Nuit sans étoiles //O//

Ana était là, tout contre elle, sa respiration berçant la sienne. Les yeux clos, elle n'avait pas tout de suite remarqué qu'Ohana était éveillée. Ce n'est que lorsque la petite bougea un peu qu'elle ouvrit les paupières pour la découvrir les yeux rivés vers la voûte céleste. Elle suivit son regard, pointant vers la giclée d'étoiles qui les surplombait. Tu n'arrives pas à dormir ?

Elle se mordit la lèvre, intriguée, et leva vers sa fille un regard empli d'amour mais aussi d'anxiété. Quelque chose te préoccupe ? Une chose dont tu voudrais me parler… ?

Ana soupira doucement. Quelque part, elle s'attendait à cette question. Les gens ne savaient pas tenir leurs langues, particulièrement les enfants, ils pouvaient parfois être impitoyables entre eux… Et les choses qui sortaient de l'ordinaire faisaient souvent l'objet de commérages. L'as-tu perçu comme une insulte ? Est-ce qu'on a été méchant avec toi vis-à-vis de ça ? demanda-t-elle d'abord, pour jauger un peu les choses. La mère qui dormait en elle était prête à botter des fesses ¬¬

Elle planta son regard dans les yeux clairs mais vides de sa fille, la regardant avec affection. La traitant comme quelqu'un de tout à fait normal, et non une bête de foire. Sais-tu combien tu es précieuse et rare ? Elle effleura ses naseaux avec les siens, caressant doucement. Eh bien… cela a un prix. La plupart des gens ordinaires voient ce qui se passe autour d'eux. Toi, tu ne peux pas voir, mais tu peux sentir, mieux que n'importe qui. Tu développes des sens que certains rêvent d'avoir, mais n'auront jamais. Et ça, tu dois l'utiliser. C'est ce qui fait ta force.

Elle sourit - c'était un sourire qui se voulait rassurant, réconfortant. Non, pas te voler. Mais te blesser, peut-être. Et les blessures morales sont les pires, bien pires que les attaques physiques. Alors je veux m'assurer qu'ils ne t'ont pas dit d'horreurs, car il ne faut pas les croire. Tu es aussi forte qu'eux, même si tu ne peux pas voir - c'est d'ailleurs ce que veut dire le mot "aveugle", cela signifie simplement que tu ne peux pas voir. Mais tu as d'autres forces qu'ils n'ont pas. Et je veux que chaque jour, tu te souviennes que tu es différente, mais que ce n'est pas une faiblesse. D'accord ?  Elle déposa un doux baiser sur son chanfrein. Ton père aurait été si fière de t'avoir à ses côtés…  À ces mots, elle respira profondément.

Elle leva les yeux au ciel, elle aussi. Quelque part entre le ciel et ton cœur. Il n'est plus là physiquement, mais tu peux sentir sa présence au fond de toi, il veillera toujours à ce que tu ailles bien. Elle indiqua son cœur du bout des naseaux, comme si c'était l'endroit où il reposait sagement.

Elle rit doucement, amusée par le douce innocence de sa fille. La naïveté d'une enfant. Non non, il ne peut pas étouffer car il n'a plus de corps. Ce n'est plus qu'un esprit, tu vois ? Elle se redressa un peu, pour étendre son encolure qui commençait à fourmiller. Comme un fantôme, mais gentil, qui veille sur toi en permanence et qui loge dans ton cœur pour ne jamais que tu l'oublies.