/ everybody wants a taste

Avec cette pluie diluvienne, il m'était difficile de savoir si d'autres congénères étaient dans les parages. Le paysage m'apparaissait gris, à cause de ces milliers de gouttes qui tombaient les unes à la suite des autres. Et puis, pour tout dire, je n'étais pas venu pour accorder de l'importance au décor ; mais plutôt à ma silhouette. Il fallait que je me forge, avant tout. A toute allure, les muscles saillants, je passai devant la cachette de l'étrangère que je ne vis même pas. Je sentis néanmoins quelque chose ; mais trop imperceptible pour prendre la peine de s'arrêter.

Malgré le bruit sourd que provoquait la pluie dans cette forêt, j'entendis une voix. Très légère, presque inaudible. Il y avait bel et bien quelqu'un ici. Je repassai au trot ; un trot rapide et saccadé. Mes naseaux ronflaient de plus en plus fort. Je n'avais pas l'apparence que je méritais. Cela ne coïnciderait bientôt plus ... Je repris mon souffle, progressivement. Et doucement, je pris le pas pour voir ce qui se tramait derrière moi. Qui était-ce à ma suite ?

Une fine voix perça le chant de la pluie diluvienne. Tous les mots me parvinrent aux oreilles et me firent sourire. Je ne fuyais rien, en l'occurrence. Je me tournai lentement pour faire face à l'étrangère. Elle avait de jolies formes et était bien faite ; elle. Mais Dame Nature nous rendait tous égaux sous la pluie : hideux au plus haut point. Dégoulinants de partout, les crins aplatis par le poids de l'eau, le poil luisant et humide. Je me rapprochai d'elle pour pouvoir lui parler sans forcer sur ma voix. < Je m'entrainais. Je courrais, simplement. > avouai-je enfin.

Je souris simplement et lui répondis. < Je ne pense pas qu'il soit question de courage, mais plutôt de grande motivation. J'ai l'envie de changer ... > Je laissai ma phrase en suspend et observai mon maigre poitrail, dépourvu de tout aspect masculin. < ... réellement. > finis-je enfin, en reportant mon regard sur elle. La pluie ne s'arrêtait pas ; toutes les gouttes qui avaient osé s'écrouler sur mon corps finissaient par perler sur les rebords de mon corps. < Qu'est-ce que vous faisiez par ici ? > demandais-je, interrogateur.

Je l'écoutai attentivement et je me demandais si cela valait le coup. Après tout, j'avais été interrompu dans ma course effrénée, je n'avais plus aucune motivation à la reprendre. Alors, autant aller s'abriter et faire la causette à quelqu'un. J'attendrai que la pluie s'apaise pour reprendre l'entraînement. < Je vous suis ! > déclarai-je en prenant le pas, moi aussi.

Je la suis, mais n'arrive pas à percevoir où elle veut m'emmener. Soudain, elle disparaît. Je m'arrête, éberlué. Puis, je reprends le pas pour m'avancer jusqu'à l'entrée. C'est alors que je la découvre dans un petit recoin, à l'abri des torrents de pluie. Je m'y insère moi aussi, mais m'aperçois bien vite que je ne peux pas faire demi-tour pour me mettre dans le même sens qu'elle. < Euh ... J'ai un léger problème. > dis-je à moitié en train de pouffer de rire.