∫ the color of the boom

salem


Il ne se sent pas à sa place ici. Il observe les tombes avec un regard qui trahit son malaise. Il sent trop de choses, comme si tous les esprits réunis dans le cimetière l'appelaient déjà. Pas maintenant ! Non, je vous rejoins pas maintenant ! Pas encore ! Laissez-moi.
Il s'éloigne, cherchant à fuir le regard tombal des pierres froides. Les gravures des noms le hantent, il les retourne, leur tord le cou. Vous ne m'aurez pas. Dans l'obscurité qui est tombée comme un couperet, Salem distingue deux yeux jaunes qui l'observent et il se fige, parce qu'il sait qu'il ne fait pas le poids. Que toute force vivante est capable de l'écraser, avec bien peu d'efforts. Il hésite, planté là à mi-chemin entre un prédateur sûr et sa future maison.

Vagabond

Il venait d'arrivé. Et pour une raison inconnue et presque terrifiante, la première chose qu'il voit c'est le cimetière. Comme pour lui rappeler que les siens n'étaient plus, qu'il avait déjà tué et qu'elle n'était plus là. Comme s'il espérait voir son nom une dernière fois, que ce soit sur une pierre tombale ou ailleurs. Comme si c'était un mauvais présage.
L'Ombreux marche sans grande conviction entre les allées, un visage neutre tirant vers une mine de tristesse. Il garde la tête haute et pourtant en lui c'est tout autre chose. Il se sent démoli, sale, il a l'impression que tout est de sa faute. Tout est de sa faute.
Il a vieilli, il s'est calmé, mais la même fougue l'habite. La même énergie. Mais il n'a peut-être pas encore fait son deuil. Ses deuils.

Le poulain n'hésite pas longtemps. Les tombes lui lancent des regards sans yeux narquois, il s'en fiche. Moquez-vous de moi, si vous le voulez ! Il se met à courir.
Il veut échapper au loup. Il veut échapper à la mort, quand bien même il sait qu'il n'y échappera pas longtemps. Pas aussi longtemps que tous. Peut-être va-t-il se finir ce soir, d'ailleurs.
Il détale entre les pierres tombales, zigzaguant entre les allées, incertain, sentant déjà le mal intérieur lui comprimer les poumons. Il ne tiendra pas longtemps.

Le pie observe les alentours. Une présence malveillante est proche, il le sait, il le sent. Une présence qu'il a connu une centaine de fois. Mais étonnamment, elle n'est pas venue pour lui.
Un éclair blanc passe en vitesse sous ses yeux tandis que les prédateurs rôdent. Le jeune cheval l'a senti lui aussi. Il se met au galop à son tour, rattrapant le jeunôt aussi vite qu'il le pu.