/ i loved you, i'll leave you

Sa mère ne lui avait jamais donné les détails du départ d’Oros, et elle n’allait certainement pas les lui demander à lui, pas ici, pas maintenant. Peut être plus tard, si le temps le leur accordait.
De nouveau, il parvient à l’émouvoir et la toucher. Elle ne sait que dire, que répondre. Bailey se contente d’hocher la tête en guise de remerciements, les yeux de nouveau luisant de larmes mais sans qu’elles ne s’écoulent sur ses joues cette fois. Elle lui était reconnaissante, pour bien des choses, des choses qu’il ne comprendrait pas, des choses qui pouvaient même lui échapper à elle même. Mais elle aurait aimé le remercier à la juste valeur de tout ça. Rien ne lui vient, jusqu’à ce que la réalité s’affiche à elle comme une évidence, des souvenirs enfouis, des mimiques et des paroles de sa mère qui lui échappaient autrefois mais dont elle comprenait le sens aujourd’hui. Elle vous aimait, vous savez. Elle aimait mon père, elle vous aimait tout les deux. Elle avait fait un choix. Mais s’il l’ignorait, sans doute devait il le savoir.

Puis, soudainement, tombent des mots auxquels il n'est pas préparé. Qu'il a toujours rêvé d'entendre et qui pourtant aujourd'hui, alors qu'ils arrivent enfin à ses oreilles, font monter une étrange colère au fond de lui. Ce n'est pas vrai. Il serre les dents, pour ne pas exploser devant la petite qui n'y est pour rien. Elle ne pouvait pas l'aimer. Sinon, il l'aurait vu. Sinon, il serait resté. Sinon, peut-être aujourd'hui tiendraient-ils encore le Nord, elle et lui, ensemble.
Il détourne le regard, les mots lui font mal, il voudrait la revoir, elle.

Bee bascule ses oreilles en arrière, sans les plaquer, juste gênée d’avoir pu lui causer de la peine. Pourtant, elle pensait que ses mots étaient véridiques. Les histoires de la famille d’Oros l’avait bercé toutes son enfance, et la manière dont sa mère parlait de lui ne lui avait pas échapper. Elle était trop jeune, trop innocente, pour comprendre auparavant. Je ne pense pas mentir mais je suis désolée, je ne voulais pas vous causer du tord. s’excuse t’elle d’une petite voix, avec douceur.

L'étalon s'aperçoit qu'il a réagit trop fort, peut-être. Il soupire, secouant la tête avant de la laisser glisser jusqu'au sol, où ses naseaux soufflent la poussière qui le recouvre. Excuse-moi. C'est juste que.. je n'ai jamais cherché à avoir cet espoir. Mon amour pour elle m'a toujours poussé à rester à ses côtés, envers et contre tout. Et même à devoir se dresser contre son plus grand ami, Sydän, quand Aslaug voulait récupérer le Nord. Alors que c'est lui qui le lui avait légué. Il soupire. Non, elle ne l'aimait pas. Sûrement tenait-elle beaucoup à lui, pour l'avoir vu naître et grandir, mais ça n'était pas le même amour que lui avait toujours eu pour elle. Il cherche timidement le regard de la jeune baie. Le passé ne revivra pas. Aujourd'hui mes jours sont comptés et en revenant, j'espérais.. la revoir une dernière fois.

Bailey l’écoute attentivement. Sûrement qu’elle était encore trop jeune pour comprendre les différentes palettes de nuances de l’amour. N’était elle pas elle même perdue avec ses propres sentiments après tout ? Elle soupire en se rendant compte qu’avec le temps, la complexité de l’amour ne semblait pas s’atténuer, au contraire. Elle regrettait l’époque de sa discussion avec. Njörd, lorsqu’elle l’interrogeait innocemment sur son âme sœur.
Ses yeux finissent par rencontrer de nouveau les siens, qu’elle couve de douceur et de compassion. Il semblait réellement tenir à sa mère et ça la touchait, bien que malheureusement, elle ne puisse rien pour lui, à part lui rappeler une personne sans doute perdue à jamais. Y a t’il quelque chose que je puisse faire pour vous ? Elle ne pouvait s’empêcher d’être triste à l’idée qu’il soit condamné.

Il secoue tristement la tête, avec un sourire doux et tendre. Elle la lui rappelle tellement. Il s'avance d'un pas et souffle un air brûlant sur sa tête fine. Seulement vivre ta vie comme tu l'entends et ne jamais laisser personne te dicter ta conduite. Crois toujours en tes rêves ; un jour, ils se réaliseront.

Elle ferme les yeux sous la caresse de son souffle, apaisée. Quelque chose semble la lier au sang d'Oros, comme irrémédiablement attirée à eux. Elle se sentait bien et en sécurité aux côtés de Redjim, elle était charmée et troublée par Aaren, elle avait confiance et foie en Ghanan, et sans parler de Bryséis, la petite fille d'Oros, qui était sa meilleure amie. Pourquoi avait-ils tous cet effet sur elle ? Et sans parler de cet étalon mythique qu'elle avait face à elle. Ses paupières se rouvrent doucement, et ses lèvres lui offrent un sourire. Elle aurait aimé profiter de sa proximité pour frotter tendrement son visage contre le sien mais elle se retient, sans doute cela aurait-il été un geste déplacé, bien qu'il n'aurait été qu'instinctif. Je ferais en sorte de suivre précautionneusement ce conseil. murmure t-elle. Elle sentait que cette rencontre semblait toucher à sa fin, et cela lui laissait un léger goût amer en bouche.

Il sent tout ça. Il sent qu'elle est touchée, il sent qu'il a de l'importance pour elle, alors qu'il ne la connaissait pas il y a quelques heures de cela. Comme s'il avait prédit qu'elle se retenait, le Lion vient baisser son encolure pour être au niveau de la baie et venir doucement poser son chanfrein contre le sien. Ses grands yeux noirs et brillants se posent dans le regard de la jument avec une douceur étrange, presque palpable. Il finit par fermer ses yeux et lui intime, justement, la fin de cette rencontre. Ne pas trop s'attacher.
Qu'elle ne souffre pas trop de sa future disparition, parce qu'elle viendra, elle s'approche, de plus en plus vite. Il le sent, comme une préméditation. Et il aurait peut-être préféré qu'elle ne le rencontre jamais. Qu'il reste une légende dans sa tête, et pas un absent, une fois de plus. J'ai été très honoré de te rencontrer, Bailey.

Au fond d'elle, elle savait que c'était une rencontre et un adieu à la fois. Mais bien qu'elle était triste de se dire qu'elle ne le reverrait sans doute jamais, elle était plus qu'enchantée qu'il ait pu faire partie de sa vie, même de manière aussi brève. Elle ne l'oublierait jamais. Son chanfrein contre le sien, les yeux clos, elle s'imprègne avec minutie de toutes ces choses qui émanent de lui, comme ci cela pourrait lui donner une force invisible lorsqu'elle viendrait à en manquer. Doucement, lentement, elle se défait de leur intime proximité, relevant ses yeux de biche dans les siens. Je ne vous oublierai jamais.

Il s'imprègne de son regard, de sa force fragile, de sa jeunesse éblouissante. Elle a toute la vie devant elle. Il lui sourit, une dernière fois sans doute. Moi non plus, Bailey. Prends soin de toi, surtout. Il dépose ses lèvres sur le front de la baie avant de reculer lentement, rechignant à partir. Mais il le faut. Il lui adresse un dernier regard brillant, comme fier, comme si l'espace d'un instant, elle était un peu sa fille. Avec un signe de tête, le Lion tourne les talons, s'éloignant d'un pas léger mais le coeur lourd.

Elle inspire profondément lorsqu'il embrasse son front, ses yeux se fermant à ce contact doux et revigorant à la fois. Lorsque cela prend fin, leurs regards se croisent une ultime fois. Une émotion palpable émane de cet échange visuel. Elle répond à son hochement de tête par un sourire délicat. Elle ferait tout pour honorer ce grand étalon qu'il avait toujours été pour elle, et qui continuerait de l'être. Bailey l'observe partir jusqu'à ce que sa silhouette disparaisse totalement de son champs de vision, créant un léger vide en elle, mais il venait à contrario d'en reboucher bon nombre d'autres.


OUT