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ASLAUG
Aslaug s'aventure peu aux sources chaudes depuis le départ d'Oroszlàn. Elle s'aventure peu n'importe où finalement. Souvent confinée à la crypte, elle s'y sent en sécurité. Pourtant aujourd'hui elle est sortie de son cocon.

La panthère de jais traverse le désert de neige, silencieuse. Elle ne devait pas attendre que le pire arrive, elle avait de nombreux autres plans ; mais on ne prévoit pas toujours ce qui nous tombe sur la tête. Jamais d'ailleurs. Et sûrement sa vieille amie ne se doute t-elle pas que la reine déchue s'élance sur ses traces.

L'odeur du sable transparait si bien par-dessus celle de la neige. La nordique n'a plus mis un pied au désert depuis longtemps alors, lorsqu'elle pense reconnaître le parfum sec et rocailleux d'Isildure, elle se redresse, les naseaux dilatés, l'oeil ouvert. Elles ne s'étaient plus vues depuis si longtemps.

La matriarche ne met pas longtemps à repérer l'intruse, qui prend le trot pour le rejoindre. Ses sabots s'enfoncent lourdement dans la neige, mais le ralentissement ne décourage pas l'ibérique. Mieux, il la pousse à augmenter la cadence, afin de plus rapidement rejoindre son amie.

Aslaug esquisse l'ombre d'un sourire, elle n'a pas l'habitude de voir la louve noire s'agiter dans la poudreuse. Cette image ne lui déplait pas. Que me vaut l'honneur de te voir fouler mes neiges ? Aslaug ne sait rien de la défaite de la Reine des Sables, elle ne sait rien de sa déchéance. Alors elle veut jouer, imposer le fait qu'elle est aussi une dominante, une souveraine.

Elle hésite encore. A la minute même où elle doit répondre, elle se demande si c'est une bonne idée. Ça lui creuse la tête et ça lui dévore les tripes. Pourtant, elle saisit sa chance et prend une décision. « J'aimerais rejoindre le Nord, Aslaug. »

(ta signature )

Pourquoi lorsqu'elle entend ces mots Aslaug a envie de disparaître ? Les tripes soudainement nouées, la gorge finalement serrée, le coeur largement arrêté. Elle a dû mal comprendre.
Pour des vacances ? Avec joie Isildure, tu es la bienvenue ici. La nordique aimerait tant que la louve noire lui réponde par la positive.

Isildure ressent nettement le malaise et l'incompréhension qui émanent de la blanche. Elle aussi n'y croit pas. Elle aussi aimerait se dire que c'est éphémère. Ça l'est ; puisqu'Isildure compte bien reprendre ce qui lui appartient. Elle y parviendra, mais dans combien de temps ? « Tu as le droit de refuser. M'accepter chez toi c'est prendre un risque. » Renâcle t-elle en plongeant son regard obscur dans celui de son amie. « On m'a arraché mon royaume. Mais aussi longtemps que je vivrais, il m'appartiendra. Je me battrai pour toi, je me battrai pour le Nord. Seulement ce que tu as le droit de craindre, c'est qu'on en veuille au Nord d'héberger une Reine qui continuera éternellement d'errer sur ce qui lui a appartenu, et lui appartiendra toujours. »

La mâchoire d'Aslaug se serre, ses dents grincent les unes contre les autres. Isildure est déchue. Ses oreilles se rabattent avec lenteur contre sa nuque alors que ses naseaux se pincent. Je le répète, tu es la bienvenue aux Glaces, Isildure. La nordique sait comme ses membres peuvent se montrer loyaux et rancuniers, mais elle ne peut tolérer de voir la louve noire exclue et condamnée à errer sur les terres libres. Aslaug est la dominante du Nord. Elle décide qui ose y mettre un pied et qui n'y est pas convié, peu importe ce qu'en pensent ceux qui ne font que profiter de sa protection. Raconte-moi ce qu'il s'est passé. Demande alors la vieille qui se rapproche de la Reine pour l'inviter à prend son pas.

Lorsque Aslaug affirme qu'elle reste sur ses positions, Isildure ne ressent pas vraiment de soulagement. C'est une pointe d'admiration qui fleurit dans son cœur à l'égard de la dominante. Elle avait rarement vu d'autres situations où par un acte de gentillesse, on faisait preuve de courage. Pour elle bonne grâce rime avec faiblesse. Mais en Aslaug, elle ne voit que de la noblesse. « Zohra m'a défiée. Elle souhaitait les Sables. Elle a mit en jeu les Brumes, si je remportais le combat. J'ai échoué. » Elle se sent salie, humiliée, détruite. Elle sert les dents. C'est difficile de résumer ça à voix haute, de s'en rendre compte une nouvelle fois.  Le tourbillon de rancœur, de colère et de haine qui sommeille en elle s'amplifie à mesure que les heures passent. « Et le pire, crache t-elle, c'est qu'elle compte mettre sur le trône quelqu'un d'autre, quelqu'un qui n'a même pas eut le cran de m'affronter en personne. »

Ce n'est pas de la colère qui monte en elle, pas plus que de la tristesse de savoir son amie déchue. Cette situation n'a rien de simple pour la nordique qui, tiraillée entre sa famille et ses amitiés, se retrouve à ne plus savoir qui a raison, qui a mal agi. La seule chose qu'Aslaug sait ne se résume qu'à quelques mots: l'ordre de Galop Sauvage se détériore. Tout le monde vole le trône des autres. La pérennité n'est plus. Tu aspires à la vengeance. Ça n'a rien d'une question. Mais cette affirmation fait frissonner la nordique qui sait qu'Isildure peut se montrer absolument destructrice.

La vengeance. C'est tout à fait ça. Isildure veut la détruire autant qu'elle a pu le faire. Même davantage. Mais l'ibérique sait se montrer droite ; du moins lorsque ça l'arrange. Vengeance semble être un mort un peu fort, un peu dangereux dans l'esprit d'Aslaug. Isildure rectifie avec plus de délicatesse. « J'aspire à la justice. »

Aslaug ignore - ou tente de le faire - qu'Isildure aspire au politiquement correct. Elle frissonne parce que le vent grandit contre elles et parce qu'elle craint la suite des événements. Je ne pourrais jamais blesser Zohra. Elle est de mon sang. Les lèvres de la nordique se tordent en une grimace qui n'en dit que trop peu. Bien que sa descendante soit tout à fait respectable, Aslaug ne peut réprimer l'affection teintée d'admiration et de respect qu'elle a pour Isildure. Elle se retrouve à devoir faire un choix cornélien, à choisir le coeur ou la raison. La nordique préfèrerait que la déchue puisse la convaincre de s'allier à elle.

Les lèvres d'Isildure se pincent. Elle aurait aimé qu'Aslaug la soutienne. Mais celle-ci ne semble pas décidée à prendre un partit. Soit. C'est son choix, malgré qu'Isildure ne le comprenne pas. Juste pour ça. Claque t-elle, mi-dédaigneuse mi-attristée. Le sang n'excuse pas tout. Mais bien souvent il arrange certaines vengeances.