cendre haillon

Enja avançait dans ce paysage qu'elle trouvait morne, dépourvu de couleurs et donc de reliefs, d'émotions. Elle observait autour d'elle, cherchant la moindre chose qui pourrait remonter le moral de ce lieu tellement triste. Elle avait l'impression de se retrouver sur une terre stérile, calcinée par la guerre. Et elle ne pouvait s'empêcher de penser à ce qui se passait avec les parias.

Phoenix venait de quitter Jiyuu après leur conversation. Et après avoir présenté Hooker à sa fille, elle était bien décidée à aller lui parler plus tard dans la journée. Voilà donc que l'occasion se présentait. Enja, ma chérie! interpella la mère.

Une voix lui parvint finalement, dans son dos, comme parvenue du lointain de son esprit. Elle se redressa, d'abord lentement puis d'un coup, reconnaissant la voix de sa mère. Elle orienta son encolure vers elle, l'observant ainsi arriver. Elle fit quelques pas dans sa direction, l'accueillant d'un petit sourire. « Tu n'es pas resté avec Hooker, maman ? » s'enquit-elle, s'en voulant toujours de ses petites maladresses, persuadée qu'elle avait installé un malaise.

Elle s'avança vers la belle yearling, tout sourire. Enja n'avait pas à s'en vouloir pour avoir lancé une conversation qui viendrait tôt ou tard et Phoenix le savait. Elle n'avait simplement pas eu le courage de lui poser la question. Ça l'avait ébranlée au début, c'est vrai. Mais au final, c'était pas si catastrophique. Si, on a discuté et puis je suis tombée sur Jiyuu, mais je voulais te parler. Elle fixa son regard au sien. Tu avais des choses à me dire, pas vrai?

La jeune femelle écouta attentivement ce que sa mère venait à lui dire. Elle était désormais plutôt rassurée à l'idée que cela n'ait pas trop mis de malaise entre eux. Il n'empêchait qu'elle se sentait gênée, et aurait aimé que la rencontre se passe dans la bonne humeur. « Euh oui.. en fait je m'inquiète. » fit-elle calmement, dans un premier temps. « L'autre jour, j'ai retrouvé une jument dans un mauvais état. Et ce n'est pas la première que je vois ayant subit leurs méfaits. Aux parias. » Sa voix trembla davantage sur le dernier mot, tandis qu'elle s'efforçait de maintenir le regard de sa mère.

Le regard qu'elle posait sur sa fille se voulait rassurant. Mais bien qu'elle tentait de ne pas le laisser paraître ce qu'elle lui racontait là lui glaçait le sang. Elle soupira. Qui était-ce? As-tu été en mesure de l'aider? demanda-t-elle le plus calmement possible. Elle laissa ses yeux examiner le corps fin de la jeune baie. Toi aussi tu as été attaquée, pas vrai? s'enquit-elle plus tristement. Elle s'en voulait de ne pa avoir pu prendre les coups à sa place. C'était son coeur de mère qui avait été atteint.

Enja hocha la tête d'un air grave. « Oui. Elle s'appelait Sana'a. Ses blessures étaient profondes et sérieuses. J'ai un peu paniqué, elle avait perdu connaissance. Mais j'ai appliqué des cataplasmes et lui ai donné des graines de pavot pour la douleur... » Comme sa mère lui avait appris à le faire. Son rôle de guérisseuse était désormais officiel, maintenant qu'elle avait soigné son premier patient. De ce côté là, Enja n'était pas peu fière. « ... » Elle demeura interdite quelques instants, un pincement au coeur. « C'était un étalon gris. Alcantaraz. L'un de ses "collègues" est venu ensuite pour... Le calme je présume. Un grand étalon noir. Il m'avait attaqué sans raisons... Je cherchais juste de nouvelles plantes. » Elle baissa la tête, mordillant l'intérieur de ses lèvres nerveusement.

Elle écouta Enja d'une oreille attentive. Un petit sourire fier naquit sur ses lèvres tandis qu'elle lui racontait comment elle avait aidé la pauvre Sana'a. Elle déposa un doux baiser sur le front de sa fille. Je suis fière de toi. Tu as bien fait. Mais son air sérieux et grave revint lorsqu'il leur fallut parler des parias et leurs sbires. Elle poussa un nouveau soupir. L'important c'est que tu ailles mieux. Elle marqua une pause. Tant qu'à Alcantaraz... Il ne perd rien pour attendre. Comme tous les autres parias. Les GSiens allaient prendre leur revanche et reprendre ce qui leur appartenaient.

Enja se sentit littéralement gonflée de fierté lorsqu'elle entendit les mots de sa maman. « C'est parce que j'ai eu une super prof ♥ » fit-elle avec légèreté et amour rien que dans son regard d'encre. Elle se concentra ceci dit sur la suite de la discussion. « Je ne veux pas que tu te mettes en danger. » Et elle était sérieuse.

Elle sourit. Enja était toujours en train de penser aux autres. C'est ce qui fait d'elle une merveilleuse personne. C'est plutôt à toi que je devrais dire ça. répondit-elle avec douceur.

La brune ne sut que répondre dans un premier temps. Elle avait confiance en sa mère, savait qu'elle était la meilleure. Mais la simple image d'elle aux prises avec ce monstre la faisait frissonner d'effroi. « N'essaye pas de le retrouver, s'il te plait... Il est vraiment dangereux. Comme eux tous d'ailleurs... » Elle se tut un instant, mordant sa lèvre inférieure. « Quand j'étais encore petite, j'ai rencontré une pouliche qui s'appelle Tehya. Je ne l'ai pas revue depuis mais elle m'a dit qu'elle souhaitait être guérisseuse, elle aussi. Je pense qu'il faut qu'on se rassemble toutes... pour qu'on anticipe les futurs conflits, parce qu'il y en aura... »

Phoenix sourit tendrement à sa fille, de l'amour plein le regard. La jeune baie semblait terrifiée et la mère vint caresser son visage avec naseaux d'un geste doux. L'amour d'une mère pour son enfant est toujours ce qui est le plus puissant, et ça lui donnerait la force d'aller botter le derrière d'Alcantaraz. Mais elle savait que ce serait du suicide. Ne t'en fais pas pour moi, Enja. Je n'irai pas au combat car je ne sais pas me battre. Ce serait du suicide. Mais sois prudente. Ce qu'elle lui dit ensuite éveilla sa curiosité. Tu as raison. Si les Gsiens comattants devront s'allier pour mettre les parias et leurs sbires dehors, nous devrons nous allier aussi à nos collègues. répondit l'alezane. Elle contempla sa fille quelques instants en souriant. Phoenix ne voulait pas parler que de ça. Alors elle laissa une poignée de secondes en suspens. N'avais-tu pas autre chose à me dire? s'enquit-elle avc curiosité.

Le combat, ce n'était pas fait plus la brunette. Elle préférait aider ceux qui étaient blessés, leur apporter du réconfort et apaiser leurs douleurs. Elle hocha brièvement la tête. « Je sais que tu m'avais parlé brièvement de Céleste lorsque j'étais plus petite. Je vais voir si de mon côté je peux trouver Tehya, mais je ne sais pas où elle peut être pour l'instant... » De plus, elle avait peur de ce qu'elle allait certainement voir à l'avenir comme blessés, et peur de ne pas savoir comment les prendre en charge. Elle avait peur de voir mourir des gens. Qu'elle connaissait ou qu'elle ne connaissait pas. « Hormis ça, ce n'est rien d'important... Je voulais juste qu'on discute un peu de notre quotidien. » fit-elle avec un petit sourire.

L'alezane hocha la tête à son tour. D'accord. Ça ira, Enja. Tu es talentueuse, ne doute pas de toi. dit-elle d'une voix qui se voulait rassurante pour la réconforter au sujet du combat à venir. Elle la sentait inquiète et c'était le cas à Phoenix aussi, à vrai dire. Mais sa plus grande inquiétude restait son enfant, bien qu'elle soit devenue plus grande.
Elle souriait toujours avec douceur. Dans ce cas parle-m'en. J'ai besoin de savoir ce que tu en penses, ce que tu ressens.

Enja hocha calmement le visage. Il y avait bien un sujet récent dont elles devaient parler toutes les deux. « Je suis contente pour toi et Hooker. » fit-elle avec un petit sourire tendre. « Et je suis désolée si j'ai mis un froid, tout à l'heure... » fit-elle en pinçant les lèvres d'un air gêné.