† nightmare.

Elle t'en demande plus – c'est un message clair. Tes oreilles se couchent en arrière, et tes dents attrapent délicatement la peau de son garrot. Si fine, si facilement brisable – tout comme elle.
Non. Tu l'as endurcie. Tu sais qu'il lui en faudrait beaucoup pour se faire briser. Et pourtant, tu sais que tu es celui qui y arriverais le plus facilement. Car les failles que tu as consolidé, tu gardes en mémoire l'endroit où elles se trouvent. « Chut.. » murmures-tu d'une voix presque éteinte, presque inaudible. Tes lèvres se desserrent, tu colles plus fort ton flanc au sien.
Elle est à toi.
Tout autant que tu es à elle.

Et dès lors, tu oublies, un bref instant, que les tendres mains qui t'étreignent sont munies de jalouses griffes qui s'enfoncent peu à peu dans ta chair noircie. Ces griffes menaçantes, elles te protègent, aussi. Tes pores laissent pénétrer la chaleur infernale de Rhaegar en toi. Elle ne te rassure pas, elle te brûle, te marque. Et pourtant, tu l'aimes. Ces pensées te donnent un million de frissons doux-amers, et, par intinct ou par désir, peut-être, tes hanches menues se décalent, avec timidité, vers lui.

Elle est si fragile que tu pourrais la briser.
Juste comme ça. Par mégarde, par envie, par désir, par mépris. Pour tout et n'importe quoi.
Juste comme ça. Tu pourrais la pleurer, la haïr, la désirer, la maudire. Tu pourrais l'embrasser, aussi, l'emmener danser un soir de pleine lune, quand dansent les ombres du monde.
Juste comme ça. Ses hanches se cognent aux tiennes – tu les sens à peine. Tu tressailles, ta peau est devenue incandescente. Elle brûle. Elle te brûle. Tu brûles.
Juste comme ça. Tes yeux cherchent les siens – ne les trouvent pas – et reviennent à leurs fantômes de ténèbres, à tous ces plans qui ont foiré. Tu devais la détruire, la briser, la faire tienne, mais quelque chose s'est déréglé au passage. Quelque chose que tu ne comprendras jamais. Pourquoi elle ? Et puis comment s'est venu, ce clou qui s'est fiché dans les rails ?
Tu te presses contre elle, tu mords sa peau, c'est tendre et faux. Comment c'est venu, hein, dis-moi ?
C'est venu.
Juste comme ça.

Oui, juste comme ça, il pourrait te briser.
Juste comme ça, il pourrait réduire à néant tout ce qu'il a construit. Juste comme ça, sur une simple envie éphémère.
Cette douce morsure qui te fait tressaillir, une caresse. Tu subis, ou profites, et te glisses contre lui. Qu'il t'haïsse, qu'il te maudisse, ou qu'il t'embrasse, ah, qu'importe, vous demeurerez les mêmes, et ne changerez pas.
« Qui es-tu? »

Sa question éveille en toi une inconnue à l'équation.
Qui es-tu ? Es-tu Baltimore, fier fils de Budapest et d'une meurtrière, d'une traqueuse, d'un monstre, sauvagement assassiné ? Ou es-tu Rhaegar, machine dévastatrice, emprise psychologique, digne descendance d'une mère qui t'a laissé tout son sang et ses avantages ? Tu n'en sais plus rien. Dans tes gestes, dans tes caresses à double tranchant, il y a la douceur de Baltimore et la violence de Rhaegar. Tu es l'un et l'autre en même temps. Mélange dérangeant. Douloureuse alchimie. « Ton pire cauchemar et ton plus beau rêve. » susurres-tu à ses oreilles d'une voix suave et langoureuse, ton corps brûlant au contact du sien.

Son corps incandescent contre le tien, froid. Dénué de tout ça. Tendre statue d'argile. Le son de sa voix est si doux. Presque ... réel. Mais ce n'est qu'une illusion, un rêve; oh, non, un cauchemar. « Je n'aime pas les cauchemars, Rhaegar. » Rhaegar, cauchemar. Quelle dangereuse rime, n'est-ce pas?

Ça doit sûrement rimer, ça doit être beau à entendre, sûrement. Tu te le dis, un instant. Tu aimerais entendre sa voix, la connaître par coeur ; mais elle t'est inconnue, comme celle de tous. Comme tous les sons. Alors tu l'inventes. Tu l'imagines. Douce, fragile, tremblante et forte à la fois. « Mais tu as toujours vécu avec eux. » Et tu vivras toujours avec moi. Ton souffle chaud s'égare sur son encolure.

Un souffle court s'échappe d'entre tes lèvres délicates. Et tu te presses encore contre lui. Profiter de sa chaleur, et oublier. Oublier un instant tout ce qui s'est passé avant. Tes cauchemars font partie de toi. Tout comme lui. Sans Rhaegar, tu n'es plus. « Mais je voudrais que tu sois seulement mon plus beau rêve. Ce serait plus doux, non? »

Plus doux ? Tu la dévisages longuement, tes yeux bleus et perçants s'enfonçant dans les siens au fil des secondes. Tes dents claquent dans le vide. « Mais si c'était seulement doux, ne serait-ce pas lassant, Juno ? »

À peine tu cilles, lorsque les mâchoires du mâle s'entrechoquent, trop obsédée par ses iris férocement limpides. « Tu as raison. Je préfère que les autres souffrent. Que nous les fassions souffrir. » dis-tu, comme si tu récitais un poème. Si doux poème.

Un leçon bien apprise, qu'elle n'oubliera jamais – tu en es certain. Tes lèvres s'étirent, parce que tu es fier de ce que ta progéniture est devenue. De la façon dont tu l'as faite grandir. De la façon dont tu l'as transformée. À jamais.
« Tu as raison, Juno. C'est exactement ce que nous allons faire. »

Ses yeux luisants en proie à un intense plaisir l'observent profondément. Un tout léger sourire étire les lèvres délicates de Jupiter. Sans rien répondre, elle s'éloigne, se hâtant déjà de savourer le regard des âmes brisées.

Alors qu'elle bifurque, tu tends ton encolure vivement, comme un serpent. Tes dents viennent écorcher sa croupe, lui laissant une marque de plus de ta domination. Elle est à toi. Elle est pour toi. Et personne ne te l'arrachera jamais.
Elle est ta plus belle prisonnière.
Ta plus cruelle prison.
Et un jour viendra où tu lui feras un enfant.

Et le sang qui accourt à la surface abîmée de sa peau. Le joli petit monstre qu'elle est oriente ses yeux vers les siens. Un dernier regard, qui en dit long. Je suis à toi. À personne d'autre. Et personne d'autre ne t'appartient comme moi je t'appartiens. C'est comme une sorte de contrat. Ou de lien un peu trop puissant. Finalement, Jupiter s'éloigne au trot, dans les lueurs grises et roses de l'aube.