∞ l'homme et la mer

SOCRATE
Socrate n'aime pas l'eau. Il n'apprécie pas ce contact humide qui rend le poil collant et baveux. Il n'aime pas non plus le froid qu'on ressent une fois le vent soufflant sur un pelage mouillé. Pourtant cet élément le fascine presque autant que le feu et il reste souvent près des lacs pour les observer longuement. En cette fin d'après-midi, il se tient immobile face au lac, l'esprit plutôt distrait et vaguement occupé à ne penser à rien. C'est rare pour notre animal.

Céleste

Un peu trop aventureuse, la petite dorée. Elle s'est nettement éloignée du Royaume des Glaces. Elle sait pertinemment qu'elle n'a pas le droit d'être ici ; au risque de tomber sur quelqu'un du Royaume des Brumes. Manquerait plus que cette dite personne soit un peu belliqueuse et la foute dehors. Avançant sur un petit trot léger, Céleste parcourt les environs du lac, jusqu'à ce qu'elle voit un étranger face à ce dernier. Qu'observe-t-il ?

De petits crissements se font entendre et Socrate ne s'empêche pas de se tourner vers l'auteur de ce trouble. Une petite silhouette beige lui apparaît. Il hausse les épaules en soupirant, ils étaient nombreux à le fixer de la sorte. Socrate n'arrivait pas à comprendre que son comportement pouvait paraître étrange pour certains et qu'effectivement, il y avait de quoi rester patois devant certaines des ses attitudes. Alors il fait face à l'inconnue et demande: « Tu vient observer le lac ? »

Elle approche silencieuse de l'étalon noir. Même si il semble l'avoir vue, elle préfère rester muette jusqu'à ce que ce soit lui qui prenne la parole. Peut-être médite-t-il ? "Au départ, oui. Mais maintenant que vous êtes là, je me suis permis de vous observer." achève-t-elle d'une voix fluette. "Puis-je savoir ce que vous regardez ? Votre reflet ?" Peut-être cherche-t-il à lire son futur

Socrate hausse les épaules, ce n'est pas comme s'il n'observait jamais personne à ses heures perdues. « J'observe l'eau tout simplement, ça m'apaise » Il ment à moitié ; il n'a jamais besoin d'être apaisé mais il a déjà entendu quelqu'un lui dire cela. Alors il essaye à son tour jamais rassasié de mimétisme.

Hmm. A moitié convaincue, Céleste se met à ses côtés et commence à son tour à regarder l'eau. Finalement, elle s'aperçoit qu'elle ne regarde pas l'eau à proprement parlé. Mais soit son reflet, soit les quelques poissons qui passent sous son nez. "Vous faites ça depuis longtemps ?" lance-t-elle après quelques longues secondes de silence. Cherchant à le comprendre, elle n'était pas le moins du monde médisante ou moqueuse.

Socrate ne se détourne plus de l'eau, lui il y voit la transparence, l'immortalité du lac, le reflet des cieux. En somme beaucoup plus que son simple reflet sur lequel il ne s'attarde jamais. « Je suis ici depuis que la nuit est tombée » Apprend-t-il à la jeune jument. « Tu ne trouves pas ça intéressant ? » Fait-il en plissant ses naseaux, curieux de savoir ce qu'elle pouvait de plus ludique à faire.

Comme c'était intriguant. Comment pouvait-on rester si longtemps à observer de l'eau ? Peut-être que l'étalon voyait des choses qu'elle ne pouvait percevoir. "Si, c'est intéressant ... et un peu déstabilisant, pour quelqu'un comme moi. J'ne sais pas si je pourrais rester si longtemps à regarder de l'eau " Toujours intriguée, Céleste se permit de rajouter : "Tu pourrais me décrire un peu comment tu vois cette eau ? Qu'est-ce que tu as pu y observer depuis tout ce temps ... ?" Lui souriant amicalement, elle espérait qu'il lui apporte une réponse.

Socrate soupire, retenant son souffle quelques secondes pour s'efforcer d'être patient. Toujours les mêmes questions, toujours les mêmes problèmes. « Je n'y vois rien matériellement, je laisse mon esprit voyager » Voilà, il a dispensé sa leçon et n'en dira pas plus.

"Okay." se contente-t-elle de répondre à l'étalon qui semble désireux de rester dans son silence. Hélas pour lui, la beige aime discuter et partager. "Vous vous appelez comment, au fait ?"

Socrate manque de grogner, cette question le hantait à chacune de ses rencontres. Pourquoi voulaient-ils tous savoir le nom de chacun ? Tiens, mystère qui devient intéressant. « Pourquoi vous voulez le savoir ? »

Surprenant qu'il lui réponde par une autre question. Et en plus, il ne lui répondait même pas. Bougonnant, Céleste lui répond tout de même. "Bah pour mettre un nom sur un visage. J'vais quand même pas vous appeler le grand noir ?" Elle hausse un sourcil, intriguée. Manquerait plus qu'il lui dise oui.

Elle semble décontenancée par les paroles de Socrate qui, lui, l'est tout autant du discours qu'elle-même tient. « Pourquoi pas ? Peut être que nous ne nous re croiserons jamais et que tu oublieras mon nom » Quel gâchis que de fournir son prénom à des inconnus qui pourraient ne plus le connaître après.

"A vous écouter, on dirait que vous ne cherchez pas à avoir d'amis ou du moins de connaissances. Qui vous dit que nous ne nous recroiserons jamais ? Et pis, une relation amicale pour exister, on doit savoir des choses minimums l'un sur l'autre ; comme le prénom, par exemple." Elle avait dit ça d'une traite, sans vraiment réfléchir. Elle se rendit compte que peut-être les choses n'allaient pas aller dans le sens de l'étalon; que peut-être certaines idées pouvaient être réfutées. Mais qu'à cela ne tienne ; pour elle, il n'était autre qu'un asocial. Et malgré cela, elle cherchait désespérément à le comprendre.

Il la toise en réfrénant un énième soupire, ses dires étaient si classiques. « L'amitié c'est compliqué, c'est une relation que l'on nourrit, sur laquelle on saigne. Elle demande des efforts que je préfère fournir à autre chose » Clame-t-il en haussant les épaules. Peut être que certains aimaient remplir leur vie avec l'amour d'autres or Socrate ne faisait pas partie de ces certains.