je te pardonne. Pour ta mère. Elle avait adoré Hélivia et apprendre sa mort lui pinçait le coeur. Elle avait trop de respect pour elle pour en vouloir à l'étalon de l'avoir accompagnée jusqu'à la fin, elle n'aurait pas non plus voulu qu'elle meure seule. Mais t'attends pas à ce que je te saute dans les bras après ça. fit-elle avant de le dépasser pour s'éloigner.