‹ nothing left to say ›

OROSZLÀN.
Il est sur l'avant-dernière marche.
Pourtant, le Lion est immobile, il a stoppé son ascension. Que lui réserve la dernière marche de cet escalier infernal ?

!!!

Alors, le prince doré prend une inspiration, comme si le pas suivant allait révolutionner sa vie, et termine enfin de gravir l'immensité des escaliers. Il inspire l'air à fond, comme s'il était nouveau, ici au sommet, et ses yeux noirs tombent de suite sur celui d'une jolie pie. « Bonjour. » murmure-t-il d'une voix basse pour ne pas trop la surprendre.

Je n'ai pu m'empêcher ! 


Que ce décor est triste. Tout est détruit. La vie n'a plus de raison d'être ici. Et elle est là; à attendre on ne sait trop quoi. Cependant l'arrivée d'un étranger, la sortit de ses rêveries. Ajustant un sourire presque par automatisme, la petite jument le détailla avec insistance. Il ne fallait pas se faire prier lorsque c'était beau. Cette crinière, si épaisse, si fournie ... Oktori eut comme un élan de jalousie à son encontre. Elle, elle n'avait rien ! du moins, presque rien. Une crinière fine, comme beaucoup d'entre eux. Elle fit quelques pas vers le nouvel arrivant, tout en le saluant d'une voix douce. < Bonjour. > Elle laissa les secondes défilées, avant de reprendre. < Qu'est-ce qui amène un si bel étalon dans un endroit si morne ? >

Tu as bien fait

Elle se retourne, et tandis qu'elle se perd dans une description qu'Oroszlàn décide de juger légitime et normale, il fait de même. Il observe les courbes fines de la petite brunette, sa belle-face immaculée, son regard taquin et brillant. Il sourit, un peu inconsciemment.
Le Lion répond à son retour de salut par quelques pas en avant, mettant en route son corps musclé, qui abandonne chaque jour un peu plus les signes de l'adolescence. Ses mots arrachent un sourire amusé à l'étalon doré. « Peut-être la venue d'une si jolie jument. » répond-il sur le même ton, se fondant dans son espièglerie ou sa séduction – il peine encore à faire la différence.
Il n'imagine pas que cette jument qu'il imagine nouvelle a en fait connu son père, un jour. Et que, peut-être, elle aurait pu être sa mère – ou bien celle d'un frère.

Non, cela ne changerait peut-être rien, en fin de compte.
Le doré est encore un enfant dans les affaires de séduction. Bien loin d'être en avance par rapport aux relations et aux amourettes, il ne s'est jamais permis de tomber amoureux, il ignore même carrément ce que c'est. Quant à la séduction, à la provocation... il y va au feeling, en aveugle. Comme la situation s'y prête, pour une fois, il ne se gêne pas de l'observer, de la détailler. Ce qu'il éviterait de faire si royalement en temps normal. « Oroszlàn. » répond-il d'une voix douce et posée. Le Lion. « À qui ai-je à faire ? »

« De même, Oktori. » murmure-t-il en se sommant de retenir son nom quelque part dans sa tête. En se le répétant, il lui semble l'avoir déjà entendu, mais il ne sait pas où ni comment. Les récits de son père commencent à dater, aujourd'hui, et si chaque détails lui apparaissaient pendant sa jeunesse comme faisait partie intégrante de ses propres souvenirs à lui, ils commencent à s'estomper. Pourtant, ils se sont déjà vus.
Une fois, de loin. Pas sûr qu'il l'ait vue, lui. Avec la pluie, avec l'orage, avec le Diable là, qui dansait sur un bateau fantôme sur le point de sombrer. Suite à son invitation muette, il regarde à son tour. Ses yeux, aussi noirs et brillants que ceux de son père, se déposent avec minutie sur les escaliers. « Moi je trouve ça fascinant. Qui a construit ces marches ? » demande-t-il tout haut, sans que l'on sache vraiment à qui il s'adresse.

Elle ne savait pas et ne s'était pas posé la question avant. Elle tenta de mener une longue réflexion, qui lui semblerait logique et vraiment réfléchie. < Les humains, surement. Sinon, le temps ... > elle laissa ses paroles quelques secondes en suspend, avant de continuer. < Le temps fait beaucoup de choses. Il construit beaucoup. > L'alezane laissa rouler son regard sur les escaliers, en piteux état. Où étaient partis ces hommes ? pensa-t-elle. Qu'étaient-ils devenus ? Et pourquoi étaient-ils partis ? Rêveuse et songeuse, elle mit un certain temps à reprendre ses esprits. Adressant un léger sourire au bel étalon, Oktori lui demanda < Vous avez connu les hommes ? > 

Il hoche pensivement la tête à ses paroles réfléchies, trop occupé en réalité à l'observer. Il sourit un peu, sans réelle raison. « Non, jamais. » Ses yeux, d'un noir d'encre, dévisagent simplement la jolie baie. « Vous oui ? »

L'étalon reste stoïque. Il n'a pas, lui, pour habitude de dévisager ainsi les gens, mais il faut croire qu'il a trouvé une partenaire qui se prête à ce qu'il essaie enfin. Ignorant parfaitement son potentiel de séduction, Oroszlàn ne s'est toujours simplement vu que comme l'héritier, le fils bâtard de deux êtres qu'il admire, fruit d'une liaison interdite, poussée par une certaine folie et un vice assuré.
Mais pas comme un géniteur, pas comme un séducteur, pas comme un mâle à proprement parlé. Alors aujourd'hui, il se teste. Elle se rapproche, et le Lion reste parfaitement immobile, sans ciller, son regard toujours rigidement planté dans celui de la baie. Pour la première fois de sa vie également, il sent qu'elle dégage une odeur sucrée, attirante... terriblement tentatrice.

La tension s'installe, confortablement, prenant ses aises entre les deux corps. Le Lion n'a pas encore eu l'occasion de connaître réellement ça.
La séduction. La provocation. La jument qu'il a en face est de taille. Elle est passée maître dans cet art aussi subtile qu'intense. Il tressaille de tout son long. Ses yeux la suivent tandis qu'elle tourne autour de lui, mais il ne bouge pas d'un poil, jusqu'à-ce qu'elle l'interpelle. Il lui est difficile de ne pas carrément lui sauter dessus. Il fait un seul pas vers elle, mais ce seul geste transpire la provocation. « Qu'as-tu d'autre à proposer ? » demande-t-il d'une voix grave, son regard devenant plus sombre, plus dévorant.
Il ignore qu'il joue au même jeu que son père a joué.
Avec elle.