Natural blues

Natural blues
aislinn

Solitude : douce absence de regards.
Une ombre se dessine. Svelte, frivole, contre le ciel crépusculaire d'un bleu grisaille. Cette longue nuit d'insomnie se termine ici pour la petite; après de longues heures de marche à traîner ses vieilles casseroles, elle se retrouve sur le haut du promontoir rocheux. Son regard charbonneux suit l'horizon brouillé, tandis qu'au loin, un soleil paresseux émerge des limbes. Un moment tranquille pour l'éternelle somnambule.

Son regard sillonne la vallée gsienne. Il ne partage rien d'extraordinaire avec l'esprit du noiraude, mais il lui permet de passer le temps. Doucement, une vague de vent lui apporte une nouvelle odeur, il se met à la traquer. Se dirigeant vers cette source, il tombe nez à nez avec une jument à la robe ébène. Le mâle solitaire s'immobilise et son yeux se perdent sur ses formes, découvrant ses cicatrices. Il connaît cette silhouette. Son cerveau s'anime et sa mémoire sélective fait le tri. Il sait d'où provient cette information. Il se maintient dans son mutisme tout en effectuant un mouvement en avant.

Depuis les hauteurs, son regard balaie la mer et le ciel; absorbée dans ses profondes pensées, elle est aveugle, sourde, muette au monde qui lui est proche. Elle prend soudainement conscience de l'ombre noire qui la traque. Et soudain tout va mal. Arrachée à ses rêveries, Aislinn se sent emmurée entre la mer furieuse et ce nouveau prédateur; un homme qui, d'ailleurs, lui est familier, puisqu'elle reconnaît son odeur de suie. Elle ne parle pas; l'autre s'avance. Elle laisse faire, mais son corps entier se tend. Des graviers s'effritent sous ses sabots de nâcre; derrière elle, la mer, béate, semble lui tendre les bras.

Sa carcasse noire se mouve à travers les pentes étroites de la falaise. Le solitaire arrive sur un plateau et aperçoit une ombre noire comme est la sienne. Elle appartient à une silhouette ébène. Il s'arrête et l'observe à distance pour la comprendre.

La noireaude détourne ses prunelles des horizons et retrouve le sombre regard de l'inconnu. Les deux êtres en miroir se fixent. L'un espionne l'autre, ou serait-ce l'inverse ? Elle souffle et une vapeur légère entoure ses naseaux. Mais elle ne vit pas pour les autres. Rapidement, elle se désintéresse de l'ombre solitaire.

Une cicatrice attire son attention et l'aimante jusqu'à la noiraude. La distance se termine, quelques centimètres les séparent. « une guerrière ? » Une question qui peut être insignifiante avec un sens symbolique pour l'étalon à ne pas manquer.

Aujourd'hui, la jument est distante. Voit-elle réellement l'être noir se traîner jusqu'à elle ? Elle tourne le regard, et le voilà qui découvre le mâle se tenant si près, mais en même temps si loin, de son visage assombri. Il dévisage son épaule béante. Il articule quelques mots. Guerrière? La noire considère un instant ce statut. Oui, sûrement, la petite Aislinn se plaît à se considérer une âme forte et indépendante; alors, pourquoi pas une amazone ? À l'intérieur d'elle même, elle sourit imperceptiblement, presque flattée. Son extérieur est stoïque. "Ou une victime ?" questionna-t-elle. Elle ne dévoilerait pas tout.

« à toi de voir dans quel rôle tu veux jouer. », répond-il, impassible. Son regard se lit à celui de la noiraude et les deux chevaux se mesurent.

"Et toi, tu est quoi ?" Sa voix est dure; la jument ne pardonne pas. Elle se faisait une idée de cette ombre qu'elle voyait passer de temps à autre; mais pourquoi pas jouer à ce jeu.

« rien. », répond-il subitement. « je peux être les deux... » Il renchérit ceci.

Elle pose son regard sur le mâle; c'était une petite carrure, mais sûrement dû à son jeune âge. Il lui était si familier. "Tu est un vagabond ?" souffle-t-elle finalement, l'œil complice.

« Oui. » Il la scrute discrètement. Son regard fait le tour de ses formes. « Ça se lit sur moi. »

"Comme dans un livre ouvert," répond Aislinn, un sourire narquois et connaisseur étirant ses lèvres de velours. Elle est défiante.