☾ Protect Me

De nombreuses lunes avaient passées depuis sa rencontre avec Le Lion. Lion qui ne l'avait pas laissée insensible. Sa gentillesse, sa force, son caractère avenant et sauvage en même temps, mais aussi sa sensibilité et les démons qu'il s'efforçait de cacher. Tout en lui l'avait touchée. Et pourtant, Elune en avait croisés des chevaux. Mais il était le seul à lui avoir laissé cette impression. Et le seul à occuper ses pensées depuis qu'ils s'étaient quittés, quelques semaines plus tôt. Alors, ce matin, inconsciemment, la jument mouchetée s'était mise en route, pour franchir la frontière qui la séparait du Nord et de son roi. Avançant lentement dans la neige, transie de froid, l'occidentale commençait à se demander ce qu'elle foutait ici, puisque le dunalino restait introuvable. Fouaillant de la queue, Moon s'arrêta quelques instant, pour constater qu'elle venait de tomber face à face avec la Carcasse d'avion. Un frisson parcourut son échine, mais elle décida tout de même de continuer son chemin. Force était de constater que malgré le froid qui y régnait avec impartialité, le Nord était vraiment un endroit magnifique. Dommage qu'elle aie tant de mal à supporter toutes ses températures négatives. Vivement la fin de l'hiver ... Marmonna-t-elle ensuite, tout en reprenant sa route, marchant droit devant elle, sans réel but. Car tout ce qu'Elune voulait, c'était retrouver Oroszlàn. Et c'était uniquement pour cela qu'elle était venue se perdre au Nord, elle qui haïssait le froid.

OROSZLÀN.
Et il n'y a pas meilleur endroit que l'avion déchu pour trouver le Lion. Il a fait de la carcasse son refuge, l'endroit où il vient se reposer, réfléchir aussi. Il y est souvent quand il est introuvable en pleine nature.
Le Nord est un territoire vaste et sauvage, d'une splendeur dangereuse, d'une visage à deux faces : celle silencieuse, belle et majestueuse et celle, tranchante, d'une nature implacable, d'un froid menaçant, de prédateurs redoutables. Il a toujours aimé cette balance équitable.
Lorsqu'il met le nez dans une fenêtre qui n'a plus de vitre, comme toutes celles de l'oiseau de fer, il sent rapidement son odeur. Il esquisse un mouvement de surprise. Que fait-elle ici, elle qui n'aime pas le froid, la neige, l'hiver ?
Il sourit, un peu, malgré-lui – en tout cas, sans s'en rendre réellement compte et traverse le couloir solide de l'appareil endormi qui ne se relèvera plus jamais. Il se dévoile sur le palier de l'avion : une bouche géante, un gouffre créé par la chute sûrement, l'attendant simplement. « Je croyais que tu ne pouvais pas survivre au froid du tout. » s'annonce-t-il, avec un sourire brûlant comparé aux températures glaciales du dehors. Il incline la tête, comme pour lui souhaiter la bienvenue ici. Chez lui. Tu seras le Lion du Nord, Oroszlàn.

Frissonnante, Elune continuait de s'avancer vers l'imposante dépouille. Chacune de ses respiration formait un épais nuage devant ses naseaux et malgré l'effort qu'elle était en train de fournir pour se déplacer dans la neige, la sensation de mourir de froid qu'elle ressentait refusait de la quitter. Seulement si elle était ici, c'était uniquement parce qu'elle n'avait pas réussit à se sortir le dunalino de la tête. Ce n'était pas faut d'essayer. Mais à chaque fois, son image lui revenait, telle une claque en pleine figure. Mais heureusement pour elle, Moon n'eu pas besoin de chercher bien longtemps. La voix tant recherchée s'éleva dans l'atmosphère. Et dans la poitrine de la mouchetée, son cœur rata un battement, avant de bondir pour redoubler de vitesse. Elle l'avait trouvé. Ou plutôt, il l'avait trouvée. Se retournant - parce que oui, elle tournait le dos à l'entrée - Blondie lui offrit un sourire, ne se rendant pas de suite compte qu'elle avait le rouge qui lui montait au joues. Le supporter non, y survivre, oui Rectifia-t-elle, en s'approchant de lui, sans entrer dans son refuge.
Ce n'était pas la première fois qu'Elune venait ici. Mais sa dernière visite au Nord était tellement lointaine que ses souvenir de la Carcasse lui semblaient bien vagues. À vrai dire je ne suis pas vraiment comment je me suis retrouvée ici ... Ce qui n'était pas tout à fait faux ... puisqu'elle s'était laissée guidée par son instinct.

Il l'observe, et la trouve douce et belle, là dans la neige. Un royaume qui serait fait pour elle, si elle y était née. Mais sans doute lui manque-t-il quelques degrés et rayons de soleil chauds pour se faire. Elle ferait pourtant une belle princesse des glaces, songe-t-il et cette remarque le perturbe un peu. « Vraiment ? Je suis déçu, je pensais que tu étais venu pour me voir. » fait-il avec une vanité fausse, qui ne lui appartient pas, pour prendre un ton amusé. En réalité, Oroszlàn n'est qu'un doute avec quatre jambes et un cerveau qui doute tout autant, et bien loin de lui l'idée que quelqu'un puisse braver le froid pour venir le voir, lui. Le bâtard du Nord. « Entre, il fait un peu meilleur à l'intérieur. » Au moins, ils sont protégés du vent, disons, même si Oroszlàn n'a jamais vraiment ressenti le froid. Peut-être est-ce parce que son coeur est de glace.

Un petit rire s'échappa de la gorge d'Elune, qui se sentait de plus en plus étrange. Gênée. Je ne sais pas comment mais je sais pourquoi je suis venue au Nord ... Lui confia-t-elle, le cœur battant. Le sourire d'Oros' semble un peu contrit, mais elle ne relève pas, trop absorbée dans ses questions intérieures. Elle a chaud, puis froid, elle frissonne et ne sait pas ce qui lui arrive. Acceptant avoir joie l'invitation de son ami, Moon s'engouffre dans la Carcasse de fer, regarder autour d'elle. Il y fait meilleur, sans ce vent froid et assassin. Merci ... Souffle-t-elle en réprimant un frisson. Ce n'était pas tant la neige qui la dérangeait au Nord, mais plus ce vent, qui balayait les territoires de froid et de glace ...

Un vent aiguisé, comme une lame de rasoir glaciale, qui vous taillade de parts en parts. Il lui sourit, touché, flatté, il se sent un peu comme un adolescent. Pourquoi est-ce que ça lui fait toujours le même effet, comme si c'était la première fois ? Pourquoi a-t-il l'impression que c'est toujours une première fois ? Peut-être parce que ça va rarement bien loin. Parce qu'au fond, il gâche tout si vite (c'est toujours de sa faute, n'est-ce pas ?) que ça n'a jamais le temps de commencer.
Il ferme les yeux, balaie ses pensées alors qu'elle passe devant lui, lui apportant son parfum enivrant qu'il a mémorisé. Il se retourne, l'observant de dos, la contemplant tranquillement avant de la rejoindre, de lui passer devant pour lui présenter son refuge. « Ce n'est pas du luxe, mais j'aime énormément cet endroit. »

Elle continuait de sourire, comme une adolescente. Une enfant découvrant quelque chose de merveilleux pour la première fois. L'important n'est pas l'endroit, mais la personne avec laquelle on y est ... Fit-elle en se retournant, juste avant de rougir comme une tomate, soudainement consciente de ce qu'elle venait de dire. Se mordant alors l'intérieur de la joue, Moon ne se rendit pas de suite compte que le sang avait envahie sa langue.

Curieusement, l'étalon d'or rougit à son tour, baissant les yeux, gêné et flatté à la fois. Il se mordille la lèvre inférieure. Ils ressemblent à deux enfants et brièvement, il pense à Aslaug. Son coeur se serre, très fort, et il la chasse de ses pensées. C'est fini, de toute façon.
Il s'avance légèrement vers elle. « Alors le froid est supportable lorsque tu es avec moi ? » cherche-t-il avec un sourire amusé.

À son tour, Elune baissa la tête, ne sachant pas vraiment comment réagir. D'eux deux, elle devait certainement être la moins expérimentée en sentiments. Être mère était quelque chose qu'elle avait dans le sang et qu'elle connaissait. Mais son fils unique ayant été conçu dans la violence et la douleur, il était difficile pour elle de comprendre la nature de ce qu'elle ressentait en présence de 'Zlàn. C'est ça ... Répondit-elle, d'une toute petite voix, n'osant pas vraiment le regarder. Il semblait tellement ... inaccessible et attirant dans son univers ... Beaucoup plus qu'ailleurs. Le Nord te va vraiment bien ... Osa-t-elle dire, incapable de mentir ou de cacher quoi que ce soit. Une façon détournée de lui faire comprendre qu'à cet instant, elle le trouvait éclatant. Éclatant, mais si loin ... Il était le Roi du Nord, elle n'était qu'une simple Occidentale allergique froid ...

Sa réponse le touche, et il efface un sourire flatté derrière ses crins d'argent. Il essaie de concentrer son esprit sur la carcasse d'avion autour d'eux pour ne pas montrer son trouble. Il ne comprend même pas pourquoi est-ce qu'il est troublé. Peut-être parce que ça l'étonne et le touche qu'elle soit venue jusqu'ici dans l'espoir de le voir ?
Il dévoile de nouveau son visage au bout de quelques secondes, arborant une expression contrôlée, calme et posée, comme souvent. Il sourit, la détaillant de la tête aux pieds de ses yeux noirs. « Il ne te va pas si mal que ça non plus, tu sais. » Il lui fait un clin d'oeil, camouflant le compliment à son tour dans sa formulation. « Peut-être reviendras-tu plus souvent, si tu te rends compte qu'en fait, c'est pas si mal que ça. » Il regarde au travers d'une fenêtre sans vitre, admirant les étendues vierges et livrées au froid.

Elle a envie de sourire, sans plus s'arrêter. Ainsi donc, pour lui, le Nord lui va bien au teint. Jamais elle ne se serait douté que ce serait le cas. Frissonnante, Moon s'ébroua, pour tenter de se réchauffer. Le seul truc qui me rebute, c'est ce vent glacial ... Fit-elle avec un petit sourire, gênée. Puis, osant enfin lever les yeux sur lui, sans pouvoir contrôler la rougeur qui lui montait aux jours, la mouchetée se rapprocha d'un pas, tandis qu'un brève bourrasque s'engouffrait par les hublots. Le vent lui apporta l'odeur du doré, la faisant à nouveau frissonner. Mais je pense avoir une bonne raison de revenir, encore et encore ... Commença-t-elle, mais sa voix trembla. Pourquoi était-elle incapable de mentir ? ... même si je n'arrive pas à comprendre ce qu'il se passe ... Elle devait parler. Pas à n'importe qui, pas n'importe comment. Elle voulait comprendre. Savoir. Mettre des mots sur ce qu'elle ressentait.

« Le vent est terrible en plaine, mais si tu te mets à l'abri, dans les forêts ou dans le creux d'un vallon, tu ne le sentiras plus. » fait-il remarquer avec un clin d'oeil. Est-il en train de l'inciter à revenir ? On dirait bien, à lui fournir des excuses et des explications qui pourraient la pousser à ne pas trouver le Nord juste hostile et froid.
Il baisse les yeux à ses paroles suivantes. Mettre des mots sur les choses qui l'entourent, Oroszlàn en a toujours été incapable. En tout cas, à chaque fois qu'on le pousse à essayer, il entraîne toute la situation dans un ravin sans fond. Il se mordille la lèvre. « Je.. n'arrive pas à comprendre non plus. » Il remarque sa rougeur, et une douce chaleur l'envahit. L'image d'Aslaug le hante, il a l'impression de trahir la partie de lui qui l'aime encore. « Mais quelle importance, si nous n'y comprenons rien ? » Il essaie de positiver, il sait que sinon, il choisira la fuite. Il relève ses yeux ténébreux sur elle, son toupet d'argent brûlé cachant un instant ses iris.

Elle le regarde, sans trop savoir ce qu'elle peux lui repondre. Sentir son cœur tambouriner ainsi dans sa poitrine la perturbe. Pourquoi ? Comment ? Qu'elle pouvait bien être la raison de sa gêne, de ce sentiment étrange qu'elle ressentait a cet instant ? Le froid n'est rien en comparaison à tout ce que j'ai ressenti avant d'arriver au Nord ... Confia-t-elle, d'une voix douce, mais peu assurée. Moon était incapable de mettre des mots sur ce qu'il se passait. Personne ne lui avait appris, personne n'avait pris le temps de lui expliquer ce genre de choses. J'ai chaud, j'ai froid ... Il y a aussi les papillons ... J'ai peur aussi mais je ne sais pas de quoi ... La mouchetée lui balançait tout ca sans savoir s'il y avait une réponse. Sans comprendre qu'elle était littéralement en train de lui avouer qu'elle en pinçait pour lui ... C'est la première fois que ca m'arrive ... En clair, Elune était paumée ... et elle se sentait tellement ridicule ! Ce n'est pas tant de comprendre ... je voudrais juste savoir ce qu'il m'arrive ...

Loin de lui l'idée de la trouver ridicule ! Lui qui patauge tellement avec tout ça. Ses pensées sont rivées à Aslaug, mais son corps et son intérieur réagissent bien trop à Elune pour qu'il puisse prétendre l'indifférence. Il tressaille, comme si elle venait de le toucher, alors que seuls ses mots l'effleurent. Elle lui avoue tout, avec fébrilité, mais avec aisance pourtant, trouve-t-il. Lui ne peut pas faire ça, il n'y parvient pas. Il cligne des yeux, se mord la lèvre plus fort encore. « Je n'appellerai pas ça des papillons.. plutôt des étincelles qui éclatent et qui piquent. » fait-il avec un léger rire, un peu gêné.
Il s'avance un peu plus, et leurs poitrails se touchent presque mais il ne les laisse même pas se frôler. Il sait qu'il en serait bien trop réceptif. « Es-tu déjà tombée amoureuse, Elune ? » demande-t-il de sa voix grave, chaude et sérieuse, portant un regard presque carnivore sur elle, se sentant déjà partir, s'abandonner à la douce chaleur qui l'envahit.

Bon dieu

Elune frissonne, sans arriver à s'arrêter. Mais cette fois, ce n'est pas de froid. Non, c'est autre chose, de mille fois plus intense. Quelque chose qu'elle n'arrive pas à saisir. Et lorsqu'elle pense avoir la réponse, elle s'échappe, lui passant entre les sabots comme une anguille éviterais un filet à poissons. Le doré, lui, semble savoir. Lui aussi à l'air étrange. Et lorsqu'il commence à briser les quelques mètres qui les séparent, le cœur de la mouchetée accélère. Ses battements redoublent de vitesse de d'intensité, elle à l'impression d'étouffer. Mais elle ne bouge pas. Pourquoi reculerait-elle ? Et enfin, vient la question. Si elle était déjà tombée amoureuse ? D'ailleurs, qu'est ce que l'amour ? Moon n'en savait rien. Non ... Souffle-t-elle et à nouveau sa voix tremble. Et lorsque leurs regard s'accrochent à nouveau, elle se sent prête à défaillir. J'ai le cœur au bord des lèvres ... Murmure-t-elle, toujours sans comprendre, bien que la question d'Oros' l'aie déjà mise sur la voie de la bonne réponse. Serait-elle si attirée par le dunalino que son cœur aurait craqué ? Elune plonge son regard dans les iris sombres de son ami, prête à s'y abandonner. À y sombrer. Elle le regarde, de ses grands yeux clairs, avec une douceur infinie ... mêlée à une étrange lueur, que jamais personne n'avait eu l'occasion de voir chez elle.