touch me

L'étalon hésite légèrement avant de répondre. Finalement, il baisse les yeux, ne pouvant pas cacher la honte qui lui brûle l'échine. « Je n'ai pas réussi à protéger mon territoire des hommes. Ils ont pris le Nord, comme ils ont pris tout le reste. Alors, j'ai décidé que je ne méritais plus d'être à sa tête. » Ses dents sont légèrement serrées, sa mâchoire un peu tendue. Quelque chose le dérange lui-même, dans cet acte un peu irréfléchi de passer la dominance. Il l'écoute tranquillement, l'observant en même temps, sans rendre son regard insistant ou gênant pour la dorée. « Je te comprends réellement. J'ai... perdu mon père quand j'étais enfant et ça a été un grand traumatisme pour moi. Maintenant Septenrê... » Il relève ses grands yeux noirs vers elle, lui accordant l'ombre d'un sourire qui ressemble à quelque chose qui se veut compatissant.

Il hausse les épaules, sans lui donner de réponse. Il culpabilise d'avoir perdu leurs anciennes terres, tout en sachant pourtant parfaitement qu'il n'aurait pas pu en être autrement. C'est une culpabilité difficile à porter, parce qu'injustifiée, au fond. Lorsqu'elle parle de Murphy, son regard se voile légèrement. Des années et des années que ce jour le hante. Qu'il ne parvient pas à l'oublier. Il lui offre un sourire triste et coupable. « Sans doute a-t-elle voulu me protéger en te racontant ça. » commence-t-il avant de détourner le regard. Il ne veut rien lui cacher. Si elle doit l'apprécier en tant que frère, elle doit tout connaître. « En vérité, c'est moi qui l'ai poussé. »

« Il était possédé. » lâche-t-il avec un détachement qui témoigne de son affect. Il secoue sa crinière, fait quelques pas en laissant le soleil caresser fébrilement sa robe dorée au poil épais qui le protège du froid du Nord. « Mais tu n'es pas obligée de me croire. » murmure-t-il doucement.

Le Lion détourne le regard. Il serre les dents, et les sent déjà grouiller, se débattre, se manifester. Juste là sous la surface de son crâne. Juste là dans ses pensées. Dans son imagination, et pourtant ? Est-ce qu'il invente réellement tout ? « Par le Diable. » lâche-t-il d'une voix blanche et froide comme le vent du Nord.

Un sourire sombre et résigné s'affiche sur les lèvres du mâle. « Je te l'ai dit : tu n'es pas forcée de me croire. »

L'étalon est bien ravi de changer de sujet. Même s'il aimerait qu'avec le temps, sa soeur le croie. « Bien sûr. Il y a quatre territoires et donc quatre troupeaux, chacun avec son dominant, chacun avec ses rôles : il y a des guerriers, des espions, etc... Aujourd'hui, les temps sont calmes, mais il n'en a pas toujours été ainsi. Nous avons connu de simples rivalités allant jusqu'à des guerres meurtrières. Quel territoire as-tu choisi ? »

Immédiatement, en entendant son territoire, les muscles du Lion se crispent légèrement. Il tressaille et détourne le regard. Bien sûr, il fallait bien qu'une partie de la descendance de Septenrê suive ses traces dans ces territoires de malheur. Il soupire. Après tout, il ne changera rien. « En effet. L'un d'eux, le jumeau de notre ancêtre, était l'ennemi juré de mon père. Je me souviens qu'il me disait avoir tout fait pour le mettre hors-jeu. Ce n'est pas réellement lui qui l'as tué, mais il y a contribué, parait-il. » raconte-t-il d'une voix morne. Il regarde toujours le fleuve, tranquille. Bien plus tranquille qu'il ne l'est, lui. « Ces deux démons étaient dans le territoire dont les Sables descendent et qui sont restés, depuis toujours, l’emblème d'un troupeau aux mauvais desseins. »

Il lui lance un regard de biais, un peu sec, lui montrant qu'elle n'a pas à dire comment il semble être ou ne pas être, mais il ne dit rien. Il la dévisage simplement et secoue la tête, de droite à gauche, plusieurs fois. « Je ne te connais pas, je n'oserai pas avoir de jugements sur toi aussi vite. »