Natural

Je m'approche lentement d'un bloc de pierre et hume l'air. Je ne sais pas pourquoi mon inconscient m'a emmenée jusqu'ici. Les ruines n'ont rien d'intéressant et je les trouve même plutôt lugubres. Le genre d'endroit à éviter, en somme. De plus, le ciel couvert ne m'engage pas à me montrer plus sereine ; je vais finir par me prendre un déluge sur le coin du nez si je reste ici.

Je m'arrête brusquement en encrant mes quatre sabots dans le sol poussiéreux lorsqu'une jument brune aux crins clairs surgit devant moi. Je me redresse rapidement et fait un pas en arrière histoire de remettre une distance convenable entre nous.
- Ce n'est pas grave, je réplique sur un ton doux et calme.

Ahhh, mes pommelures. Seul et unique héritage de mon père. Si toutefois il l'était bien, allez savoir. Je secoue légèrement mon encolure, de manière à replacer correctement mes crins blonds.
- Absinthe. Enchantée. Un sourire étire mes lèvres. Tu es nouvelle ?

- J'ai grandis ici, je répond simplement.
J'accepte poliment l'invitation de la jument et me met à marcher. J'observe les environs. Lorsque le vent s'élève, il forme de petits tourbillons de poussière. Je me demande comment était le territoire, avant que les bâtiments ne se transforment en ruines.

Je la sens, cette infime once de colère, qui remonte dans ma gorge comme la lave remonte dans la cheminée du volcan. Elle s'installe de plus en plus confortablement et prend de la place.
- Je suis chez les Wiha. Et je n'ai pas de famille, je réplique le plus calmement possible.
Je n'aime plus parler de moi. Je n'aime plus la société, la famille et tout ce qui s'y rapporte. Je commence à comprendre pourquoi les grands félins vivent seuls.
- Et toi ? Je demande finalement, plus par politesse que par réelle curiosité.

- Ce n'est rien. On ne choisit pas sa famille après tout, je réponds simplement.
Et bon sang, qu'est-ce que les parents pouvaient être cons, quelques fois.
- Tu t'es enfuie ? Je demande, réellement curieuse cette fois ci, pour le coup.

- Pourquoi tu t'es enfuie ? Je demande, curieuse.
Qu'est ce qui poussait quelqu'un à fuir ? En tous cas, elle n'a pas l'air super sereine et je trouve ça presque suspect.

Je reste un peu sur le cul face à ses aveux.
- Quel gros con ! Je m'exclame finalement, presque machinalement.
C'est sorti tout seul mais je ne le regrette pas une seule seconde puisque c'est le fond de ma pensée. Quel père forcerait sa fille à quoique ce soit ? Et la condamnerait à l'exil, sous peine d'être une traîtresse aux yeux de tous.