Tidim damdam

Mais non. Si Lov s'interdit tout attachement solide pour s'empêcher déception et souffrance, elle ne se permet pas de juger. Elle reste stoïque, comme si les mots de la brune l'effleuraient sans la toucher. « Je suis désolée. » lâche-t-elle avec sincérité pourtant. 
Pas de parents, pas de risque d'en perdre. Elle ose un léger sourire en faisant un pas vers elle. « Tu as l'air d'avoir mon âge. »

L'excuse sincère de Lov' a au moins le mérite de faire sourire Eryn. Tout aussi sincèrement ... Ne le sois pas, tu n'y est pour rien. Ce qui est la vérité. La seule faute revient à la nature, aux hommes et à la malchance. Puis, la caramel s'approche d'elle, de quelques pas. Son âge ? Hm, oui certainement. Je suis née l'année dernière, à la même époque. Moment de réflexion. Oui, c'est bien ça. Et toi ? Question stupide.

C'est vrai. Elle n'y est pour rien. Personne n'y est pour rien quand il s'agit de la mort. Lov l'observe toujours, les yeux noirs grands ouverts. « Sûrement quelque chose comme ça aussi. Je ne compte pas les mois, encore moins les années qui passeront. » L'âge signifie tellement peu, pour elle. « Je ne t'ai jamais vue encore, mais je suis ravie de te rencontrer enfin. » Nouveau sourire sincère.

Je ne compte pas vraiment non plus, mais cette saison-ci ressemble étrangement à la première que j'ai vu. Répond la rouanne, pour toute explication. Compter les années. À quoi bon sérieusement ? Si ce n'est pour se rappeler depuis combien de temps sa mère est morte ... Cette fois, Eryn arrive à retenir son soupir. De même pour moi ... Souffle-t-elle, en accompagnant ses mots d'un petit sourire. Et toi, tes parents ? Petite question comme ça, histoire d'apprendre à connaître Lov'. Espérant que cette fois, elle se fera une amie.

La petite ne présente aucun signe de malaise, de tristesse, de mélancolie. Aucun. Malgré son jeune âge, elle oeuvre avec une parfaite maîtrise d'elle-même. Elle ne montre que ce qu'elle veut montrer ; c'est-à-dire pas grand chose. Elle hausse les épaules. « Un père lâche qui m'a abandonnée. Une mère peu soucieuse de savoir ce que je suis devenue. Depuis les premiers jours de ma naissance, je me débrouille seule, pour tout t'avouer. » Et ça lui va très bien, n'ayant jamais connu la chaleur d'une famille.

Ah. L'annonce de Lov' assomme à moitié Eryn, qui la regarde, un peu bêtement. Jusqu'à ce qu'elle secoue la tête, pour se reprendre. Mais ... comment peut-on abandonner son enfant ainsi ? Lâche-t-elle, incapable de comprendre. Et tu as fais comment du coup ? Doucement Eryn, calme toi, ou tu vas passer pour l'emmerdeuse de service, ce que tu n'a jamais accepté d'être. Prenant soudainement conscience de l'ampleur de ses questions, la rouanne se mord les lèvres, méga gênée. Oh, excuse moi. Je ne voulais pas ...

Avant qu'elle puisse répondre, la rouanne semble gênée. Elle s'excuse immédiatement, et Lov ne comprend pas. Ses oreilles s'inclinent. « Tu n'as pas à t'excuser. » Elle sourit pour rassurer la dénommée Eryn, avant de cligner des yeux plusieurs fois, comme si elle faisait défiler sa jeune enfance derrière ses paupières clignotantes. « Je me suis débrouillée. J'ai appris seule, j'ai survécu, ça m'a endurcie. »

Elle se sent ridicule, d'un coup ... Je dois te paraître nulle à pleurer comme une enfant ... Souffle la grisette, en baissant légèrement la tête. Eryn, encore et toujours dans l’excès. Mais tu n'as pas de famille, en rapport avec tes parents ? Un frère, une sœur ... ou même une grand mère ou un grand père ? Comme elle, qui n'a même pas encore pris le temps de chercher sa sœur ...

« Non. » Lov ne trouve rien ridicule. Elle s'enrichit des expériences des autres, qu'elle emmagasine, comme un ordinateur. « Si je les avais connus, et qu'ils m'avaient aimé, sans doute aurais-je pleuré aussi s'ils n'étaient plus là. » Sa voix est posée, presque trop détachée. Quelque part, elle considère cette absence terrible comme sa force la plus brillante. « Si, des demi-frères et soeurs. Certains nés d'amours passés, d'autres d'erreurs, comme moi. »

Elle aussi à donc des demi-frères et sœurs un peu partout sur galop sauvage. Je ne pense pas que le fait d'être une erreur de tes parents fait de toi une nouvelle erreur ... Lâche-t-elle, en proie à ses pensées. Et si Elune ne l'avait pas mise au monde ? Aurait-elle pu garder des forces afin de survivre plus longtemps face à la maladie ? Et du coup, personne n'aurait eu à souffrir de la perdre aussi tôt, pas vrai ? Et tu les as rencontrés ? Curiosité. Peut-être se comprendront-elle, au final ? Mon père m'a dit que j'ai une demi-sœur ici, au Nord. Mais je n'ose pas aller la rencontrer ...

« J'en ai rencontré deux, oui. » Elle n'en dit pas plus, préservant les détails de ses rencontres bien au chaud dans son crâne. Elle l'écoute, pourtant. Poliment. « Comment s'appelle-t-elle ? Je vis au Nord depuis mes premiers jours, je la connais peut-être. »

Je suis aussi née au Nord, mais je n'ai appris que très ressemant que Maddison est ma sœur ... Explique alors Eryn, tout en espérant que la caramel l'aie croisée. Histoire de savoir à quoi s'en tenir. Réellement.

Lov hoquète. On ne lui a jamais parlé d'Eryn. Combien de frères et soeurs a-t-elle réellement ? « Maddison est ma demi-soeur. » lâche-t-elle, dans un souffle surpris.

Et là, c'est comme un étrange drame qui se joue dans son esprit. Sa cervelle se met à tourner à plein régime, tandis qu'elle garde les yeux rivés sur Lov', comme si elle venait de dire la plus grandes des bêtises. On a pas la même mère, sinon on serait jumelles. Noooon sans blagues ? La maman de Maddison est aussi la mienne, donc ... Et là, c'est le drame. Tu es la fille d'Oroszlàn ? Elune lui a beaucoup parlé de lui quand elle était enfant et qu'elle lui faisait découvrir le Nord. Tout en omettant de lui parler de Maddison, évidemment. Sinon ça n'aurait pas été drôle ... Et ... tu l'a déjà rencontrée ?

Pourquoi tout le monde connait son père ? Pourquoi lui parle-t-on toujours de lui avec cette élégance alors qu'elle, elle le déteste ? « Oui, je suis la fille d'Oroszlàn. » Elle serre les dents pour s'empêcher de cracher sur son absent de géniteur. « Maddison ? Oui, je l'ai rencontrée. » fait-elle simplement, restant volontairement évasive.