just gonna stand there and watch me burn.

Comme si elle était toujours là. Quelque part, à le surveiller. Tapis, comme un prédateur, comme la faucheuse à planer dans son ombre, à se fondre dans sa présence. Elle croise son regard. Elle sait qu'il l'a vue. Pourtant, elle n'ose pas se montrer. Comme s'il allait la chasser. Mais l'envie de le voir, de le toucher, la fait sortir de son manteau d'obscurité. Elle s'avance doucement, toujours aussi gracieuse et pourtant d'une allure presque anarchique. D'autres cicatrices sont venues couvrir les anciennes. Elle ne s'arrêtera jamais. Elle ne murmure aucun salut, s'avance seulement jusqu'à lui en le poignardant d'un regard sombre. Puis, elle dépose ses naseaux sur les siens, chaste, comme si on pouvait les surprendre.

Le comportement de l'étalon la surprend. Elle se tend, et se recule. Son regard, chaud, devient glacial. Des ténèbres de glace noire. « De quoi est-ce que tu parles ? » demande-t-elle un peu froidement, n'imaginant pas de suite comme les rumeurs allaient vite. Comme une conversation avec son dominant pouvait devenir publique, d'un seul coup.

Brooklyn se tend au maximum. Ses traits se durcissent et elle se recule, le dévisageant comme si elle le voyait pour la première fois, comme si c'était un étranger. « Il a deviné. Pour nous. Pour toi. Tu crois que j'avais le choix ? » crache-t-elle avec mépris à son visage, blessée qu'il puisse croire d'elle que tout ça n'est qu'une comédie.

C'est elle qui fait un pas en avant. Mais ça n'a rien d'un appel au contact, plutôt à la menace. Elle le toise durement. « Si tu crois que je jouais avec toi, alors je n'ai plus rien à te dire, Budapest. » Elle sent sa colère retomber aussi vite qu'elle est venue, cédant la place à une tristesse poignante. Trop bonne comédienne. Elle s'est toujours vantée que les autres ne pouvaient, ainsi, pas savoir quand elle jouait et quand elle ne jouait pas. Mais voilà que le piège se refermait sur elle. Elle ferme les yeux, essayant d'évacuer cette sensation d'être coincée. « Qu'as-tu entendu exactement ? » veut-elle savoir, les yeux toujours clos.

Pour le faire tomber ? Qui est allé lui raconter ça ? Elle a dit à Ramsès que c'était pour obtenir des informations, pour le duper, pour avoir directement des indications sur l'Empire. Pas pour le briser. Elle n'est pas assez inventive pour ça. Ou plutôt, oui, mais la comédie de l'amour, elle n'a jamais su jouer. Elle reste de marbre, avant de l'entendre murmurer la dernière phrase. Elle frémit. Ramsès a donc frimé en racontant ça. Ou bien quelqu'un les a vu. Elle fouette l'air de sa queue, détourne le regard. Elle est légèrement gênée. « Je n'avais pas le choix. » murmure-t-elle si bas qu'on doit peiner à l'entendre. Elle se racle la gorge. « Je dois aller au bout du jeu jusqu'au bout. Sinon, il te tuera, et attendra que notre enfant naisse pour le tuer sous mes yeux et m'éliminer ensuite, une fois que j'aurais vu tout ça de force. » Elle a dit « notre » enfant. Elle souffle péniblement. « C'est avec lui que je joue. Pas avec toi. » Mais que vaut sa parole, au fond ? Manipulatrice, calculatrice, mensonge. Piège à double tranchant ; voilà que même lui doute de ses mots.

Tout est contradictoire. Ils s'aiment à contre sens. Mais pour Brooklyn, ça n'a pas vraiment d'importance. De toute façon, elle sait qu'il lui reste peu à vivre. C'est inscrit dans sa tête depuis longtemps déjà. « Je t'aime aussi. » murmure-t-elle en le regardant fixement sans ciller, son corps parcouru de frissons. « Mais il faut que tu saches que je serai sûrement obligée de jouer le jeu longuement. Pour nous garder en vie plus longtemps. » Elle parle d'une voix un peu dure, mais c'est la discussion qui s'y prête. Elle ne peut pas aborder toutes ces complications d'une voix douce. Voix douce qu'elle utilise déjà bien peu d'ailleurs...