Amour, amour ou te cache tu ?

Amiral était non loin. Dans sa ronde habituelle, il faisait même le tour ici, dans la Clairière Cotonneuse, pas dans un but malfaisant, mais plus par habitude. Le grand Prince marchait de manière noble, l'encolure haute, et le regard scrutant les environs.
Et c'est en balayant l'horizon qu'il vit une belle jument blanche esseulée et calme. Le diamant noir s'arrêta, en la regardant. A une bonne distance de là, l'on aurait dit Mia, mais non, le parfum de la demoiselle, fruité, ne ressemblait en rien à celui de Mia, qui lui était plutôt floral.
Face à cette inconnue, le mastodonte de muscle hésitait quelque peu à approcher. Non pas par timidité, mais plus parce que pendant cette période, le moindre geste anodin pouvait paraitre... Louche, ou même très mal interprété.
Mais Amiral ne se refusait jamais une nouvelle rencontre, qui plus est pour une belle jument au chanfrein droit, aux rondeurs exquises. Mais outre passant son physique très gracieux, il voulait faire connaissance avec la belle, qu'il n'avait jamais croisé auparavant.
Noble, il pivota dans sa direction, ses crins ondulant doucement, caressant sa puissante encolure avec poésie, délicatesse et grâce. Ses épaules puissantes avançaient à tour de rôle, déposant sur le sol ses longs membres robustes et décorés de longs fanons des plus élégants.
Ses muscles roulaient sous sa peau d'ébène, ses membres se posaient avec silence malgré l'assurance de ses derniers. Arrivant près de la belle inconnue, Amiral s'arrêta à une distance respectable, comme à son habitude, d'autant plus pendant cette période. Cette distance était instaurée, pour que la demoiselle ne se sentent pas incommodé de sa présence, et puisse être à son aise.
De sa voix grave, masculine et d'une diction noble le dominant déclara doucement.

Bien le bonjour à vous, demoiselle.

L'entier arqua l'encolure en guise de salutations solennels et respectueuses.

Ne cessant de l'observer, l'étalon appréciait d'un regard de connaisseur ses courbes harmonieuses, la rondeur délicate de se naseaux, les arrondis sensuels de ses hanches, de son ventre, le blanc divin de sa robe. Une très belle jument en somme. De plus, son aspect physique changeait de toute les arabes croisées sur les terres GSiennes. Non pas que ce n'était pas plaisant, mais l'inconnue, dénommée Follya, sortait du lot avec saveur.
La voix cristalline de la blanche résonnait aux oreilles du noir comme un doux chant d'oiseau au petit matin. Un chant que l'on prend tant de plaisir à écouter.
D'un ton suave, et toujours aussi rauque, le Prince se présenta, de manière cérémonieuse.

Il est d'un certain plaisir de faire votre connaissance, Follya.
Je me nomme Amiral.

Il ne précisa pas son titre de dominant, trouvant cela trop pompeux pour une première rencontre.
LE pas dans sa direction, marquait un chapitre dans la bienséance de leur rencontre. La jument n'avait pas peur du contact relationnel, l'entier appréciait cela. Noble et gentlemen, le Prince Noir savait se tenir en compagnie d'une dame, si élégante qui plus est. Amiral resta donc stoïque, droit, honorable, malgré la période hormonales de ces Dames.
Elles n'y sont pour rien, dans la biologie des choses, alors, même si ce parfum est agréable, aux naseaux des étalons, ce n'était pas une raison pour agir comme un goujat dans éducation.
Pour cette période "tendue", disons, il était bien normal d'avoir un comportement exemplaire, comme tout à chacun et tous les jours, afin de leur rendre ce passage, moins gênant, plus agréable.

Amiral était amusé de son manège de séduction. Jusqu'ici, peu de juments avaient ouvertement exprimé leur séduction au grand mâle, pensant inéluctablement qu'il fallait être comme lui, subtil, noble et très délicat en parole pour le séduire. Non pas que la jument, Follya était rustre ou délacée, noooon, elle, avait l'audace d'affirmer son caractère, sa façon d'être. Elle, n'essayait pas d'imiter l'éducation du grand Prince.
Amiral ne la quittait pas du regard, plongeant dans le sien, comme dans un livre ouvert. Malgré les élans mutuels de séduction, le Prince distinguait les prémices de sa personnalité... A la fois complexe, mais en même temps si simple... Quel délice.

Allez savoir... Je suis le maître de mon destin, le capitaine de mon âme, très chère.
Je mène mon troupeau là où la sécurité et abondance règnent en maitresses.
Être maître, n'est qu'un titre. Mais je le reste de mes actes...

La jument s'approchait encore et encore. Il est vrai qu'il y avait une tension sexuelle entre les deux. La période était faite pour cela dans le monde sauvage. Mais... Comme tout à chacun le sait, le mastodonte avait reçut une éducation digne de ce nom, et Follya, quoi qu'il se passe, ne serait pas abandonnée, que ce soit en cœur ou en esprit.

Tu temps, vous en avez, et ces périodes étranges font tourner la tête de tout être normalement constitué. Ne vous en rendez pas fautive, damoiselle...

La voix rauque et masculine du mâle, résonnait aux oreilles de la juments, car grâce à ses quelques pas, tous deux étaient tête bêche. Amiral aussi dû tourner un peu la tête pour pouvoir la regarder aisément, rapprochant ses naseaux de velours, de la robe de soie blanche dont était faite l'exquise Follya...

Voilà la raison pour laquelle il ne dévoilait jamais son statut de « Dominant ». Tous, sans exception changeait d’attitude envers lui, envers le « Chef ». Certes, il était normal d’avoir le respect et la « soumission » de ses membres, mais le Prince n’était pas ainsi. Il était certes, de haute éducation, noble, possédant une certaine distinction, une certaine élégance, mais il n’était pas que cela. Amiral est plus le genre à veiller en secret sur ses membres, à les surveiller, mais de manière tellement fine, qu’ils ne s’aperçoivent jamais de sa présence. Il veille toujours, sur chacune des naissances, sur chacun des conflits, il veille à ce que ses membres ne manquent jamais de quoi que ce soit…. Mais là n’était pas la question. Le Diamant Noir avait perçut le changement d’attitude de Follya. Il en soupira intérieurement. Ainsi, était-elle comme les autres ? A se ranger à de faux semblants, à une manie de vouloir l’imiter, en reniant sa véritable nature, en reniant ce qui nous fait unique ? Dans le seul but de plaire au dominant ?
Oui, il est vrai que bon nombre de juments, toutes à vrai dire avaient eu recours à ce genre de facéties pour lui plaire, mais…. Jamais aucune n’eut le crédit qu’elles souhaitaient. Amiral leur portait, attention bien évidement, mais jamais comme elles le souhaitaient, et pou le Prince, il était bien mieux ainsi. Après un moment de silence, Amiral répondit calmement.

Je suis, en effet, le Dominant des Rapides.

Amiral vit sa larme couler sur sa joue blanche. Il se sentit peiné de la mettre dans cet état là, mais peut-être était-ce de mauvais souvenirs ? Qui sait… Nous avons chacun notre fardeau à porter. Le Prince recula de deux pas, afin qu’elle soit presque en face de lui. L’encolure en cygne, il la regarda simplement, dans les yeux. Il sentait ce moment d’hésitation, entre agir naturellement mais se sentir bourde, ou agir en fonction du mâle, mais ne pas se sentir à l’aise.
D’ordinaire, Amiral évitait le contact physique avec ses congénères, mis à par quelques têtes, bien sûr, mais là, il avança doucement vers elle, pour coller sa peau contre celle de la blanche et l’étreindre avec une douceur, et une retenue habituelle du grand frison. La peau de la jument était tiède et douce. Celle du mâle était chaude et sa robe douce également. Mais l’on pouvait sentir cette force volcanique qui bouillonnait en lui constamment.
Leurs crins entremêlés, Amiral respirait lentement, mais il se délectait de son parfum fruité, pointé d’odeur d’épices orientales. L’on aurait dit les senteurs de l’ancienne Perse, du temps où jadis, elle fut à son apogée. Stoïque, toujours aussi neutre de visage, le frison patientait que la jument se calme, s’apaise. Quand enfin sa belle voix masculine résonna de nouveau, au creux de son oreille.

Oui, vous me le devez, certes, mais outre cela, agir naturellement est la meilleure des choses. Ne vous cachez pas derrière des faux semblants, des actes qui vous seront contraires. Là n’est pas votre vraie nature. Nous sommes chacun de caractères différents. Le monde serait bien monotone, si nous nous accordions sur un caractère commun. Le plaisir n’est-il pas dans la découverte de l’autre ? Laissez vous vivre, laissez vous ressentir, laissez vous apprécier…

Beaucoup croyait, au visu que dégageait le dominant, que cet étalon noir n’était rien d’autre qu’un sadique, sans peurs et sans reproches, ne vivant que pour le mal qui le hante. Mais comme dit le dicton, l’habit ne fait pas le moine. Le grand Prince Noir l’écoutait, sans jamais l’interrompre d’une quelque manière que ce soit. Elle se livra à cœur ouvert, déblatérai ses hésitations, ses doutes, ses craintes, mais aussi ses amoureuses attentes, ses espoirs, son futur, qui comme tous, lui était inconnu, incertain.
Follya avait une vision du monde bien à elle, mais pourtant si véridique et si vrai des attentes du futur. Elle était jeune, pourtant sa réflexion était mûre et perspicace.
Amiral la laissa faire lorsqu’elle rompit le contact, se bornant à rester silencieux, à la regarder faire, debout au milieu de cette clairière cotonneuse. Il est vrai, que Follya était gracieuse, élégante, exquise. Mais là n’est que l’attrait physique. Amiral la regardait aussi, il la voyait. Il voyait son âme véritable, son cœur pur et ses attentes si légitimes. Seul le vent d’Ouest agitait les longs crins, les longs fanons noir de l’entier, son regard fixe, ne la quittait pas du regard.
Après quelques minutes de suspension, de silence, mais non pas d’hésitation, le Prince se redressa, noble et fière. L’encolure en cygne et la tête haute, il se mit en marche vers elle, son corps musclé ondulant au rythme de ses pas, si francs soient-ils, mais à la fois si silencieux. Tout en marchant vers elle, sa voix résonna dans cette clairière, où tous les animaux, même si petits soient-ils se faisaient silencieux, laissant la voix du mâle guider les espérances de la blanche.

On dit que certaines vies sont liées à travers le temps, unies par un ancien appel, qui résonne à travers les siècles. Le Destin, appelleraient les plus grands guérisseurs, ou les plus grands devins.
Toutefois, chacun en est maître. Il suffit d’y croire, de croire en soi, de croire en ses choix, même difficiles soient-ils.
Notre Destin dépend de nous, Princesse.
Il est vrai que nous ne nous connaissons guère, mais malgré cela, des certitudes se dessinent, comme les arabesques de glaces des plus grands Pôles…
La vie est simple, mais ce sont les âmes qui y vivent qui compliquent les choses par leurs attentes nouées, leurs attentes irréfléchies. C’est pour cela que la vie est faite de choix. Et ces choix peuvent être erronés si nous nous voilons la face. C’est pour cela qu’il faut rester soit même, faire fi des malheurs, en apprendre les leçons et continuer à vivre. La vie est simple, mais vivre n’est pas facile…

Arrivé près d’elle, l’étalon la regarda quelques instants, sans changer de posture. Enfin, il descendit sa lourde tête frisée, pour que se naseaux frôlent sa peau de neige, des oreilles, à la croupe, glissant lentement, mais doucement sur cette peau délicate, vivante, frissonnante. Puis il revint vers sa tête, plongeant son regard dans le sien, de ses naseaux, il frôla les siens, la faisant se relever doucement.

Faire un choix, n’est pas chose aisée, mais il ne faut jamais regretter.

Amiral se recula doucement, la laissant face à ses choix. Lui faire confiance, ou non. Prendre le risque, ou non. Avancer, ou non. L’entier, debout au milieu de la clairière, regardait l’astre Soleil laisser place à la douce lune, dans un tango fiévreux. La nuit prenait place, et de ses doux rayons lunaires, dessinait sur chaque rondeur, sur chaque angle de la vie sur cette basse terre, un délicat trait laiteux, brumeux. La nuit, la robe de l’étalon s’alliait avec volupté avec cette Dame si lointaine, lui donnant des reflets bleus. Il attendait, patiemment que la demoiselle prenne son choix.

Le plus bel amour ne va pas loin si on le regarde courir. Mais il faut plutôt le porter à bras comme un enfant chéri. Les gens qui aiment ne doutent de rien, ou doutent de tout. Il est du véritable amour comme de l'apparition des esprits dont tout le monde parle, mais peu de gens en ont vu. Aimer, ce n'est pas se regarder l'un l'autre, c'est regarder ensemble dans la même direction. Et ce que firent les deux équidés, collés l’un à l’autre, leur crinière s’entremêlant avec volupté, délicatesse.
Amiral avait perçut ce moment d’hésitation, il avait perçut son doute du futur, mais le grand mâle, lui ne doutait plus. Il avait vécu une longue et intrépide vie, remplie de joie, de pleurs, d’amour, de tristesse. L’on pourrait dire qu’il avait tout connu. Tout sauf… cet élan de fluidité, cet élan de naturel qui émanait de leur relation, que l’on aurait pu qualifiée de normale, si l’on omettait qu’il ne se connaissait guère plus que leurs prénoms. Il est comme une évidence parfois. Les choses d’ordinaire si compliquée, peuvent être si simple… Comme quoi le Prince n’avait pas tord, les choses peuvent être simple, la vie est simple… Tout deux étaient silencieux.
Le regard levé vers les étoiles, le grand frisé songeait. Tout comme sa perdue, Zefrenya, Follya comprendrait-elle le Prince ? Dans tout son entier, dans toute sa complexité ? Car il n’était d’âme plus complexe et en même temps si simple que celle du diamant. Mais comme tout à chacun, il faut prendre le temps de se connaitre, de se découvrir…
Amiral resta silencieux quant aux paroles de la blanche, répondre ne servirait à rien. Il se contenta de la serrer contre lui, contre sa robe de nuit, de velours, chaude comme un soleil et bouillonnante comme un volcan.
Ce temps, l’on aurait dit une pause dans le temps, dans leur vie GSienne, comme une parenthèse, un repos dans cette tension qu’amenait la guerre. Car oui, guerre il y a. Et cela, le frison ne l’oubliait jamais. Qu’adviendrait-il, s’il perdait la vie au combat, sur le champ de bataille ? L’on le disait infaillible, mais il n’est fait que chair et sang. Et si leur chair s’accordaient, dans ce calme si romantique, Amiral ne se pardonnerait pas de les laisser seuls, elle et le futur à naitre. Le Prince soupira doucement, son parfum fruité et hormonal chassant, pour quelques instants ses pensées malsaines, il se contentait de profiter de sa belle, de sa Princesse.
Le Prince noir ronfla des naseaux doucement, avant de souffler avec délicatesse sur ses naseaux, de son air chaud. L’entier n’était jamais très démonstratif dans ses gestes ou ses paroles, mais lorsque l’on a la confiance du dominant, la confiance en lui, il n’était plus permis de douter. Amiral n’était pas du genre à laisser tomber autrui, il la soutiendrait, quoi qu’il advienne.

Une certitude… répéta-t-il.
Le cœur restera à jamais une entité indéfinissable et incompréhensible…

Mr Amiral se voulait doux et attentionné envers sa Princesse. ainsi l'avait-il surnommé.

Amiral regardait le ciel, ne détachant pas son regard des milles et un diamant brillant dans le ciel. Qu'y cherchait-il ? Peut être une forme de rédemption... Zefrenya Ô sa douce Zefrenya. D'un amour inéluctable et éternel berçait sa jument, maintenant bien loin de lui. Souvent, le noir cherchait dans le ciel silencieux de nombreuses réponses à ses réflexions philosophiques du soir, lorsqu'il est seul, en haut de ses Chutes. Mais là, nulle réflexions philosophiques. Amiral y cherchait du soutien, parmi les grands monarques du passé qui veillaient sur lui depuis de nombreuses années.
Mais aujourd'hui, il était là, sur Galop Sauvage, à la tête d'un troupeau, les Rapides, et ce, depuis de nombreuses années déjà.
La voix cristalline de Follya vint le tirer de sa rêverie. Et ce qu'elle lui dit le fit sourire. Un fin sourire habituel, en coin timide et si raffiné à la fois. Le Prince la regarda partir, en silence, comme d'ordinaire... Il regarda de nouveau les étoiles... Un nouveau livre était entrain d'offrir ses pages aux deux tourteaux, l'ancien était prêt à se refermer. Amiral ne voulait pas le refermer, mais il le fallait. Il faut, un jour ou l'autre, passer à autre chose. Et Follya était ce renouveau.
Droit et noble, il se tourna vers la blanche pour déclarer de son éternelle voix de ténor, masculine

Il n'y a Choix, que lorsqu'il y a Hésitation.

Et c'est ainsi que notre Prince, éternel dévoué à sa Perdue, se mit à se mouvoir en direction de la blanche, de Follya. L'encolure haute, les crins voletant doucement, il avançait royal et distingué vers sa Princesse, telle qu'il l'appelait. Il passa ses naseaux sur sa croupe, afin de ne pas la surprendre, lui le si silencieux frison. Il se mit à ses côtés, simplement, comme une évidence.