danse avec les loups / h

La nuit est tombée il y a peu ; elle les entend déjà. Ricaner, jacasser, dans une langue qu'elle ne connaîtra jamais. Elle a trouvé refuge dans ce qui pourrait être une ancienne tanière - l'odeur est si ancienne qu'elle ne la dérange pas. Helkä garde ses oreilles contre sa nuque et ne montre pas de signe de crainte, malgré qu'on puisse la deviner tendue. Habituellement, elle ne craindrait pas les loups.
Son père était bien pire qu'eux. Mais aujourd'hui, elle est affaiblie par son long voyage. Pas sûr qu'elle puisse leur tenir tête.

Au milieu des effluves de la meute, Helkä ne discerne pas le parfum de l'inconnue. Elle reste au fond de sa grotte, comme au fond d'un piège. Elle saurait se défendre s'ils entrent. Pas sûr qu'elle puisse tous les repousser s'ils sont beaucoup, néanmoins. Elle soupire, profitant de ce léger repos bien qu'elle reste tendue et aux aguets. Au fond de la tanière abandonnée, l'ancienne princesse capte enfin le bruit reconnaissable d'un pas équin.

Helkä entend les pas se rapprocher, jusqu'à s'immiscer dans sa cachette. Merde. Elle se redresse, appuyée contre la paroi, l'encolure légèrement voûtée car le plafond est trop bas pour elle. Qui va là ? gronde-t-elle d'une voix sourde.

Dans l'obscurité, Helkä discerne pourtant facilement les contours clairs de la grise qui s'approche. Ses oreilles sont toujours collées contre son crâne et elle se serre un peu plus contre la paroi derrière-elle. Non pas par crainte, peut-être juste par méfiance. Et moi Helkä. Sa voix est rauque, masculine, et elle fixe toujours l'entrée bouchée par la silhouette de la nouvelle venue. Tu ferais mieux de rentrer plus vite, si tu veux éviter d'attirer la meute vers nous.

La réponse de la grise fait bondir Helkä en avant, menaçante. Ses oreilles sont plaquées contre la base de sa longue crinière de feu. Ses yeux sont d'un noir absolu. Si c'est pour ça que t'es venue, alors dégage ! crache-t-elle avec véhémence, agressive. Elle n'entrera pas dans cette tanière pour y semer le chaos. 
C'est le chaos lui-même qui l'en empêchera.

Le contrôle, Helkä ne connait pas. Dès qu'on l'irrite, elle réagit. Elle fait claquer ses dents dans le vide. J'croyais que c'était ton but, crache-t-elle, les oreilles toujours couchées. Son regard aussi est hautain. Elle n'aime pas tomber sur des personnes qui lui ressemblent. Elle n'aime pas ce qu'elle est, quand c'est retranscrit sur quelqu'un en face d'elle. Elle reste bien campée où elle est, si l'inconnue veut se faire de la place pour se cacher ici avec elle, elle n'a qu'à se débrouiller  

Helkä laisse un rire gras ricocher contre les parois de la petite tanière. Malheureusement pour toi, c'est ma tête habituelle  fait-elle sans bouger d'un poil, attentive aux bruits de l'extérieur.