without you

Petit à petit, les terres de GS se retrouvaient couvertes de choses étranges qui empêchaient les chevaux de passer, et Luce ne comprenait pas pourquoi ils n'avaient plus le droit d'y aller. Elle avait voulu en sauter une, mais une précédente mauvaise expérience avec des barbelés l'en avait finalement dissuadée.

Aslaug n'ose pas poser un sabot sur la limite entre Galop Sauvage et le reste du monde. Elle n'ose pas avancer à nouveau sur son passé. Elle qui vivait à la frontière même de ces terres, elle qui restait exilée à soigner ses plaies pour revenir plus forte. Elle inspire un grand coup, retient sa respiration et franchit finalement cette porte. La nordique se retrouve entre les deux, un doux frisson parcourant son corps immaculé. Un sourire de satisfaction vient teinter ses lèvres à mesure qu'elle avance à travers les terres du Couchant. Elle avait appris que sa petite-fille en était la dominante. D'un haussement d'épaule, elle se délecte de cette information. Comme quoi ses gênes étaient loin d'être mauvais.
Un parfum, une odeur attire son attention. Aslaug se détourne lentement de son chemin et bifurque pour rejoindre l'auteur de cette trace. « Luce » Finit-elle par dire, d'une voix tendre, douce à sa fille lorsqu'elle l'aperçoit.

Une voix douce la tire de ses tristes contemplations, voix qui tourneboule l'être de Luce et l'apaise, sans qu'elle n'eut pourtant besoin d'être apaisée. La jument baie tourne les yeux vers la silhouette blanche si caractéristique de sa mère, et cligne des yeux, un trop plein d'émotion venant humidifier ses yeux noirs. Maman ... répond-t-elle presque dans un chuchotement.

Aslaug n'ose pas s'approcher, elle ne sait que dire, elle ne sait que faire. Ses talents de mère n'ont jamais été exemplaires pourtant elle s'était toujours chargée de montrer à ses enfants le meilleur exemple. Malgré tout, elle avait cette impression maussade d'avoir tout raté en ce qui les concernait. Autant pour Almageste qui avait certainement fini fou, le coeur brisé, l'esprit torturé, que Luce qu'elle n'avait pas vu grandir ou encore Osna qu'elle apercevait de temps en temps de loin sans oser l'approcher. Ses méandres amoureux l'avaient conduit à laisser derrière elle une ribambelle de bambins sans jamais leur accorder le temps nécessaire à la construction d'une vraie famille. Un sourire étire les lèvres fumées de la nordique à cette pensée. « Tu as tant grandi.. » Murmure-t-elle alors qu'elle contemple le fruit de ses entrailles maintenant devenu une belle et grande jument baie. Soudainement, Aslaug se sent bien vieille. Et ça lui plaît.

Tu trouves ? répondit-elle d'un air absent, ses yeux sombres glissant sur la silhouette de sa mère. Elle s'était éclaircie, ses traits étaient tirés, et pour la première fois dans ses yeux Luce pouvait voir que sa maman n'était pas l'entité immuable qu'elle avait toujours été. Sa maman était âgée. Et son coeur se serra un peu trop fort à l'idée que sa maman meurt. T'étais où ? Je savais même pas que j'avais une soeur avant qu'elle me trouve, dit-elle plus sur un ton de reproche qu'elle ne l'aurait voulu. Elle avait encaissé le coup quand Osna lui avait raconté qu'elle était sa soeur et que sa maman était partie, mais maintenant qu'elle l'avait sous les yeux, son côté boudeur de petite fille prenait le dessus.

Aslaug ne s'était pas préparée à l'idée de revoir sa fille, à l'idée de devoir s'expliquer, découdre le fil de sa fuite, de pourquoi elle était partie sans rien dire. La seule qu'elle avait légèrement induite sur le chemin de la vérité était Osna, parce que cette dernière était bien trop petite pour commencer à vivre en perdant sa mère. Alors Aslaug avait vu sa fille à la lisière de ses terres, en secret. Son coeur se serre. Elle avait réellement manqué à ses devoirs envers Luce. Luce qui pourtant était le fruit de sa plus belle union. La nordique soupire, elle baisse la tête, fouille le sol de ses naseaux comme pour trouver la réponse qui conviendrait le mieux à sa fille. « J'ai été blessée, je ne pouvais pas rester ici.. » Elle redresse la tête en voulant ravaler ses mots tant ils sont égoïstes. Mais elle ne rien y faire. Jusqu'alors elle avait toujours eu le coeur brisé, mais cette fois-ci, c'était sa fierté, son orgueil qui avaient souffert. Elle ne pouvait les réparer sur ces terres. « Je suis tellement désolée Luce.. mais je savais que tu arriverais à survivre sans moi.. » Elle soupire et manque de ricaner ; elle avait bien survécu après le départ de ses amants successifs, après le départ de ses enfants, petits-enfants. Elle grince des dents et reporte son attention sur sa fille, le coeur battant.

Luce l'écouta sans mots dire, observant le visage crispé de douleur de sa mère. Que s'était-il passé, en vérité ? Je ne t'en veux pas, dit doucement Luce, en secouant la tête, l'air un peu absent. Rien n'était grave pour la petite baie, tout lui coulait dessus comme la pluie sur un imperméable. Elle ne voyait pas l'intérêt d'être fâchée après les gens. Et surtout pas après sa mère, qui avait visiblement vécu quelque chose de traumatisant. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? fit-elle en effleurant la joue de sa mère du bout de ses naseaux.

Aslaug est soulagée d'entendre sa fille lui accorder son pardon. Au départ de cette conversation, elle ne s'y attendait pas. Luce semblait si triste, si neutre.. loin d'être la même qu'enfant. Le coeur de la nordique se froisse tant elle s'en veut de voir sa fille aussi stoïque. Où est passée son âme aventureuse et moqueuse ? Ses rires et ses questions ? « Le dominant du nord m'a trahie » Annonce-t-elle simplement sans plus de précision. « Je voulais lui reprendre son territoire pour le faire payer mais je n'avais pas envie de m'abaisser à une guerre ouverte. Alors j'ai fui.. » La nordique marque une pause, elle n'ose pas poser sa question mais se lance au bout de quelques secondes. « Où es ton père..? » Elle étouffe un hoquet. Elle aimerait tant revoir Maddox.

C'est en effet si rare que Luce rit, ou fasse preuve d'une quelconque vivacité. Elle se contente de sourire d'un air absent, et doux, écoutant les gens sans trop oser s'avancer, sans trop oser parler. Elle fronça légèrement les sourcils à l'évocation du dominant du nord, pinçant légèrement les naseaux. Oroszlàn ? hasarda-t-elle. Il m'a dit qu'il te connaissait bien, et qu'il ... enfin il voulait savoir ce que tu devenais. Lorsqu'Aslaug lui demanda où était son père, Luce baissa les yeux, ses yeux la piquant soudainement. Je ne sais pas, maman ... Il a disparu en même temps que toi.

Elle acquiesce simplement, n'ayant pas envie de s'étendre sur le sujet du dominant du Septentrion, elle avait balayé cette histoire d'un revers du sabot. Et bien que certains sentiments continuent de s'emmêler au creux de son esprit ainsi que de son coeur, la nordique n'avait pas envie d'y accorder trop d'importance. D'autant que son attention est vite captée par les mots de sa fille. Elle ravale un sanglot non sans difficulté. « Qu'importe ! Nous n'avons pas besoin de mâle dans nos vies pour être heureuses » Fait-elle en cachant une grimace douloureuse, façon girl power pour dissimuler sa peine et le manque de celui qui restera le plus important à son coeur. « Raconte moi Luce, raconte moi ce qu'il s'est passé pendant mon absence » Demande alors Aslaug d'une voix douce alors qu'elle va s'allonger près d'un arbre, comme lorsque la petite brune était enfant.

JJ'en suis persuadée ! acquiesce Luce aux paroles de sa mère, confortée dans sa pensée que de toute façon, elle restera seule toute sa vie Et si elle note l'air peiné de sa mère, elle aussi n'a pas envie de s'étendre sur le sujet : son père reste le seul sujet sensible de sa petite vie. Luce suit sa maman docilement, et s'allonge à ses côtés, étirant son encolure pour détendre ses muscles endoloris : la migration a été longue et difficile. De mon côté, il ne s'est pas passé grand chose. J'ai éduqué Osna comme j'ai pu, mais elle s'est fait capturée. Mais ... elle a fait quelque chose de pas bien dit-elle en baissant la voix, hésitante.

Luce ne semble pas paniquée à l'idée de savoir sa soeur chez les humains. « Capturée ?! Mais elle va bien ? Que s'est-il passé ? » L'instinct maternel peu développé d'Aslaug lui permettait néanmoins de s'inquiéter plus qu'elle ne le devrait pour sa progéniture et particulièrement pour sa petite dernière. Après tout, avec un père comme Sweeney, elle partait déjà de loin.

Elle semble aller bien, fit Luce, se souvenant de l'air peu paniqué de sa soeur - sûrement la raison pour laquelle elle semblait si peu inquiète. Elle semble même contente d'être là-bas, mais je ... enfin, elle ne semblait pas vouloir vraiment partir Mais lui revenait surtout en mémoire la chose qu'Osna lui avait dit, et qui ne cessait de la travailler, pour bien des raisons. Mais elle a ... commença-t-elle, un peu embarassé de parler de ça avec sa mère è_é, et se mettant à gigoter, elle a baisé, finit-elle en chuchotant, comme s'il s'agissait d'un truc super tabou ¬¬ Coucou Luce la balance

Aslaug est partagée entre le choc et l'amusement. « Comment tu l'as appris ? » Fait la nordique en s'efforçant de ne pas rire devant le comportement choqué de sa fille.

Choquée que sa mère ne le soit peu, Luce la dévisagea avec contrariété. Hé mais engueule-la ¬¬ grogna-t-elle d'une petite voix, ne voulant pas non plus passer pour une fayote ¬¬ Elle me l'a dit ! Mais elle était même pas grosse donc si ça se trouve elle a menti J'suis sûre qu'elle a menti ¬¬ grogna-t-elle encore, baissant son regard sur ses sabots d'un air boudeur.