When the lights fade out

Le jour déclinait, alors que le ciel s'était chargé de couleurs vives et chaudes, qui s'entrelaçaient, se jouant des nuages et de leur légèreté. Et solitaire, l'étalon à la robe d'argent marchait, alors que sa robe n'était plus que le reflet vivant de ce crépuscule de printemps. Ses sabots d'ocre soulevaient à chaque pas un nuage de poussière dorée, et se posait avec assurance sur le sol dur, alors que par instant, ses muscles tressaillaient. Maëlstrom allait, sans but précis, avec ce soir cette envie, cette urgence de vivre. Il voulait que les battements de son coeur accélèrent, que ses naseaux captent mille odeurs, et que son esprit se tende vers une autre âme qui saurait lui montrer qu'il avait tort, que la vie valait encore la peine d'être vécue. Sur son visage, un large sourire s'était installé, comme si heureux il était. Heureux ? Il ne savait pas. Mais ce sentiment de chaleur, de certitude et de douceur, il le pensait bonheur.

Ses grands yeux noirs fixaient le ciel, comme si cette immensité pouvait lui apporter une quelconque réponse. Mais déjà, tous ses sens se focalisaient sur un tout autre objet : l'on venait. L'étalon s'était donc remis en marche quand, sortie de nulle part, une pouliche apparue devant lui, scandant un ordre d'arrêt. L'étalon eut un sourire amusé, alors qu'il obéissait, s'arrêtant au carré.

- Soit demoiselle. Et pourriez-vous me dire à qui ai-je l'honneur ?

Sa voix était suave et chaude, avec de profonds accents rauques et mâles.

Elle semblait si jeune encore, si fragile et vulnérable. Inévitablement, cela lui rappelait que bientôt, il serait ' père ', d'un enfant qui n'était pas de lui certes, mais d'un enfant qu'il devrait élever et aimer comme s'il avait été de lui. Ce qui, sans autre forme de procès, le ramenait à ' avant '. Avant qui était le temps passé et révolu, avant qui avait été, jusqu'à récemment, une partie oubliée de l'histoire. Son coeur s'était serré dans sa poitrine, alors qu'il s'empressait de répondre, comme s'il voulait cacher ce trouble qui te tenait maintenant d'une poigne de fer.

- Si seulement les belles voix faisaient les belles personnes ... mais merci.

L'étalon d'argent lui adressa un sourire, alors que Miu, puisque c'était son nom, se présentait comme étant reine des lieux. Il feinta un visage soudain grave et sérieux, alors qu'il saluait avec cérémonie, ployant un membre pour se baisser jusqu'au sol, avant de se redresser et de poursuivre.

- Enchanté de vous rencontrer, Reine Miu. Je ne suis pour ma part qu'un vagabond solitaire, que l'on a nommé un jour Maëlstrom.

La jeune pouliche semblait étonnée de la réaction de l'étalon, ce qui lui arracha un rire certes grave, mais sincère avant tout. Miu avait toute cette énergie qu'ont les jeunes êtres : elle voulait explorer le monde, et c'était d'ailleurs ce qu'elle faisait. Comme lui l'avait un jour fait, rêvait-elle parfois d'un autre monde, modelé sur ses envies les plus secrètes ? Pensait-elle qu'à l'autre bout du globe, il y avait d'autres choses, extraordinaires, que personne encore n'avait découvert ?

- Une reine aussi, c'est classe ! J'ai en effet beaucoup voyagé tout au long de ma vie. Oh, mais dans mon cas, le monde est une maison ! Une reine pirate ? Dis-moi, c'est vraiment une chance de te croiser alors ! Quelques uns, oui.

Il avait passé sous silence la question des dragons. Non, bien sûr que non : il n'avait jamais rencontré de dragons. Mais fallait-il lui faire croire en ces rêves ? Plus bas, Maëlstrom cette fois murmura :

- Non, je n'ai jamais croisé de dragons. Mais peut-être ne sont-ils plus si loin d'ici ?

Il lui adressa un clin d'oeil complice, alors qu'il avait ployé son épais col pour mettre sa tête à hauteur de celle toute fine et déjà racée de la reine Miu.

Il la regarde, suit des yeux son manège, lui offre un sourire, alors qu'en lui, quelque chose se passe. Il s'ébroue, souhaite oublier, et propose, charmant et sur ce ton de l'aventure et des voyages, de l'envie d'ailleurs, de risques et d'inconnu.

- Une reine guerrière !! Alors, je me sens bientôt mieux : je ne risque rien, puisque tu es là. Dis-moi Miu, que dirais-tu d'explorer la mosquée, histoire de vérifier qu'ici, aucun dragon ne sommeille ?

Il piaffe, plein d'entrain, alors que sous sa peau de velours ses muscles se contractent.

Le sourire et l'impatience de Miu suffisaient à le faire sourire, alors qu'il répondait, derechef.

- En route, alors ! Disons, si tu veux, que tu es le chef de l'exploration, et que moi, je suis ton second. Au fait, tu peux m'appeler Ström hein !

L'étalon, de ses grandes foulées, se place aux côtés de la jeune pouliche, très légèrement en retrait.

- On suit l'Chef !

Si Maëlstrom l'avait laissée rompre le pas, la jeune pouliche allant en avant de lui, il avait ouvert un oeil attentif. Certes, les lieux étaient abandonnée, mais mieux valait être sûr que rien ni personne ne s'y trouve, au cas où ce dernier aurait de mauvaises intentions. Il fit soudain plus frais, et le robe d'argent cousue de cicatrices de l'étalon frissonna. Un instant, il ferma les yeux, ses naseaux de velours se dilatant, aspirant à grands traits les sentences étranges mais désormais connues.

- Tu as tout à fait raison Miu. Mais continuons d'explorer les lieux !

Et, comme s'il était encore poulain, l'étalon trépignait déjà d'impatience.

Les yeux noirs de l'étalon ne cessaient de faire des allé-retours, ils allaient des murs étranges et anciens au corps encore fragile de la pouliche. Il la suivait, sourire aux lèvres, alors qu'il y avait longtemps qu'il ne s'était pas autant amusé.

- Attention où tu mets tes sabots !

Façon de répondre que oui, il était avec elle sur ce coup.