Vas-y Francky ♪ ♫

Enfin, il est en elle. Elle se sent entière, à cet instant-là. Ou vide, contradictoirement. Sa vie est une contradiction. Elle en est une, elle-même. Peu importe. Lövojka n'est plus là. Peut-être n'a-t-elle jamais existé. Son nom sonne à ses oreilles comme une supplique, comme un supplice. Elle ferme les yeux, grognant légèrement sous les assauts terribles d'un plaisir parfait. À chaque coup de rein, elle semble renaître. Ou mourir. Elle ne sait pas, elle ne sait plus. Elle se laisse aller, ouvrant grand la porte à son désir qui se consume au fur et à mesure que l'étalon fait son travail. Elle le sent bien, l'étalon. Elle aime cette partie-là d'un être. Le côté sauvage, animal, instinctif. Primaire, primitif. Elle aime faire ressortir cette facette-là chez les autres. Si seulement cet acte ne s'accompagnait pas d'une descendance...
Mais elle n'en aura pas de lui, de son frère, c'est déjà ça ! Est-elle réellement soulagée de se savoir engrossée par Akan ? Elle n'y pense pas, en réalité. Ça viendra quand ça viendra.
Elle secoue sa longue crinière, pleine de chaleur et d'électricité. « Viens.. » murmure-t-elle, sans savoir pourquoi, sans savoir à qui. N'est-il pas déjà venu à elle ? N'est-il pas déjà en elle ?

L'apogée vient. Ça vient jusqu'à elle. Jusqu'en elle. Elle se sent atteindre l'extase, l'envolée subite. Le manque d'oxygène, la bouffée d'air pur et, simultanément, le souffle coupé. Sans s'en rendre compte, elle pousse quelques gémissements confus, ses membres tremblants sous les assauts du plaisir ayant de la peine à la supporter, soudain. Pourtant, elle tient bon. Lorsqu'il descend, elle est toujours debout, le regard flou, la respiration haletante.
Elle se reprend vite, pourtant. Elle n'a pas l'habitude des caresses et de l'affection. Akan ne lui a rien démontré après qu'il soit monté sur elle, sinon un silence troublant et une fuite inopinée. Alors l'affection de Ghanan la gêne, soudain. Elle ne s'imagine pas qu'on puisse se serrer comme ça après l'acte béni. Elle le repousse gentiment, sans être froide, juste autoritaire, d'un mouvement d'encolure. Elle l'observe avec un sourire malicieux. « Ce n'est pas ta première fois, tu t'es entraîné avant, on dirait » fait-elle avec un regard carnassier. Ça n'est pas une question.

Elle ne se rend pas compte. Qu'elle peut le blesser. L'amour, elle ne connait pas, et elle s'est jurée qu'elle ne le connaitrait jamais. Elle, elle réalise pleinement ce qu'ils viennent de faire. Mais ça la fait sourire. Comme une victoire, comme, déjà, un souvenir. Un souvenir étincelant. « En effet. » sourit-elle avec un clin d'oeil, avant de passer devant lui, l'invitant à marcher pour dénouer ses muscles endoloris et crispés. Pour prendre un peu d'air frais, aussi, pour sécher son corps encore humide de leurs ébats. « Donc ne t'en fais pas, tu n'auras pas à assumer un gamin. » Elle veut le rassurer, parce qu'elle s'imagine qu'elle pense comme lui. Qu'il ne veut pas d'enfant, lui non plus.

Ses mots sonnent justes à ses oreilles, pourtant elle ne peut pas les accepter. Elle ne peut pas les imaginer réels, elle ne peut pas se reposer dessus. Ne jamais se reposer sur les autres. Ils vous lâcheront à un moment ou à un autre, que ce soit par choix ou par la mort. Un jour, ils ne sont plus là et il faut faire avec. Si on ne compte pas sur eux, on s'en sort mieux au bout du compte. Lov, elle, voit au long terme. Quitte à ne jamais connaître le bonheur d'un attachement pur et sincère. Elle dévisage longuement l'étalon, avec cette mine à la fois espiègle et sérieuse, elle qui manie si bien les contradictions. La femme-enfant. Le feu et la glace, qui se battent en elle sans jamais gagner de terrain d'un côté ou d'un autre. « Je sais. » répond-elle d'abord avec une légèreté presque insolente. « Je sais que tu seras toujours là pour moi, puisque tu es mon frère. » Elle accentue volontairement sur le mot, comme un mot interdit. Elle secoue sa crinière, balayant en même temps le sujet à sa guise. « C'est qui, l'autre ? » demande-t-elle sans préavis, sans jugement non plus. Avec une certaine pointe de jalousie qu'elle n'avouera pas. Comme si elle voulait que les autres soient à elle sans jamais accepter de se donner, elle.

Elle hausse les épaules, amusée par son comportement. Lui qui apparaissait comme si « facile » quand il était plus jeune, voilà qu'il se révèle plus complexe, plus joueur. Et ça lui plait. « Ce que ça peut me faire me regarde. J'ai envie de savoir, je n'ai pas le droit ? » demande-t-elle d'une voix plus radoucie, avec un sourire gracile.

Elle l'observe étrangement, tout en restant d'un calme olympien. Ses yeux noirs le scrutent, le déshabillent, même si elle le connait maintenant plus que bien. « Je ne vois pas pourquoi je leur en ferai. Tout comme tu n'en feras pas aux miennes, n'est-ce pas ? » déclare-t-elle, comme un échange de services.

Elle hoche la tête et déclare, d'une voix solennelle : « Je te le promets, donc, Ghanan. » Un sourire espiègle apparait de nouveau sur ses lèvres et c'est d'une voix presque enfantine qu'elle réitère sa demande : « Alors ? C'est qui ? »

Mais elle ne lui demande rien. Aucun détail, aucune explication. Elle n'est pas en droit de le faire et ne se le permet donc pas. Elle-même serait bien encombrée s'il venait à lui demander de s'expliquer, alors... Et si Lov n'a aucune discipline concernant l'insolence et la provocation, elle est loyale à elle-même. Elle penche la tête, laissant le silence tomber quelques courtes secondes. Léïne. Elle l'a rencontrée. La nuit, près de l'eau. Elle lui a fait penser à une louve. Un calme reptilien, une élégance muette, une prestance envoûtante. Elle comprend, oui. Elle pourrait se demander ce qu'elle a de plus qu'elle, mais sa fierté l'en empêche. Il ne faudrait pas qu'elle soit jalouse en plus de ça, voyons.
« Akan. » Elle lâche ça comme une bombe, ou une plume. Quel fardeau s'est-elle encore posé sur les épaules que de porter en elle le fils d'un rebelle, d'un révolutionnaire ? Il ne s'occupera pas de l'enfant, elle le sait. D'ailleurs, elle n'est même pas sûre de s'en occuper elle-même. « J'ai rencontré Léïne. » commence-t-elle avec un clin d'oeil, espérant que lui n'ait pas rencontré l'akhal.