/ your best-kept secret

Ses jambes dorées plongées dans l'eau glacée, Septenrê avait son regard noir braqué sur les millions de pierres phosphorescentes qui l'entouraient, formant une sublime voûte céleste à six pieds sous terre. Elle demeure immobile, et oublie, oublie, oublie tout ce qu'elle a vécu, juste le temps d'un instant, juste pour alléger ses épaules fatiguées.

Des pas résonnent. Les oreilles de Septenrê, avant même de savoir qui se montre, s'aplatissent contre sa nuque ... et se redressent lorsque son regard se pose sur le nouveau-venu. C'est lui. Elle le sait, ils ressentent la même chose. « Fenrir, c'est bien ça? » dit-elle de sa voix acérée, mais que, juste pour lui, elle tentait d'émousser un peu.

L'andalouse dresse les oreilles d'un geste vif lorsqu'il pose ses yeux noirs sur les siens. Ses grands naseaux pâles se dilatent alors que lui pousse un léger soupir. « Septenrê. Elle ne te l'aurait jamais dit, de toute façon. » dit-elle dans un murmure étouffé, avant de regarder à nouveaux les pierres luisantes incrustées dans le plafond.

Une seconde, elle se fige. Replonger dans les frais souvenirs qu'elle veut oublier ne serait pas bénin. « C'est une longue histoire. » le prévient-elle. Devant ce qu'elle s'apprête à conter, peut-être n'aurait-il pas la patience de tout écouter, ou même le courage, lui qui tient tant à sa sœur. « Ruyn et moi nous sommes rencontrées lorsque nous étions yearlings. Enfin, elle était yearling, et je venais tout juste d'entrer dans l'âge adulte. Le début de notre relation était un simple jeu, que l'on reprenait quand on voulait. Et puis, au fur et à mesure du temps, c'est devenu un peu plus qu'un jeu. Un jour, elle s'est envolée du jour au lendemain, sans prévenir. Nous ne nous aimions pas vraiment, mais j'étais frustrée. Et un jour, sous la coupe des chaleurs, j'ai craqué. Elle a dû te le dire: j'ai couché avec votre père adoptif, Solheim. Je ne me suis pas vraiment rendue compte de mon erreur, mais c'est là qu'ont commencé les problèmes. A son retour, elle était furieuse contre moi, elle se sentait trahie; ce qui était un peu excessif bien sûr, puisque nous n'étions pas en couple. Après avoir appris ça, elle a tenu à garder une distance entre nous, ce qui m'a beaucoup affaiblie et attristée, et s'amusait de moi, se jouait de mon malheur. Cependant, je n'ai jamais regretté, car j'ai eu un merveilleux fils, Oroszlàn. Elle a soi-disant fini par me pardonner. Après ça, nous revivions, mais toujours avec cette infime tension, cette peur que l'autre nous déçoive. Aux chaleurs suivantes, c'était le début de la fin. Il est vrai que je me suis rapprochée d'un mâle, Maddox, mais pas au point de coucher avec lui, comme il a été le dire à Ruyn. J'ignore toujours pourquoi il a fait ça. Enfin bref. Ruyn est venue me trouver; elle a annoncé qu'elle me quittait, m'accusant de l'avoir trompée, alors que, comme tu peux le voir, je n'ai pas eu d'enfant. Elle qui prônait la liberté, elle m'a bien eu. Enfin bref, Ruyn et moi, c'était fini. Réellement. Vint ensuite ce jour, où elle eut un enfant. Et toi-même peut l'affirmer. Elle n'a pas perdu de temps, en tout cas. » Septenrê observe minutieusement le mâle doré, attendant ses réactions.

Elle le regarde s'agiter, et son regard, intense, cherche à comprendre. Elle demeure éloignée de lui, ne cherchant pas à le faire fuir. Il pouvait prendre peur d'elle, ça arrivait tellement souvent. Entendant ses mots, Septenrê serre les mâchoires; elle devait s'avouer qu'elle pensait la même chose de Ruyn. « Tu as réellement besoin d'elle? » Sa voix, quoiqu'un peu curieuse, est chargée de colère. Elle n'avait pas envie qu'il dépende d'Elle.

Non, bien sûr que non. Ils n'auraient plus jamais besoin de Ruyn. Ils ne voulaient plus avoir besoin d'elle. Septenrê dresse ses oreilles vers lui, et soupire. C'était bien douloureux et inutile de se plaindre d'elle. La dorée se déplace de quelques pas pour immerger ses sabots dans l'eau fraîche, puis ses jambes entières. Comme si celle-ci pouvait la nettoyer de l'intérieur et lui faire tout oublier. Elle se prend à observer, au fond du ruisseau, la mousse phosphorescente qui ondule doucement et illumine la source. « A toi de me raconter quelque chose. » dit-elle, étirant ses lèvres pour former un sourire sans vie.