ı danse avec les loups ı

Elle est poursuivie. Encore une fois.
Ses cicatrices s'en souviennent. Une première rencontre fortunée où elle les avait pris de vitesse. Où elle n'avait tiré qu'une blessure qui n'avait pas été mortelle. Elle s'estime plus forte encore, aujourd'hui.
Elle va gagner. Encore une fois.

Aaren

Les prises de risque, il aimait bien.
En fait, la routine le consternait. Il avait envie d'autre chose. Il rêvait d'une autre vie. Il s'ennuyait,
dans son train-train gentiment supervisé par sa mère et son frère. Il s'isolait de plus en plus.
C'était l'odeur poivrée qui l'avait attiré à cet endroit. Son corps frissonnait, son instinct lui dictait de s'enfuir mais il s'imposait des barrières mentales. Bientôt, il entendit quelqu'un approcher et cherca activement cette personne du regard.

Et elle court. Et elle court, non ! Elle vole. Elle est invincible. Elle file entre les arbres, saute par-dessus les ravins, elle est poursuivie, mais elle va gagner, elle en est persuadée. Elle n'a pas survécu seule tout ce temps pour finir dévorée par un loup. Pas maintenant. Pas encore.
Alors qu'elle défile dans le paysage verdoyant, comme une comète d'or, un éclat attire son attention. Une silhouette dorée, elle aussi, un peu plus loin. Distraite, elle s'est laissée distancer. Furieuse de s'être laissée avoir, elle accélère de plus belle.

Il se joignit à la course, se lançant avec ferveur au galop. Son pas était très cadencé, étonnamment léger pour un jeune en pleine croissance. Il rejoignit la course folle d'une femelle de son âge, qui ne lui disait rien même si en réalité ils s'étaient déjà brièvement croisés. Mais c'était il y a longtemps, assez longtemps pour que sa mémoire flanche.
« Poursuivie ou poursuiveuse ? » lança-t-il avec un sourire farouche, étant arrivé vers elle comme une flèche.

Rapidement, l'éclair doré la rejoint et elle couche ses oreilles en arrière. Pourtant, une expression dans son regard et dans son allure lui rappelle quelque chose. Quelqu'un. D'abord, elle a l'impression de voir Red. Puis elle comprend qu'il est aussi jeune qu'elle. Puis, elle se souvient.
Est-ce que tu es un ange ?
Puis, elle fait le lien avec les paroles d'Hérézy. Ghanan et Aaren sont les fils d'Oroszlàn. Ses demi-frères.
Et dans tout ça, le loup, qui les rattrape. Elle claque sa queue dans l'air derrière elle, s'abaissant près du sol pour accélérer son allure, toute aussi aérienne que la sienne. « Les deux. » Et ses dents claquent près de l'épaule du jeune mâle, pour le forcer à accélérer.

Mais il ne panique pas. Aaren avait beau avoir un jumeau, ils étaient sincèrement différents. Peut-être parce que l'isabelle avait choisis de ne pas lui ressembler, à son grand frère de quelques instants. Lorsque les dents de la moutain claquèrent près de son épaule, le doré redressa l'encolure. Au même moment, il sauta au-dessus d'un vieux tronc d'arbre, se réceptionnant sur une terre meuble qui pourrait les faire tomber à tout moment. L'odeur musquée c'était rapprochée. « Poursuivie. » souffla-t-il avant de stopper net, la laissant ainsi le distancer.
Lui avait soif d'aventure, d'adrénaline. Même si cela passait par l'inconscience de la jeunesse. Il attendait le canidé, il ne devrait plus tarder.

Mais Lov n'a pas l'âme d'une névrosée. S'il veut se mettre en danger, il le fera seul. Elle porte volontiers secours à une personne en péril ; pas lorsque cela est volontaire. Elle entend son murmure, serre les dents, mais ne répond rien. Par maturité.
Et elle continue sa course, stable et fluide.

Le silence retomba. Tant pis pour elle.
Il s'en moquait pas mal en fait. Lui, il ne savait pas qui elle était, ni son nom ni ses origines. Pour Aaren, ils n'avaient échangé que quelques mots.
Concentré, il guetta le loup qui, expérimenté, s'était mis à l'abri du vent. L'isabelle du bien reconnaître un moment de solitude, avant d'entendre une brindille craquer et de se jeter vers le buisson d'où cela venait. Il n'en sortit qu'un lapin affolé. Plus aucune trace du loup.
La présence de deux équidés semblait l'avoir dissuadé de les poursuivre.

Finalement, c'est au bout de quelques mètres que la dorée ralentit. Elle se retourne, le souffle court, ses flancs se soulevant rapidement. Une fine sueur a bruni son corps musculeux. Elle observe les buissons derrière-elle, les ondulations du paysage, les arbres endormis. Tout est calme, rien ne bouge. Plus de trace du loup, ni même de l'isabelle.

Aaren attend. Il écoute. Le canidé ne va-t-il pas lui sauter dessus à tout moment ? La crinière hérissée, il constata que malgré le changement de vent, l'odeur du prédateur a disparu, ou paraît très lointaine désormais.
Mais le revoilà seul dans la forêt. Tant pis. Il se remit en marche, se sentant peu concerné.

Rapidement, elle revient sur ses pas et retrouve la trace de l'isabelle. Sans chercher à se camoufler, elle le suit d'un pas cadencé.

Et elle se fit remarquer plusieurs minutes plus tard. Il s'arrêta alors pour l'attendre, la voyant soudainement débarquer dans la petite clairière où il s'était arrêté.

Elle le rejoint au petit trot, l'étudiant d'un air malin. « Ben alors ? Tu ne t'es pas battu contre le loup ? »

Elle voulait faire la maline ? C'était tomber dans un petit jeu débile, mais Aaren mordait toujours. « Nan, il a compris qu'il faisait pas le poids contre moi. »

« Hum, je vois. » fait-elle, mimant l'intéressement. Elle secoue sa crinière neigeuse. Il ne semble pas se souvenir qu'ils se sont déjà rencontrés. « Alors, tu ne me demandes pas si je suis un ange ? » demande-t-elle, en rapport à leur première rencontre.

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