coeur glacé

Une silhouette sombre se détache du blanc immaculé de la fine neige. Le vent est si fort qu'il parvient à vous glacer jusque dans vos tripes. La jument semble lutter à contre-courant, comme si elle testait ses limites face à ce qui semble vouloir la faire reculer à tout prix.

(yes! je t'attendais)

Malgré les vociférations du vent, elle parvient à entendre le bruit sourd de sabots s'enfoncer dans la neige. Et ce ne sont pas les siens, car lorsqu'elle s'arrête, le son est toujours présent. Elle tourne sur elle-même et ce qu'elle croit voir paraît n'être qu'un mirage. Cependant, ce genre d'illusion n'apparaît que sous lourde chaleur habituellement. Elle est d'ailleurs bien placée pour le savoir. Mais alors, qu'est-ce que la silhouette de Sept ferait ici ? Devant elle ? Dans le froid et la neige ? C'est elle c'est sûr, Isildure la reconnaîtrait entre mille. Elle ne veut pas réfléchir. L'iberique a besoin d'en avoir le cœur net. Alors lentement, mais d'une démarche assurée, elle s'approche ; comme au premier jour.

Ce n'est pas une illusion, mais c'est une vérité. Septenrê est là, mais sa vie n'est plus. Ce n'est pas possible. Isildure ne parle pas aux morts. La jument cherche vainement une lueur de vie dans le regard de l'orientale. Il n'y a rien. Simplement la mort, et rien que la mort. Alors les paroles de Sept lui arrachent une grimace amère. Et toi ? Elle croit connaitre la reponse mais elle ne peut s'y résoudre d'elle-même. Elle sent sa mâchoire se crisper.

Le pelage de jais de l'ibérique s'hérisse presque. Qui ? Comment ? Quand ? Pourquoi ? Un mélange de questions et de colère tourbillonnent en elle, et avant même qu'elle ne puisse en faire part à Sept, cette dernière reprend la parole.

Tu y as contribué. Une Reine. Qui n'est plus. Malgré ce qu'elle laisse paraître, Isildure a beaucoup souffert de sa déchéance. Bien moins que si un inconnu avait reprit le flambeau, bien moins que si son fils n'avait pas pu goûter à l'héritage qui lui avait été promis, mais elle souffrait. Amèrement. Et voir Septenrê lui rappelle toutes les choses qu'elle aurait pu accomplir, la Reine qu'elle aurait pu continuer à être. Mais si elle garde aujourd'hui la face, c'est parce qu'elle est persuadée que son règne n'est pas terminé.

Les deux colosses se font face, d'un côté la lumière, et de l'autre, l'obscurité. Elle n'a pas honte de dire la vérité à celle qui autrefois était son mentor, car elle sait qu'elle reviendra plus forte. Elle croit en elle, et davantage en celle qui l'a éduquée. Aujourd'hui c'est mon fils qui a entre ses mains ce que nous avons tant chéri. Mais demain je ne sais pas. Les temps ont changé Septenrê, et ceux qui hier voulaient vivre seuls, dénigrent à présent toute forme d'autorité. Jusqu'à vouloir les détruire.

Avide, elle boit ses paroles. Un long silence s’ensuit. Certes, elle n'a pas tord. Mais Isildure est t-elle capable d'abdiquer face à ceux pour qui elle éprouve tant de colère ? N'est-ce pas comme si elle se laissait enfermer dans une cage en prenant le risque de ne pas réussir à l'ouvrir lorsqu'il est temps d'en sortir ? Tout est plausible. Les paroles de Septenrê sont sages, mais elle-même ne se serait t-elle pas battu à la place d'Isildure, il y a quelques années ? C'est ce que tu ferais ?

Sa gorge se noue. Ce n'est pas ce qu'elle espérait entendre. Elle pensait que la Reine dorée allait l'encourager à se battre envers et contre tout. Qu'elle allait accentuer sa rage de vaincre. Et pourtant. Isildure sent son cœur se serrer. Pour la première fois, elle hésite à suivre les conseils de celle qui l'a toujours guidée. Elle se sent mal d'être en désaccord avec elle. Elle aimerait l'écouter, grandir et apprendre de ce qu'elle lui dit et montre. Comme elle l'a toujours fait. Durant toute son éducation, Isildure a réussit à rentrer les formes dans les trous appropriés. Les cubes carrés dans les creux carrés. Les triangles, dans les triangles. Mais aujourd'hui.. elle n'y arrive pas. C'est elle qui ne rentre pas dans le moule que Septenrê lui a préparé. Je trouverai une faille et je reprendrai le pouvoir. Affirme t-elle en se redressant. Mais je n'abandonnerai pas. Si il faut perdre une bataille avant de remporter la guerre, soit. Tant que je la mène jusqu'au bout.

Elle acquiesce. Certes un peu déçue elle aussi qu'elles ne soient pas d'accord mais décidée à assumer ses choix et ce qu'elle pense vraiment. Septenrê.. murmure t-elle, qu'est-ce qui t'es arrivé ?