Some memories never fade ▬ N

La nuit a été courte. A chaque fois que Niylah fermait les yeux, des images s'imposaient à elle. Toujours ces satanées images floues. Alors, à contre-cœur, elle s'était levée. C'est ainsi qu'au petit matin, elle découvre une magnifique prairie fleurie puis l'orée d'un bois qu'elle se met en tête de découvrir. Elle avance d'un pas prudent et se fige après quelques pas seulement ; une nouvelle vision vient de défiler. Et cette fois ci, l'image était bien nette ; elle a vu une sorte de cabane en bois, perdue au milieu des bois. Elle reprend rapidement ses esprits et jette un coup d’œil aux alentours. Ses "absences" sont de plus en plus fréquentes et pour le coup, c'est assez gênant. Surtout lorsqu'elle n'est pas seule. Et justement, elle sent une présence, toute proche...

Il est vrai que Niylah se sentait épiée depuis un petit moment. A vrai dire, son impression d'être suivie est née peu de temps après qu'elle soit arrivée dans la clairière d'Iris. Alors lorsque l'inconnu se dévoile à elle, la magicienne n'est pas réellement surprise. Elle est plutôt gênée à l'idée de se dire qu'il a certainement vu ses moments d'absences. Il a pu voir son allure ralentir et son corps se figer, selon l'intensité de la vision qui défilait dans son esprit.
- Bonsoir, souffle-t-elle à son tour.
Elle prend le soin de l'observer attentivement. Elle se demande si, lui aussi, il pourrait déclencher une de ces fameuses visions.
- Ce n'est rien. Faut dire que je n'étais pas très attentive...
Peut-être trop concentrée sur autre chose même...

J'ai vu ça. Ces quelques mots suffisent pour incendier ses joues. Elle se sent terriblement gênée. Il n'a pourtant pas l'air curieux et ne semble pas la juger non plus. Au contraire, il semble plutôt neutre. Peut-être même froid. La chaleur dans ses joues s'efface et elle semble reprendre confiance.
- Niylah. Je m'appelle Niylah, répond-elle en lui offrant un mince sourire, un peu timide.

Une onde électrique parcourt son corps lorsqu'il se présente. Faucon. C'est comme si ce nom ne lui était pas totalement inconnu. Est-ce seulement possible ? Niylah est curieuse. Fait-il partie de cet étrange puzzle qu'elle cherche à assembler depuis plusieurs semaines maintenant ?
- Enchantée, souffle-t-elle à son tour. Je suis nouvelle, en effet. Je suis arrivée il y a quelques jours seulement, l'informe-t-elle ensuite.
Elle n'est même plus surprise d'entendre cette question. Les habitués de ces terres semblent être curieux vis-à-vis des nouveaux venus. Niylah ne peut pas vraiment les blâmer, c'est parfaitement compréhensible.
- J'imagine que pour vous, c'est tout le contraire. Vous devez très certainement connaître ces terres sur le bout des sabots.
Il n'a pas l'air perdu, en tous cas. Elle devine par contre qu'il lui porte un certain intérêt, sans qu'elle sache pourquoi. D'ailleurs son améthyste brille de milles feux. Sans doute grâce au faisceau de lumière qui est orienté vers elle. Ou peut-être bien grâce à autre chose... Cette pierre est particulière Niylah, ne l'oublie jamais.

Niylah ne se doute pas une seule seconde que son interlocuteur la détaille avec autant de minutie. Elle est même très loin de se douter qu'il parvient à remarquer ses réactions les plus infimes.
- Merci, souffle-t-elle, plus par politesse qu'autre chose.
Luanera. Ce nom lui dit quelque chose. A-t-elle entendu ce nom dans l'une de ses nombreuses visions ? Plus elle y réfléchit et plus elle sent la frustration lui piquer la peau. Elle déteste cette sorte d'amnésie qui s'est emparée d'elle. Peut-être même encore plus lorsqu'elle a l'impression de connaître le lieu ou la personne. Sa frustration s'évapore comme par magie lorsqu'elle remarque qu'il observe son améthyste. Connait-il le pouvoir des pierres ? A défaut de connaitre ceux qui les porte ?
- Oui. Un étalon nommé Oroïne et une jument nommée Helkä, répond-elle.
En même temps, elle est arrivée il y a seulement trois ou quatre jours. La plupart du temps, elle était seule. A croire que sa présence ici n'inquiète pas vraiment les habitants de Luanera.
- Oroïne vient d'un clan. Vous aussi ?
Niylah est curieuse. Nilaak, ça lui disait rien. Mais s'il existe un clan, il en existe forcément d'autre. Peut-être que dans le lot, il y en aura un qui lui dira vaguement quelque chose.

Une île ? Niylah n'a rien vu de tel depuis qu'elle est arrivé ici. Tout ce qu'elle a vu, pour le moment, c'est un labyrinthe et des forêts. Beaucoup de forêts. En tout genre d'ailleurs. Verdoyante, morte, fleurie... Assez pour se demander s'il n'y a pas que ça ici. Le regard de la guérisseuse glisse finalement sur son améthyste, qui semble intriguer le mâle.
- Vous savez à quoi servent les améthystes ? Demande-t-elle simplement en plongeant de nouveau son regard dans celui du mâle, un fin sourire ornant ses lèvres.

Une once de satisfaction l'étreint lorsqu'il répond qu'il ne sait pas. Niylah aime partager ses connaissances. Elle aime aussi partager ses croyances. Hélas, c'est compliqué de le faire. Elle n'a pas vraiment envie de passer pour une folle. Et c'est clairement ce qui risque d'arriver si elle explique ce qu'elle est réellement et ce en quoi elle croit.
- C'est une pierre de protection, souffle-t-elle presque sur le même ton que lui.
L'améthyste ne protège pourtant pas de tous les maux. Elle protège principalement des angoisses mais ce n'est pas sa seule vertu. On dit aussi qu'elle apporte la sagesse. En tous cas, Niylah sait que si elle possède cette pierre, c'est pour une raison bien précise. Les esprits n'accordent pas n'importe quelle pierre aux nouveaux baptisés. Et même si Faucon n'appartient pas à son clan, elle ne peut s'empêcher de se demander quelle pierre lui aurait attribué les anciens. Lorsqu'il tend l'encolure pour effleurer la pierre, Niylah en profite pour laisser ses naseaux glisser le long de son encolure. Et s'il pense avoir senti la pierre vibrer à son contact, c'est qu'il n'a pas rêvé. Elle a même gagné quelques degrés mais peut-être ne s'est-il pas rendu compte de son changement de température.
- Cette pierre est particulière. Tu t'en rends compte, n'est-ce pas ? Souffle-t-elle avec un léger sourire, amusée.

A vrai dire, Niylah s'est mise à le tutoyer sans vraiment s'en rendre compte. Peut-être parce qu'en effet ils avaient brisé la glace, d'une manière où d'une autre. Ou peut-être bien que ça lui semblait simplement naturel de le faire. Niylah a toujours été très naturelle, sans prise de tête. Et malgré son côté très organisé elle savait prendre la vie comme elle venait. Et, croyez-le, c'est un bien long apprentissage.
- Il faut être un peu dingue pour y croire mais elle est un peu magique. A sa manière, répond-elle sans le lâcher du regard.
Elle veut voir sa réaction. Il sera peut-être surpris. Ou sceptique. Il ne semble pas être comme les autres, à juger dès la première impression. Alors peut-être qu'il est capable de voir au delà du bout de son nez. Secrètement, Niylah l'espère.