bain de minuit...

Et là, dans sa vision, un tas de petites bulles, et dans ses oreilles le bruit de l'eau qui glissait sur elle. Le froid l'envahit, puis son visage perça la surface de l'eau. Elle avait presque envie de rire, tant tout cela prenait des proportions stupides. Elle peina à se relever, étant mal positionnée pour et l'étalon la gênait. « Pousse-toi. » Maugréa-t-elle avec dureté.

En tout cas moi je ne me gênais pas pour rire. L'eau glacé ne me dérangeait pas. Le froid ne me dérangeait pas. Je préférais l'Hivers à l'Eté, le vent à la chaleur, la pluie au soleil. Je me poussait légèrement pour lui permettre de reprendre pied plus facilement, quoique vu la profondeur peut-être n'y arriverait-elle jamais, j'étais quand même un peu plus grand, perchée sur mes immenses pattes. - On est mouillé princesse ? - Dis-je d'un air moqueur, ou plutôt taquin, non moqueur, Oh puis zut prends le comme tu veux.

La jeune androgyne parvint tout de même à se remettre au moins dans le bon sens, et faire quelques centimètres pour reprendre pied quelque part. Elle lui lança un regard méprisant. Puis, elle sortit de l'eau, s'ébrouant lorsqu'elle fut complètement sortit - et si il pouvait se recevoir de l'eau ce serait encore mieux. Elle se tourna ensuite vers lui, les crins en pagaille et la robe mouillée mais brillante.

J'esquivais d'un petit coup de tête les gouttelettes pour les recevoir sur ma joue et non pas dans les yeux. Puis j'explosai de rire en voyant sa tête. On aurait dit un chimiste venant de sortir de son labo' après une expérience qu'on pourrait qualifier d'explosive. Je finis par sortir à mon tour, plongeant mon regard dans le sien, cherchant à y déchiffrer ces secrets, à cette belle Effronté. Oui, malgré son physique disgracieux dont rien allait ensemble, j'y voyais quand même une part de beauté dans ses allures, cette allure farouche, la rébellion à l'état pur, sans cesse en contradiction avec le monde. En tout cas c'est l'impression qu'elle donnait, qu'elle voulait donner je présume. - Et puis-je savoir ton nom ou c'est réservé au V.I.P. ? -

« Rien que cette fois, ce sera réservé aux VIP. » Fit-elle avec ironie, avec un sourire presque triomphant tant elle appréciait de le contrarier. Ces quelques contacts qu'ils avaient échangés, elle avait osé les apprécier. Les naseaux dilatés, elle l'observait, ses mèches de fins couvrant l'un de ses yeux, cachant l'un de ses yeux azurés. Elle ne savait pas vraiment quoi penser de tout cela, c'était la première fois qu'elle « dansait » avec le sexe opposé, et ses chaleurs n'arrangeaient rien. Cela lui avait presque plût. Cependant, elle mit cela sur le compte de ces dites chaleurs, qui la poussaient à désirer autrui. Et c'était stupide.

Malgré son air revêche j'entraperçu cette petite flamme de plaisir, infime, au fond de ces prunelles d'un bleu électrique. Je ne fis comme si de rien n'était, mes oreilles s'abattirent sur mon crâne, me dressant de tout ma hauteur. - Et puis-je savoir qui sont ses V.I.P. je pourrais peut-être leur soutirer un pass   - Je m'approchai d'elle. L'odeur de ces chaleurs me titilla un instant mais elle n'était pas assez mûr pour me tenter pour l'instant. Peut-être que cela était lié à son physique, pas assez d'Œstrogène pour lui donner l'allure d'une jument, ça a surement déteint sur ses odeurs sucrées et veloutées qu'étaient censés être les chaleurs. Je repensais à Brook', non Brook' était différente, elle avait l'allure d'une jument, elle se déplaçait comme une jument et au fond elle avait les même envie qu'une véritable jument mais si elle ne l'aurait pas avoué même sous la torture. Non cette petite Effronté était différente. Elle n'était pas attirante... enfin pas dans le même sens que toutes les autres. J'en ai croisé et surement plus que j'en m'en souvienne des juments. Grosses, minces, petites, farouches, douces, pleines de candeur, ou dures comme de la pierre, mais elles avaient toutes un point commun, leur façon d'onduler, leur regard sensuel. Une chose me dit que je n'étais pas prêt de voir ce regard là dans les yeux bleus de L'Effronté. Je souris à cette pensée. - T'en a déjà marre ? - Je t'imaginai plus endurant ma Belle...

« Dommage pour toi, il n'y en a pas un seul. » Un rire moqueur s'éleva de sa gorge. Elle s'amusait de la situation car elle avait la sensation de tout contrôler jusqu'ici, ce qui parvenait à la satisfaire complètement. Elle inspira et expira profondément, secouant son encolure et son visage, ce qui n'aida pas à remettre de l'ordre dans ses crins épais. Et elle leva les yeux au ciel aux paroles de l'étalon. « Je suis insatiable. » Elle cessa pourtant de rire. Danser, elle aimait ça. Elle aimait cette friction des corps. Elle aimait quand la matière travaillait. Et depuis qu'elle avait goûté au sang, au doux sang de Songe d’Eté, elle était envoûtée par ce fluide. Par cette sensuelle violence que deux corps pouvaient se témoigner. « Et tu préfères rester dans ton bain. Pas de ma faute. » Pendant un court instant, elle avait l'air d'être redevenue l'adolescente qu'il était encore possible de sauver. Pourtant, les choses étaient en réalité bien différentes. Lunaio côtoyait les ombres, désormais.

D'un brusque mouvement de rein j'émerge sur la berge. Bousculant la donzelle de mon corps puissant. Ma robe noir luisait sous la lune, je frémissais d'excitation, tu vas réveiller en moi le démon. Je viens coller mon poitrail contre le sien. Il est plus temps ma Belle, que tu apprennes une autre danse. Celle où subtilité et danger ne font qu'un. Mes naseaux longèrent son corps, soufflant un air chaud et dur sur sa robe d'ébène. Mes dents viennent égratigner la surface de sa peau et sans crier gare je viens y plonger mes dents, douce morsure. Ivresse de la douleur, connais-tu les plaisirs malsains du mot mal ?

La jeune androgyne sentit cette morsure se répercuter dans tout son être et comprit quelque chose d'électrisant : ce mâle semblait d'une nature terriblement séductrice. Et il était très dangereux. Dangereux à un point que la femelle ne soupçonnait pas encore. Elle sentit un coup d'air sortir d'entre ses naseaux, ce qui ressembla plutôt à un petit gémissement qu'autre chose, ou un râle profond. Elle se mordit les lèves, envoyant sa queue valser jusqu'à ce qu'elle fouette les naseaux de l'étalon. Elle gratta nerveusement le sol, cela n'allait pas pour aider ses pulsions naturelles. Elle détestait ça autant qu'elle le trouvait exquis.

J'aurais presque envie de dire qu'elle était à moi. J'aimais ce sentiment. Je voulais tout posséder d'elle, son corps, son cœur, ses rêves. Mais je ne devais pas crier victoire trop vite. Je sentais son souffle, je pouvais presque entendre un soupir. Sa queue me balançait les effluves de ses chaleurs. Cela fit trembler mon être. Oh ma belle Effronté sais-tu à quel point tu fais vibrer mon être. N'était-ce qu'un défi ? De relever l'impossible ? Ou plus que cela. Surement trop tôt pour le dire. Je laissais mes dents parcourir son corps, appréciant la chaleur et la dureté de ces courbes. Elle en était soudainement jolie. Illuminée par les reflets de la lune sur sa robe d'ébène. Tu as plus de charme que tu ne le penses belle inconnue. Mes dents viennent mordre presque dans un baisé son garrot, je m'enivrais de son odeur, ses crins caressant la douceur de mes naseaux. Je plaquais mon poitrail encore plus contre le sien. Voulant la faire mienne, voulant ne faire qu'un. Serais-tu prête à prendre le risque. De te laisser tomber dans le vide? Tu verras ma Douce, la tentation est exquise et la saveur en est indélébile. Indélébile. Une fois goutée on ne peut plus s'en passer...

Chooooookakao  

Elle se sentie alors parcourue, et pourtant elle s'essaya à apprécier d'être conquise quelques instants. Mais cela ne lui plût qu'un instant seulement. Pourtant, dans tous ces soupirs, elle semblait en demander davantage. La flamme de la jeunesse était bien tentatrice, et l'expérience du mâle la laissa un instant choir sur place. Il touchait les endroits les plus sensibles, comme si il testait ses faiblesses. Elle releva soudainement la tête, faisant claquer ses dents tout près des oreilles du noiraud. Deux âmes noires en perdition s'adonnaient à un sensible jeu de séduction.

Il est temps que tu lâches. Elle semblait refouler ses sentiments, ses désirs. Et malgré tout son corps ne pouvait s'empêcher de frémir. Je laissais un instant son garrot pour plonger mon regard dans le sien. Si sombre, si indéchiffrable. Regard en moi la noirceur de mon âme, l'abyme de mes yeux noirs. Puise en ces deux perles ébènes ce qui te rendra plus forte. Lis ce que tu veux y lire. A toi de jouer maintenant. Une lueur de défi se mit à étinceler au fond de mes prunelles de jais. Crois-tu pouvoir me rendre chien comme tien. Désires-tu tout posséder? Homme que femme? Alors apprends à troubler ton adversaire. Apprends à être celle qui seras l'unique. Fait moi rêve, ma belle, je sais que tu en es capable. Tu n'as pas besoin d'ouvrir les cuisses pour cela, crois-moi.

Elle soutint ce regard, demeurant de marbre. Maintenant qu'il ne la touchait plus, elle se sentait plus à même de garder le contrôle. Dès que le contact s'établissait entre eux, la jeune femelle se sentait faiblir, et elle détestait cela. « Tu sais pourquoi tu ne pourras rien me faire ? » Fit-elle avec fermeté, une dureté qui lui appartenait tout particulièrement. Son sang pulsait encore dans ses veines, faisant palpiter une des veines sur son front dégagé de son toupet. « Parce que si tu prends ce que tu veux de moi, ça ne se reproduira plus jamais. » En effet, si l'étalon obtenait ce qu'il voulait d'elle, il n'aura rien d'autre à prendre, et la jument appréciait d'avoir le pouvoir. Elle aimait plus que tout l'idée qu'il soit en quête de ces instants. Qu'il se plie en quatre pour qu'elle lui accorde ses regards. Dans son regard comme dans sa voix, résonnaient une provocation inouïe.

J'eus un instant de perplexité. - que crois-je que je veuilles ? - Demandai-je d'une voix pleine de doute soudainement. Puis je me repris, un sourire fendit mon visage. - J'ai déjà tout ce qui peut me combler. - Je lui ris au nez ouvertement, le regard de nouveau taquin. Mes naseaux frôlèrent les blessures de la belle avec délice. - Crois-tu vraiment que je sois dupe. Tu n'as pas besoin de hurler, juste ce petit frémissement m'indique que tu es tout à moi! - Mes naseaux se rapprochèrent alors de ses oreilles et je viens lui murmurer dans un air doux et chaud : - Et tu le sais, Oh oui tu le sais, que je peux tout avoir de toi.... - Crois-tu vraiment avoir le contrôle, mon Effronté. - L'Effronté... - Fus mon dernier soupir, je me détachais d'elle sans aucun regret. Mise à part peut-être la chaleur de son corps qui me réchauffait.

« Tu veux ce que tout étalon souhaite. Que quelqu'un lui appartienne. Parce que tu es un étalon comme les autres. » Elle accentua les derniers mots, exprès pour le piquer au vif peut-être. Elle s'amusait de sa réplique, son ton était acide, naturellement cynique. Elle l'observait d'un oeil dur. Quel pouvoir pensait-il avoir sur elle ? Lunaio prenait ce qu'elle avait à prendre sur l'instant présent, puis partait sans demander son reste. Elle était ainsi. Libre. Sans horizon. Elle le laissa croire à ses stupidités. Jusqu'au jour où il se rendra compte que ce n'était pas le cas.