† nightmare.

Rires. Noir. Sang. Cris. Tes cris. Cris de tes cauchemars qui submergent le silence absolu du cimetière. Tu te réveilles, le souffle fou, les yeux écarquillés. Habitue-toi, ça vient toutes les nuits. Tu te redresses sur tes frêles jambes, et ta robe nacrée se pare d'argent sous la Lune.

RHAEGAR.
La nuit est calme. Muette.
Jusqu'à-ce qu'elle déchire le silence comme on déchire une feuille de papier. Mais tu ne l'entends pas. Tu n'entends rien. Mais l'air a vibré. Tu es sensible à ces vibrations, qui t'indiquent qu'un éclat de voix assez important a fusé dans la clameur inexistante de la nuit. Tes yeux clairs cherchent l'intrus(e). Traqueur, tu te mets alors en chasse, les naseaux rasant le sol, cherchant avec avidité et dextérité celui ou celle qui se promène à cette heure si tardive sans craindre la présence des loups. Un sourire futile traverse ton visage.
L'odeur t'est familière. C'est elle.

Mais toi, tu l'entends. Ses pas feutrés font taire tes cris épouvantés. Tes oreilles, puis ta tête, s'orientent vers le grand fauve bicolore qui vient de trouver ta trace. Ton souffle se bloque un instant, mais tu n'en laisses rien paraître. C'est lui. Tu demeures (un peu trop) figée, attendant simplement qu'il vienne à toi, le regard posé sur la Lune.

Tu la localises enfin. Elle est immobile, comme crispée. Comme si ses sabots étaient englués dans un ciment que tu aurais toi-même versé. Et qu'elle ne pouvait avancer que si tu la poussais un peu. Alors tu t'approches. C'est félin, presque dérisoire si l'on regarde ta morphologie. Peut-être tiens-tu cette dextérité de ta mère. Ou simplement de ton entraînement abusif. Tu te places tout près d'elle, sans la toucher. Tes yeux clairs, dérangeants, fixent son visage qui semble blafard sous la lanterne de la Lune. « Juno. » Une voix que tu sais claire, posée, au ton magistral.

Tes perles d'ébène se posent dans le regard horriblement captivant de Rhaegar. Il se meut souplement vers toi, si près que tu sens son souffle glisser, menaçant, sur ton encolure pâle. Tu demeures immobile, ne tentant rien qui pourrait te nuire. Il te nomme par ton surnom. Ça paraît tellement cruel, vis-à-vis de ce que tu es pour lui. « Tu n'as jamais entendu le son de ma voix. » murmures-tu alors, doucement. Tu changes d'attitude, lorsqu'il est là.

Mais si tu l'appelles par son surnom, c'est justement pour la rabaisser. Pour lui dire qu'elle n'est que Juno pour toi. Un surnom banal, usuel, personne en réalité. Un jouet, une arme.
Et pourtant, elle représente tellement. Tout au fond, là.
Sa remarque t'arrache un sourire à double-tranchant, à la fois charismatique et meurtrier. « Je n'ai pas besoin d'entendre le son de ta voix pour que tu sois à moi. »

Sa remarque vicieuse, et douloureuse, te fait détourner le regard, qui s'emplit d'une lueur un peu rageuse. Plus jeune, tu ne savais pas que le prix à payer pour recevoir sa "protection" et sa compagnie était ça. Lui appartenir.
Un pacte avec le Diable, voilà, c'était ça qu'il t'avait contrainte à faire.
Ta crinière peu fournie se hérisse légèrement, et tu aperçois ce sourire qui te fait tressaillir. « Tu demeures sourd à mes cris. » murmures-tu entre tes dents, afin qu'il ne déchiffre pas tes mots. Même s'il t'avais déjà déchiffrée, toi.

Tu fixes toujours de façon presque dérangeante son visage, ses lèvres. Il faut bien que tu puisses suivre. « Alors crie, si tu le veux. » Tu hausses un sourcil, en te rapprochant d'elle. Tes naseaux soufflent un air un brûlant le long de son encolure. « Qu'as-tu fait aujourd'hui, petite fleur ? » demandes-tu avant de tourner vivement la tête vers son visage, pour suivre à l'avance les mouvements de ses lèvres. Au fond, tu te soucies d'elle, quand même. Un peu.

Tu demeures crispée, attendant que ses naseaux, très doux étrangement, s'écartent de ta peau. « Je me suis amusée. A notre façon. » lui réponds-tu docilement. « Et toi? »

Le plus dangereux des démons est la plus belle des fleurs. Tu souris, imperceptiblement presque. Tu es satisfait de sa réponse. « Je suis fier de toi. Qui étais ton jouet ? » questionnes-tu, craignant malencontreusement un mensonge pour faire bonne figure.
Et ça serait fâcheux. Pour elle.
Tu secoues ta longue crinière bicolore. « Pour l'instant, je fais des repérages. Je fais connaissance. Pour pouvoir garantir une bonne accroche des futurs jouets. »

Une fleur qu'on a teint en noir. Une rose noire, aux pétales si frêles mais aux épines si pointues. Ton regard s'illumine, légèrement. Il est fier de toi. « Almageste et Kentucky. Mais je dois apprendre à mieux les connaître, pour vraiment s'amuser. » réponds-tu de ta si jolie voix, qu'il n'entendra pas. Tu as bien appris. Tes prunelles d'obsidienne parcourent les pierres mornes, avant de revenir sur Rhaegar, avides de vérité. « Je suis ton jouet? »

Le deuxième nom te dit quelque chose. Peut-être avez-vous un jouet en commun. De toute façon, tout ce qui est à elle est à toi également. Simple relation de possession. Puisqu'elle est à toi.
Tu hoches la tête sans autre commentaire. Fier, oui. Et elle a le droit de le savoir. Tu tournes la tête, observe les tombes autour de vous et faillit manquer sa phrase suivante. Mais tu devines le début aisément compte tenu de la fin. « Oui. » réponds-tu d'abord en la fixant. Tu laisses trainer tes naseaux sur son encolure. Puis un coup de dent aussi sec qu'il semble doux vient méprendre sa peau si douce. « Mais tu es le plus beau. Le plus important que j'aie. Je ne te partagerai jamais, Juno. » Tu te battrais pour elle. Oh oui. N'est-ce pas une preuve comme une autre d'attachement, au fond ?

Une lueur absente passe, une seconde, dans son regard. Un jouet. C'est tout ce que tu es, pour lui? Tes oreilles s'abaissent légèrement, lorsque, une fois encore, il vient marquer ta peau de ses dents, comme pour se rassurer que tu es encore à lui. Sans vouloir l'avouer, et pourtant c'est opiniâtrement scellé à ton âme, tu te sens comme dévouée à lui. Tu écoutes ses paroles, un peu rassurée. Et comme il l'a fait, tu t'approches de lui, et mord rapidement son épaule, avant de te glisser derrière lui, et de revenir à son côté, ton regard revenant à la Lune.

Tu ne t'attends pas vraiment à ce qu'elle te rende ton coup de dents. Tes oreilles se couchent de suite, puis se relèvent. Tu secoues la tête, ébouriffant tes crins épais et bicolores. Tu te tais, l'observant du coin de l'oeil, surveillant ses lèvres. Ses lèvres que tu aimes mordre. Que tu aimes taire, aussi. Tu te dis qu'un jour, tu lui ferais bien un enfant. De force, si elle ne veut pas; parce qu'elle ne le voudra pas, naturellement.
Tu souris. « Tu aimes la Lune, n'est-ce pas ? »

Il n'y a qu'avec lui que tu redeviens cette enfant, un peu naïve, un peu mélancolique, que tu étais quand il t'a trouvée. Cette enfant qui ne demande que la vérité, et un semblant d'amour. Tes oreilles se dressent lorsque sa voix, vibrante et électrisante, s'élève à nouveau dans la nuit. Son sourire attire ton regard, qui se détache de la Lune pour venir se plonger dans les azurs de Rhaegar. « Oui. Je me demande ... si elle veille sur nous, ou bien si elle ne fait que nous juger. » murmure-t-elle, soupirant légèrement ensuite.