► Un nouveau départ..

Elle était loin de se douter qu'il allait croiser sa route. L'alezane brûlée avait traversé plusieurs territoires durant la nuit, incapable de dormir, sans même savoir pourquoi. Ses crins de soie virevoltaient d'un côté et de l'autre de son encolure. Elle était désormais parvenue à la Crête, et elle écoutait le sifflement du vent dans ses oreilles.

Pourtant elle avait bien changé. Lorsqu'elle était enfant, sa robe était d'un alezan beaucoup plus clair. On aurait crû à une petite étincelle de folie douce qui s'était échappé de la mèche d'une bougie. Aujourd'hui, sa robe avait foncé, mais ses crins, eux, étaient devenus bien plus clairs. Contre le vent, elle ne put sentir l'odeur du mâle en retour, et continuait donc sa progression sereinement. Elle s'arrêta aux abords d'un petit cours d'eau, jonché de pierres vêtues de lichen, de petits arbustes ayant élus domicile près de cette source constante de nourriture. Elle s'abreuva durant quelques instants, ceci étant la première pause qu'elle s'accordait depuis la veille.

Les sens affûtés, l'alezane sentit une présence non loin d'elle. Brooklyn lui avait apprit beaucoup de choses, en plus de ce que la nature lui avait enseigné. Elle fit volte-face, plongeant vers d'épaisses fougères. Ainsi, elle se retrouva nez à nez avec un grand étalon noir, aux traits étrangement familiers. « Qui.. » commença-t-elle, mais son trouble fut si grand qu'elle ne finit par sa phrase. Il ressemblait à l'un de ces vieux fantômes du passé.

Les oreilles de la jument se couchèrent soudainement en arrière quand ses iris azurées se plongèrent dans celles du noiraud. Elle recula de quelques pas pour ne pas être trop proche, le haut de son échine se hérissant, faisant doubler de volume les crins derrière ses oreilles. Où étaient-elles, ses résolutions avec la sociabilisation ? Un peu plus loin, parties en balade. Elle attendit qu'il parle, méfiante, farouche.

La jument piétinait, paraissant bien plus légère que le mâle qui avait juste laissé son sabot tomber lourdement sur le sol. Son regard d'un bleu océan parcourait les formes du mal sans gêne. Elle cherchait ce petit quelque chose qui ferait qu'elle retrouverait son identité. Etait-il sujet au même trouble pour garder le silence ? « Ton nom ? »

Son visage se décomposa alors. Elle s'approcha soudainement, humant l'odeur désormais si proche du mâle. Comme si elle cherchait une confirmation. Mais ses sens ne la trompaient pas. Il s'agissait bien de lui. Mais cela faisant combien de temps..? Six ans ? « C'est moi.. Io. Enfin, Lunaio, maintenant. » Parce que à l'époque, elle avait encore son nom de naissance, elle n'avait pas adopté cette autre identité.

« C'est moi. » fit-elle, en trépignant de contentement. Ses oreilles désormais pointées vers l'avant, tout signe d'agressivité avait disparu de son expression. Les souvenirs avaient envahis son esprit. Elle se souvenait de la petite gamine paumée qu'elle était, et comme le troupeau de Fox l'avait recueillie. Peut-être par simple pitié, mais ils lui avaient offert une maison. Qu'elle avait quitté pour chercher désespérément sa mère. Elle ne lui avait même pas dit au revoir. « C'est étrange... »